Dans la rubrique des procès en cours, il est important de signaler que l'ancien sous-lieutenant de l'armée Telmo Hurtado, accusé d'avoir organisé le massacre de 69 personnes, dont 23 enfants et 30 femmes, dans la localité d'Accomarca (Ayacucho), a lui-même accusé d'anciens chefs militaires d'avoir ordonné et participé aux massacres de paysans dans la région. Le procès contre Hurtado a été ouvert en juillet 2011, après son extradition des États-Unis. Il est le seul militaire à avoir reconnu que des massacres et des exécutions systématiques ont été menées sous les ordres du commandement politico-militaire de Huamanga, Ayacucho, en particulier dans les années 1980. En décembre, Hurtado a accepté sa culpabilité dans la mort de 31 personnes, mais il affirme que les autres furent tués par le lieutenant Juan Rivera Rondón. Il a déclaré également que le général Mori était responsable des massacres qu'il avait ordonnés. Il a révélé enfin qu'en juillet 1985, le chef de l'État major de la IIe division d'infanterie, Nelson Gonzales Feria, ordonna l'exécution de 15 détenus dans le camp de la Base de Los Cabitos. Le général José Cabrejos Samamé fut lui aussi accusé par Hurtado d'avoir assisté aux exécutions de 1985 à Los Cabitos. Le procès se trouve dans sa phase de déclarations des témoins et des survivants ; on estime que la sentence ne sera prononcée qu'au milieu de 2013. Le procureur a requis 25 ans de prison contre Hurtado (César Romero, La República du 20 décembre). Ses aveux devraient permettre la mise en accusation et la condamnation des autres officiers militaires responsables des massacres.
D'autre part, le procureur Victor Cubas a requis de 25 à 30 ans de prison contre l'ancien chef du commandement politico-militaire de Huamanga (Ayacucho), José Valdivia Dueñas et 31 militaires pour le massacre et la disparition forcée de 37 paysans de Cayara (Ayacucho), entre mai 1988 et septembre 1989. L'accusation souligne qu'il s'agit de graves crimes contre l'humanité, imprescriptibles selon le Statut de Rome et la Convention américaine des droits de l'homme (La República du 3 novembre).
Ces avancées juridiques importantes ont été assombries par le verdict de la Tercera sala pénal liquidadora relatf au cas Chavín de Huántar, qui a acquitté Vladimiro Montesinos, Nicolás Hermoza Ríos et Roberto Huamán Azcurra. Les trois étaient accusés d'avoir organisé l'assaut de la résidence du Japon en avril 1997, et d'avoir donné l'ordre d'exécuter trois prisonniers du Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru (MRTA). La cour a reconnu qu'Eduardo Cruz Sánchez, « Tito », fut exécuté de manière isolée par le commando Jesús Zamudio Aliaga. Pourtant, la procédure a été entachée d'irrégularités ; bien que la juge qui dirigeait la séance, Carmen Rojjasi, avait reçu un message qui ne la confirmait pas dans son poste, elle continua à présider les débats. Elle fut en outre l'objet de fortes pressions du pouvoir exécutif (venant directement du président et du Premier ministre Jiménez) pour que la justice péruvienne rejette l'accusation d'exécutions extrajudiciaires lors de l'opération Chavín de Huántar. Cette accusation avait été portée par les proches des victimes à la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) qui avait relancé l'affaire en 2011. Le procureur Hugo Turriate et la partie civile ont fait appel et ont demandé sa révision par la CIDH (La República du 16 et du 28 octobre). Le congressiste Diez Canseco a dénoncé l'acquittement, notamment de Montesinos qui avait déjà été acquitté de l'accusation de vol des biens de la Caisse des retraites militaires en août 2012. Montesinos est également responsable du détournement de plusieurs millions de dollars de l'État et, jusqu'à présent, celui-ci a obtenu le rapatriement de 171 millions de soles (66 millions de dollars) entre 2001 et 2006, et de 13 millions de soles (5 millions de dollars) entre 2006 et 2011 ; enfin, 15 millions de dollars ont été rapatriés en décembre dernier depuis le Luxembourg. Le procureur Julio Arbizu estime que les personnes qui purgent des peines de prison pour corruption, dont Fujimori et Montesinos, doivent à l'État environ 1000 millions de soles (386 millions de dollars) (El Comercio du 27 décembre).
