[anthologie permanente] Mei-Mei Berssenbrugge

Par Florence Trocmé

Jalousie 
L’attente fut imposée par une simple présence sans ornement, inexpliquée, souvent décentrée, 
jusqu’à maintenant, une marge d’espace vide comme de l’eau, sa surface se contractant puis fondant 
le long de pipe-lines enterrés, où les goélands se rassemblent dans une vigueur euphorique. Maintenant, 
l’accroissement de taille est vital, l’importance de la contraction près d’un fossé, un parterre fleuri, ou 
une voie clôturée le long du réservoir, sa capacité à induire dans l’esprit une expérience croissante de la largeur 
et profondeur d’une association physique, qui se révèle à la fois vitale et insuffisante, parce que 
la nature ne nous fournit jamais une frontière, d’éléments infinis irrégulièrement mais flexiblement intégrés, 
comme le rythme entre l’épuisement et le soulagement du compromis, ou comme un grand appartement. Maintenant, 
la construction n’est pas la structure de toi me faisant l’amour. La taille de ton corps sur le mien 
n’égale pas ton poids ni ta vigueur, comme un feu d’artifice sur un écran de télévision, ou la manière dont 
un double absent exprime l’inexactitude entre ce qui existe et ce qui n’existe pas dans la pièce 
de forme, volume, etc. particuliers, les aires infimes et les lignes inférées dont nous parlons. 
Tu as fait le vœu à une femme de ne pas dormir avec moi. Pour moi, il semblait suffisant 
que l’amour soit un exercice spirituel sous une forme physique et que ce qu’on voit soit ce qui existe, 
regardant depuis le douzième étage, nos bras posés sur des oreillers sur le rebord de la fenêtre. Il est minuit. 
Des feux d’artifice réfléchis dans le réservoir éclatent simultanément sur les rives sud et nord, 
alors nous tournons sans cesse nos têtes vers les deux sphères étoilées, 
au lieu d’un tangible, et d’un intangible évènement qui ne réfléchit pas. Certaines 
brillances définies ont des dimensions spacieuses. Une nuit étoilée, comme une surface de réflexion complète, 
n’exige aucun statut particulier dans l’espace, aucun être en propre. 
 
Mei-Mei Berssenbrugge, extrait de Empathy, Station Hill, 1989. 
Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle. 
Jealousy 
Attention was commanded through a simple, unadorned, unexplained, often decentered presence, 
up to now, a margin of empty space like water, its surface contracting, then melting 
along buried pipelines, where gulls gather in euphoric buoyancy. Now,  
the growth of size is vital, the significance of contraction by a moat, a flowerbed, or 
a fenced path around the reservoir, its ability to induce the mind’s growing experience of the breadth 
and depth of physical association, which turns out to be both vital and insufficient, because 
nature never provides a border for us, of infinite elements irregularly but flexibly integrated, 
like the rhythm between fatigue and relief of accommodation, or like a large apartment. Now, 
the construction is not the structure of your making love to me. The size of your body on mine 
does not equal your weight or buoyancy, like fireworks on a television screen, or the way 
an absent double expresses inaccuracy between what exists and does not exist in the room 
of particular shape, volume, etc., minute areas and inferred lines we are talking about. 
You have made a vow to a woman not to sleep with me. For me, it seemed enough 
that love was a spiritual exercise in physical form and what was seen is what it was, 
looking down from the twelfth floor, our arms resting on pillows on the windowsill. It is midnight. 
Fireworks reflected in the reservoir burst simultaneously on the south and the north shores, 
so we keep turning our heads quickly for both of the starry spheres, 
instead of a tangible, and an intangible event that does not reflect. Certain  
definite brightness contains spaciousness. A starry night, like a fully reflecting surface, 
claims no particular status in space, or being of its own. 
 
Extrait de : Mei-Mei Berssenbrugge : Empathy, Station Hill, 1989. 
 
○ 
Public
(extrait) 
Au bar tu vois un homme attraper une fille par les cheveux et lui donner un coup de pied. 
Tu pouvais comprendre les deux points de vue, mais en réalité, non. 
Tu interviens, ressentant de la honte à espérer que quelqu’un d’autre le fera. 
Cela devient une ambiance, une situation, par là je veux dire, des groupes. 
À l’école on nous enseigne que le monde est rond, et de nos propres yeux nous avons confirmé une petite partie de ce que nous pouvions imaginer. 
Comme tu es assise à un endroit sombre, et que je suis illuminée, et que beaucoup d’yeux sont dirigés vers moi, on peut me voir plus clairement que si je me mêlais à toi, comme lorsque nous étions au lycée. 
Nous étions des jeunes filles qui voulaient décrire l’amour et l’observer depuis l’espace lointain. 
  
Mei-Mei Berssenbrugge, extrait de Nest, Kelsey Street 2003. 
Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle. 
 
Audience
(extrait) 
At the bar, you see a man catch hold of a girl by the hair and kick her. 
You could understand both points of view, but in reality, no. 
You intervene, feeling shame for hoping someone else will. 
It becomes an atmosphere, a situation, by which I mean, groups. 
In school we're taught the world is round, and with our own eyes we confirmed a small part of what we could imagine. 
Because you're sitting in a dark place, and I'm illuminated, and a lot of eyes are directed at me, I can be seen more clearly than if I mingled with you, as when we were in high school. 
  
Extrait de : Mei-Mei Berssenbrugge : Nest, Kelsey Street 2003. 
 
○ 
Concordance
(extrait) 
 
Travaillant à rebours dans le sommeil, la 
dernière chose qui t’engourdit est ce qui 
t’éveille. 
Et si cette image était Eros en  
mots ? 
Je t’écris et tu me sens. 
Comment serait-ce si tu 
contemplais mes mots et qu’ainsi je te  
sente ? 
Des animaux, une chouette, grenouille, ouvrent leurs 
yeux, et un miroir se forme sur le 
sol. 
Quand le discernement arrive dans un rêve, 
et que les évènements du jour suivant 
l’illuminent, cela déclenche ta 
conscience ruisselante
synchronicité, lignes asymptotes 
des vols de concordances. 
Une chouette ouvre ses yeux au fond  
des bois. 
Pour la première fois, j’écris et tu 
ne me connais pas. 
Herbe laiteuse que je touche flotte. 
  
Mei-Mei Berssenbrugge, extrait de I Love Artists, University of California Press 2006. 
Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle. 
Concordance (extrait) 
Working backward in sleep, the 
last thing you numbed to is what 
wakes you.  
What if that image were Eros as 
words? 
I write to you and you feel me. 
What would it be like if you 
contemplated my words and I felt 
you? 
Animals, an owl, frog, open their 
eyes, and a mirror forms on the 
ground. 
When insight comes in a dream, 
and events the next day 
illuminate it, this begins your 
streaming consciousness, 
synchronicity, asymptotic lines 
of the flights of concordances. 
An owl opens its eyes in deep 
woods. 
For the first time, I write and you 
don't know me. 
Milkweed I touch floats. 
 
Extrait de : Mei-Mei Berssenbrugge : I Love Artists, University of California Press 2006. 
[Jean-René Lassalle]