Un témoignage saisissant sur les drogues à Cuba sous le communisme de Fidel et Raul Castro.
Par Yoani Sanchez, depuis la Havane.
Des éléphants bleus, des routes en pâte à modeler, des bras qui s’allongeaient jusqu’à l’horizon. S’échapper, voler, sauter par la fenêtre sans se faire mal… jusqu’au fond de l’abîme, voilà les sensations que recherchaient nombre de ces adolescentes éloignées de leurs parents, et qui vivaient sur les faibles valeurs éthiques que leur transmettaient leurs professeurs. Certains soirs les garçons faisaient sur le terrain de sport une infusion de belladone connue sous le nom de « cloche », la drogue du pauvre disaient-ils. A la fin de ma classe de seconde dans ce lycée à la campagne, ont commencé à entrer les poudres à inhaler et « l’herbe » en petits paquets. Ce sont principalement les étudiants qui habitaient le quartier très pauvre d’El Romerillo qui les apportaient. Des gloussements dans les classes le lendemain matin, des regards qui s’évadaient au-delà du tableau noir, et la libido exacerbée par tous ces « encouragements à vivre ». Avec des prises régulières on ne sent plus les affres de la faim dans l’estomac me confirmaient certaines amies déjà « accros ». Par chance je ne me suis jamais laissé tenter.
A la sortie du lycée j’ai su qu’en dehors de ses murs on retrouvait la même situation mais à plus grande échelle. Dans mon quartier de San Leopoldo j’ai appris à reconnaître les paupières à moitié ouvertes des « addicts », la maigreur et la peau blafarde du consommateur invétéré et l’attitude agressive de certains qui après s’être « shootés » se croyaient les rois du monde. Avec l’arrivée des années deux mille les offres se sont accrues sur le marché des produits d’évasion : melca, marijuana, coke –cette dernière est actuellement à quelques 50 pesos convertibles le gramme- pastilles d’EPO ; parkisinol rouge et vert, crack, Popper et tous types de psychotropes. Les acheteurs viennent de milieux sociaux divers, mais dans la majorité ils cherchent à s’échapper, à passer un bon moment, à sortir de la routine, à laisser derrière eux l’asphyxie quotidienne. Ils inhalent, boivent, fument et ensuite on les voit danser toute la nuit dans une discothèque. L’euphorie passée ils s’endorment devant ce même écran de télévision où Raoul Castro affirme « qu’à Cuba il n’y a pas de drogue. »
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Sur le web. Traduit par Jean-Claude Marouby