Enfin, des réparations financières pour un montant de 39 000 soles ont été accordées par le président Humala et le ministre de Défense, Pedro Cateriano, aux comités d'autodéfense de la Vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro représentés par Antonio Cárdenas Flores, fondateur du premier groupe de milice civile de cette zone. Il s'agit de la première reconnaissance concrète des « héros anonymes » qui, selon le ministre, furent « les acteurs principaux de la pacification nationale ». Ce dernier a précisé par ailleurs qu'il existe actuellement environ 6 000 comités d'auto-défense reconnus par l'État, composés par près de 571 000 personnes (La República du 20 décembre). Ces comités sont considérés comme une réserve civile susceptible d'être réactivée en cas de besoin par les forces armées ; dans la région du VRAEM, toujours déclarée en état d'urgence, les milices civiles reçoivent des armes et des munitions régulièrement. L'état d'urgence a été par ailleurs renouvelé dans plusieurs zones de l'Amazonie (Huánuco, San Martín et Ucayali) pour poursuivre la lutte contre le trafic de drogue (La República du 3 janvier 2013).
Le président Humala avec Antonio Cárdenas, chef des CAD de la VRAEM. La República du 20 décembre
La campagne contre la maire de Lima : entrepreneurs, conservateurs et évangéliques contre la modernisation et la réorganisation de la capitale
L'année 2012 a été marquée par la campagne menée contre la maire actuelle de Lima, Susana Villarán, qui a débouché, contre toute attente, sur une procédure de révocation contre elle et les 39 membres de son équipe, prévue pour être entérinée lors d'un référendum le 17 mars 2013. Comment en est-on arrivé là ? Susana Villarán a été élue en octobre 2010, avec 38,55% des voix contre la candidate de droite Lourdes Flores (37,50%) ; l'écart entre les deux candidates était infime mais il permit, pour la première fois dans l'histoire républicaine, à une femme politique ouvertement de gauche et disposant d'une excellente expérience professionnelle et d'une réputation sans tâche de devenir maire de Lima. Villarán fut conseillère du premier maire de gauche du pays, Alfonso Barrantes, entre 1983 et 1985 ; elle devint ministre de la Condition féminine dans le gouvernement transitoire de Paniagua (2000), et enfin fonctionnaire internationale auprès du CIDH (2000-2005). Elle fut également candidate à la présidence lors des élections de 2006. La campagne pour la mairie de Lima fut, comme le note le sociologue Nelson Manrique, extrêmement rude, la droite et les secteurs dominants de la société liménienne firent tout ce qu'ils purent pour discréditer la candidature de Villarán, réveillant les vieux démons du « communisme » dont elle serait, d'après eux, une porte-parole. Il est vrai que dans sa jeunesse, Villarán a appartenu à un groupe de gauche, qu'elle a ensuite abandonné pour se consacrer à d'autres activités politiques. Mais les groupes conservateurs se sont acharnés à présenter cette personnalité sous des dehors malveillants associés à la « gauche », sans hésiter à utiliser tous les moyens pour atteindre leurs fins. Ainsi par exemple, le personnel de la mairie, dont le maire était l'apriste Luis Castañeda Lossio, a installé des banderoles de propagande contre Villarán sur la voie rapide (Vía expresa) qui traverse Lima. Les journaux fujimoristes ont continué à faire de la propagande électorale deux jours avant l'élection alors que cela est interdit, et ils ont tenté de confondre les électeurs des quartiers pauvres en changeant les pancartes des partis en lice. Même un journal conservateur respectueux de la démocratie comme El Comercio a donné des informations mensongères pour fausser les sondages, en présentant comme gagnante Lourdes Flores (La República du 5 octobre 2010).
