Augmenter l'assiette pour le calcul des cotisations au forfait aurait satisfait tout le monde.
Fin 2012, quand le Gouvernement a annoncé la suppression du forfait de cotisations, Didier Kropp a pris la plume pour exprimer les craintes des professeurs à domicile et faire des contre-propositions. Un mois après l'entrée en vigueur de la mesure, nous avons discuté avec lui des conséquences de cette décision.
Didier Kropp est enseignant à domicile en mathématiques et physique-chimie dans les Yvelines et l'Eure-et-Loir. Ses élèves sont des lycéens de première et terminale S. Avec nombre de ses collègues, il a exprimé son opposition à la suppression des cotisations au forfait, sans autre forme d'aménagement, quand le projet a été présenté par le Gouvernement fin 2012.
La décision de suppression fut tout de même entérinée pour une entrée en vigueur au premier janvier 2013. Salariés par des particuliers employeurs, les professeurs à domicile craignaient pour l'avenir de leur profession eu égard à l'augmentation de coûts engendrée pour leurs clients (cotisations sur la base du salaire réel). Un mois après la disparition du forfait, comment se portent-ils, nous en avons discuté avec Didier Kropp.
Aladom : Comment avez-vous négocié le virage de la suppression du forfait de cotisations dans votre activité ?
Didier Kropp : Jusqu'à présent, j'étais professeur indépendant rémunéré en CESU. Parallèlement, j'organisais des stages pour des petits groupes d'élèves, deux fois par an. Depuis la suppression du forfait, j'ai créé une entreprise individuelle qui a l'agrément pour les services à la personne. Mes clients m'ont tous suivi, malgré l'augmentation des tarifs.
Pour vous expliquer simplement le mécanisme, auparavant, pour une heure rémunérée à 38 € nets, le client devait s'acquitter, en plus, de 6,6 € pour les charges sociales, soit 44 ,60€ l'heure et au final, l'heure lui coûtait 22,30€ après réduction fiscale. Désormais je ne suis plus salarié et je facture des honoraires à hauteur de 50€ l'heure de cours, soit 25€ après la déduction fiscale, une augmentation de 10%. Quant aux stages, je n'ai pas encore trouvé le statut juridique adéquat.
Aladom : Qu'en est-il de vos confrères eux aussi professeurs à domicile ?
D. K. : Pour certains d'entre eux c'est assez difficile. J'ai un confrère qui ne veut sous aucun prétexte se lancer dans l'entreprenariat pour des raisons personnelles. Il garde le souvenir d'une mauvaise expérience passée. Alors, en tant que professeur à domicile, pour limiter l'augmentation des tarifs avec la disparition du forfait et éviter le départ de ses clients, il a opté pour le statut d'auto-entrepreneur. Celui-ci étant plafonné en Chiffre d'affaires, il pratique le travail « au gris » et ne déclare pas 1 cours sur 4. Il estime ne pas avoir d'autre choix. Avant, il n'avait pas besoin d'avoir recours à cette pratique, la rémunération par CESU n'étant pas plafonnée. Cette situation est d'autant plus dure à avaler pour les enseignants à domicile, que nous avons généralement créé notre emploi et que, jusqu'à présent, nous avons travaillé sans tricher.
Aladom : Ne pensez-vous pas que la suppression du forfait va dans le sens de la justice sociale ?
D.K. : Bien sûr, c'est une mesure qui protège les plus faibles qui travaillent dans les services à la personne et qui ont souvent des emplois précaires et mal payés. Cette mesure va dans le bon sens pour eux. Par contre, pour les intervenants comme moi et mes confrères, un aménagement au projet de suppression aurait pu être envisagé. Nous avons proposé de modifier l'assiette pour le calcul des cotisations au forfait afin de la faire passer à 1,5 ou 2 fois le SMIC. Cette solution aurait permis à plus de 95% des employés à domicile (les moins bien rémunérés) de bénéficier des cotisations sociales au réel, et pour les autres (par exemple mes confrères et moi) de continuer à travailler, l'augmentation pour les familles restant raisonnable. Cette option satisfaisante pour tous n'a pas été retenue.
Aladom : Vous évoquez la situation des indépendants, mais qu'en est-il selon vous des structures mandataires ?
D.K. : Les grosses structures vont négocier ce changement sans trop de casse. Elles vont baisser un peu la rémunération de leurs intervenants, augmenter un peu les tarifs facturés aux clients et réduire un peu leurs marges et ça ira. Pour les structures plus petites qui rémunèrent mieux leurs professeurs, certaines vont mettre la clé sous la porte faute de pouvoir encaisser l'augmentation. C'est une sorte de prime à la médiocrité et c'est bien regrettable.
Tous les renseignements sur les cours proposés par Didier Kropp : http://www.cours-de-maths-78.fr/