Maire de Lima, Susana Villarán, Archives La República
Malgré toutes ces attaques, Villarán a pris ses fonctions comme maire de la capitale et a commencé un travail impressionnant de modernisation et de réorganisation complète des transports et des grands marchés ouverts (La Parada et Santa Anita), qui fonctionnaient jusque là dans un chaos indescriptible, comme chacun pouvait le constater en arrivant à Lima. Elle a développé les infrastructures avec le soutien de la coopération internationale, et a mis en place des réformes de fond du système de transport public de la ville, régularisant l'emploi largement informel de milliers de jeunes, et imposant la mise à la casse des voitures usées. Le volet culturel a reçu une grande attention, les conférences, les concerts et les fêtes populaires ont rythmé la vie des Liméniens, surtout ceux des classes populaires, normalement exclus de telles manifestations. La maire a participé également à des manifestations qui sont encore mal perçues par les Liméniens de toutes les classes sociales, dont la Parade de la Gay Pride. Elle s'est aussi prononcée pour le contrôle de la natalité, l'usage des préservatifs, pour le droit des femmes à disposer de leurs corps, et contre la violence domestique contre les femmes et les enfants. Mais surtout, la gestion de Villarán se caractérise par la grande honnêteté avec laquelle elle administre le budget de la ville et par sa volonté ferme de mener à bien toutes les réformes en cours. Salomón Lerner Febres, ancien président de la Commission de la vérité et la réconciliation et directeur de l'Institut de démocratie et droits humains, considère que certains secteurs de la ville s'opposent à la maire simplement parce qu'elle est considérée comme « progressiste, de gauche ». Ce qui montre bien les limitations de la culture politique des Liméniens.
[Voir http://www.larepublica.pe/26-12-2012/salomon-lerner-es-un-gobierno-edil-que-actua-con-honestidad-y-transparencia].
En tout état de cause, l'action novatrice de la maire de Lima a suscité la réaction de secteurs opportunistes, avec ou sans idéologie, qui pour diverses raisons s'opposent à une gestion qui va à l'encontre de leurs intérêts personnels. Cependant, le rapport de forces n'oppose pas directement la gauche et la droite traditionnelle car des secteurs importants des deux camps appuient la gestion de la maire et dénoncent la corruption de l'ancien maire Castañeda, accusé de corruption dans un procès encore en cours. En revanche, l'extrême droite fujimoriste et certains politiciens de divers partis populistes (notamment l'APRA), se sont déjà exprimés contre la gestion de la maire. Cela dit, des personnalités de droite (Lourdes Flores du PPC et l'écrivain Vargas Llosa) ; et d'autres du centre (Armando Villanueva de l'APRA), Alejandro Toledo (de Perú posible), soutiennent également Susana Villarán et appellent les citoyens de la capitale à la ratifier dans son poste.
La charge contre la maire Villarán s'est organisée au mois de janvier 2011, à partir d'une sorte de groupe informel de politiciens de seconde zone qui, sous la direction apparente de l'avocat Marco Tulio, ont commencé à travailler pour recueillir des signatures demandant la révocation de la maire pour « incompétences diverses et variées ». La procédure qui permet l'exclusion de fonctionnaires incompétents ou qui ont commis des fautes graves existe dans la législation péruvienne depuis 1994 (même si elle mérite une révision complète), mais elle a été largement manipulée contre la maire et illustre le pouvoir de manipulation important des groupes qui s'opposent à son action. En effet, comme le note le journaliste Augusto Alvarez (La República du 26 octobre 2012), l'avocat Marco Tulio n'est qu'un porte-parole des divers groupes qui ressentent durement la gestion municipale de la maire car elle va contre leurs intérêts. Il s'agit des entrepreneurs du transport public qui ont été obligés de suivre les nouvelles règles de contrôle de leurs activités, des commerçants de l'ancien grand marché de La Parada qui a été récemment démantelé pour être transféré à Santa Anita (ce qui a provoqué des réactions d'une violence démesurée), des entrepreneurs des travaux publics qui payaient des pots de vin aux autorités municipales pour obtenir des marchés auxquels ils accèdent désormais difficilement. La maire de Lima a dénoncé ouvertement ces pressions et a réaffirmé sa décision de ne pas y céder [voir http://www.larepublica.pe/12-12-2012/villaran-no-cedere-presiones-de-aquellos-que-quieren-impedir-la-reforma-del-transporte].
Divers secteurs de politiciens opportunistes s'opposent également à la gestion de la maire Villarán, à commencer par l'ancien maire de Lima Castañeda, dont ont été établis les liens amicaux et commerciaux qui l'associent à Marco Tulio, président de l'Institut péruvien d'administration municipale. Cet institut a réalisé des études de conseil pour l'ex-maire Castañeda pour plus de 70 000 soles. Le parti de Castañeda, Solidaridad nacional, soutient les agissements de Tulio, et ses bases dans les quartiers pauvres des banlieues de Lima sont parvenues à récolter des signatures pour obtenir la procédure de référendum. Castañeda lui-même s'est prononcé contre la maire le 25 novembre. Les secteurs fujimoristes, apristes et la droite ultra-libérale, ainsi que le Cardinal Juan Luis Cipriani, un homme de l'Opus Dei, s'opposent à Villarán pour des raisons plutôt idéologiques. Enfin, un opposant important de la maire est le pasteur évangélique José Linares, directeur de l'ONG Coalition pro-famille internationale (CIPROFAM) dénoncée aux États-Unis comme instigateur de crimes de haine. Il s'agit d'un fondamentaliste religieux connu pour son activisme féroce contre les droits sexuels des femmes, et contre l'homosexualité, et il est également proche de l'ancien maire. Ses activités religieuses ne sont pas reconnues par le Conseil évangélique du Pérou, représentant 90% des églises locales. Linares semble ainsi plutôt lié aux organisations évangéliques nord-américaines. Pourtant, l'ONG CIPROFAM n'est pas inscrite à l'Agence péruvienne de coopération et l'on méconnaît ses sources de financement. Enfin, les organisations des moto-taxistas et l'Association des parents d'élèves de Lima soutiennent massivement les agissements de Marco Tulio (La República du 23 décembre 2012).
Marco Tulio apparaît de la sorte comme le porte-parole des divers secteurs conservateurs et religieux qui tentent de maintenir le statu quo dans la corruption traditionnelle à l'administration municipale de Lima, et qui s'opposent à la modernisation et à la transparence que la maire Villarán est en train d'imposer, pour le plus grand bénéfice de la ville et de ses habitants. Il faut dire que Tulio est un avocat « qui a réussi dans la vie » en entrant dans la vie politique municipale en 1987 et qu'il fut candidat à la mairie de Lima en 1993 et à la mairie de La Molina en 1999. Il prétend agir au nom de la défense des droits citoyens, et annonce qu'après le référendum du 17 mars, il récoltera des signatures pour faire discuter au Congrès de nouveaux projets législatifs. Tulio dément utiliser le référendum pour faire la publicité de son institut et obtenir des fonds pour l'agrandir, même si cela est évident ; il dément également toute prétention politique, estimant que la révocation de la maire profitera sans doute à l'ex maire Castañeda (Jiménez, La República du 26 de novembre). Des enregistrements d'une conversation entretenue par Marco Tulio ont été rendus publics en juin 2012 dans le programme de la journaliste Rosa María Palacios (Red global), prouvant son association avec l'ex-maire de Lima et le fait qu'il finance sa campagne contre Susana Villarán, et le soutien des évangélistes de l'ONG CIPROFAM. [Voir http://www.larepublica.pe/09-06-2012/audios-de-marco-tulio-gutierrez-revelan-quien-financio-revocatoria]. En dehors du contexte particulièrement malsain de cette procédure de révocation, on peut avancer que les agissements d'un personnage opportuniste comme Marco Tulio montrent à l'évidence la faiblesse du monde politique péruvien, où les initiatives individuelles qui profitent aux groupes d'intérêts économiques, politiques et religieux fondamentalistes peuvent être acceptées officiellement.
De fait, la procédure de révocation de la maire Villarán est fortement critiquée, non pas tant dans son principe qui est présenté comme le summum de la démocratie, mais dans le cadre des lois péruviennes. Disons d'abord que le référendum comme système de consultation citoyenne est réservé à des situations extraordinaires et, dans une démocratie digne de ce nom, il ne peut pas être utilisé pour changer le résultat d'élections réalisées en bonne due et forme. Le danger est en effet d'ouvrir la porte à des règlements de compte entre groupes politiques opposés et de déstabiliser la gouvernance et les travaux en cours dans une ville de plus de 8 millions d'habitants. Le pire est que la procédure ne prévoit pas l'élection rapide d'un successeur, et laisse planer l'incertitude jusqu'aux prochaines élections prévues en 2014. En conséquence, c'est la procédure du référendum et de la révocation des autorités au Pérou qui doit être restructurée dans les meilleurs délais. L'Assemblée nationale de gouverneurs régionaux s'est prononcée le 17 novembre pour éliminer cette partie de la loi qui est souvent instrumentalisée par les perdants des élections désireux de remettre en cause les fondements démocratiques de l'élection des autorités pour des mandats précis ; de plus, la procédure entraîne des dépenses financières inutiles, notamment en période de crise. En fait, le référendum du 17 mars devrait coûter 107 millions de soles, alors que le Bureau national des processus électoraux (ONPE) a déjà annoncé ne pas disposer de cette somme. Ni l'ONPE ni le Jury national d'élections (JNE) n'ont cependant effectué des contrôles sur les ressources financières utilisées par le groupe de Tulio ; et rien n'a été encore officialisé en ce qui concerne le cadre légal des financements des campagnes actuelles pour le Oui et pour le Non à la révocation.
En fait, le Défenseur du Peuple en poste, Eduardo Vega, a déclaré que la procédure de révocation a paralysé la gestion des villes et qu'elle affecte les populations ; et il a demandé au Congrès de réviser ce mécanisme de participation citoyenne (La República du 31 octobre). Par ailleurs, plusieurs juristes s'accordent à remettre en question les décisions prises par le Jury national d'élections (JNE) qui a accepté la procédure contre la maire de Lima. Sur le plan juridique d'abord, Enrique Bernales, directeur de la Commission andine de juristes, note qu'on ne peut comprendre que les autorités qui gèrent les élections du pays — avec le Bureau national de processus électoraux (ONPE) et le Registre national d'identification et d'état civil (RENIEC) —, aient accepté que les signatures des demandeurs de la procédure soient présentées en dehors des dates limites prévues. Comme il le note, « l'ignorance de la loi n'excuse pas son accomplissement ». Il considère donc que le JNE a commis un excès de pouvoir et une grave erreur constitutionnelle, mais qu'il est malheureusement impossible de faire appel des décisions de cette instance supérieure des élections.
Jury national d'élections du Pérou, présidé par H. Sivina. Archives La República
De son côté, Greta Minaya, l'ancien membre du JNE, affirme que la procédure de révocation ressort plutôt du politique et que les juges du JNE n'ont pas agi en toute autonomie et indépendance. D'après elle, l'ex-maire de Lima Castañeda se trouve derrière toute cette procédure, car il tente de revenir à la Mairie avant le verdict de son procès de corruption (pour des marchés publics) dit Comunicore qui risque de l'exclure définitivement de la vie politique. Minaya considère enfin que l'acceptation des signatures contre la maire Villarán par le JNE pose un précédent juridique négatif pour le pays et remet en question l'indépendance de cette instance (La República du 31 octobre). Le dernier acte de la procédure a montré la mauvaise gestion du JNE dans cette affaire. En effet, le 25 octobre 2012, le RENIEC a déclaré avoir vérifié la validité de 400 396 signatures présentées par les organisateurs de la révocation (il en fallait 400 000), et il a envoyé l'acte à l'ONPE. Or, la directrice de cette instance, Magdalena Chú, a sollicité du directeur du JNE, Hugo Sivina, une réunion pour définir la date du référendum. Sans répondre à cette demande, Sivina décida le 31 octobre, en dehors de toute consultation, de fixer la date au 17 mars, alors même que l'ONPE avait fait valoir l'impossibilité d'organiser le référendum avant la fin mai en raison des règles électorales en vigueur dans le pays. Sivina s'est donc hâté de prendre cette décision d'ignorer la demande de Mme Chú alors qu'il terminait son mandat. Il a en effet été remplacé le 19 novembre par Francisco Távara, ex-président du pouvoir judiciaire entre 2007 et 2008 ; et le nouveau directeur du JNE a confirmé les décisions prises par son prédécesseur. On peut donc conclure que les graves irrégularités commises par le JNE ont entaché une procédure qui était déjà fortement critiquable dès le début. [Voir http://www.larepublica.pe/09-11-2012/jne-ignoro-pedido-de-onpe-para-coordinar-fecha-de-la-revocatoria].
La campagne pour la défense de la maire Villarán occupe une place centrale sur la scène politique locale et nationale, tant les enjeux sont tenus pour importants. Il faut souligner que plusieurs personnalités se sont prononcées pour le maintien de la maire dans son poste (Mario Vargas Llosa, Alejandro Toledo, Pedro Pablo Kuczynski, Lourdes Flores, Armando Villanueva, Javier Diez Canseco, Marco Arana, Augusto Polo Campos, Marissa Glave, Victoria Sotomayor et Salomón Lerner Febres, entre autres).
Le 6 décembre a eu lieu une manifestation de soutien à la maire de Lima, à laquelle participèrent environ cinq mille personnes appartenant à diverses organisations sociales et politiques, dont la Centrale générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et la Fédération d'ouvriers municipaux. Également, des mouvements politiques tels Force citoyenne (Citoyens pour le changement, Parti socialiste, Parti communiste), Parti nationaliste, Tierra y libertad, et des citoyens de la ville. [Voir http://www.larepublica.pe/07-12-2012/cerca-de-cinco-mil-personas-marcharon-contra-la-revocatoria-de-susana-villaran ; http://www.larepublica.pe/06-12-2012/se-juntan-para-impulsar-campana-por-el-no-la-revocatoria ; http://www.larepublica.pe/06-12-2012/susana-villaran-marcha-en-contra-de-la-revocatoria-refleja-la-voluntad-del-pueblo]. Au niveau international, Villarán a reçu le soutien du journal El País qui l'a désignée comme l'une des trois personnalités péruviennes en vue de l'année 2012 (avec une dirigeante indigène, Ruth Buendía, et le photographe Mario Testino). Enfin, elle a également reçu l'appui de la revue The Economist qui dénonce les dessous mafieux des attaques contre la maire de Lima [voir http://www.larepublica.pe/08-11-2012/economist-susana-villaran-poco-poco-ha-impuesto-algo-de-orden-en-lima].
Manifestation de soutien à la maire de Lima Villarán, le 6 décembre 2012. Archives La República
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L'année 2013 s'annonce riche en changements et en possibilités pour asseoir la démocratie comme pilier du système républicain du pays. Espérons que les annonces présidentielles concernant la restructuration profonde de la lutte anti-terroriste et une meilleures redistribution des richesses nationales à la population se concrétisent enfin. Cela étant posé, il est indéniable que la société civile s'est renforcée durant cette période, tant au niveau citadin, en particulier dans les quartiers pauvres des banlieues, qu'en milieu rural, notamment parmi les populations indigènes de l'Amazonie et parmi les associations des victimes de la violence interne au pays. Désormais, le manque ou la faiblesse des partis politiques semblent être dépassés par l'affirmation progressive de la défense des droits des citoyens, ce qui représente une avancée de taille par rapport à une dizaine d'années en arrière. C'est probablement en suivant ce chemin que des partis dignes de ce nom, avec des bases sociales réelles, émergeront progressivement dans le pays.