[feuilleton] Antoine Emaz, « Planche », 15/20

Par Florence Trocmé

Talc couleur océan de Jacques Josse. Je n’avais jamais lu ces poèmes en vers libres, avec une charge érotique forte. Mais la thématique de Jacques tisse déjà l’écriture : la pluie, la mer, l’amour jaune, la détresse sans fin ni fond en même temps que la sympathie, la fraternité… L’écart du « je » plutôt que son effacement : c’est l’autre qui est mis au premier plan ; le « je », s’il est présent, assiste, dans tous les sens du terme. 
Voir demain pour monter la note CCP, mais il faudra mettre Talc et Absence en tension autant qu’en résonance, avec au bout l’unité d’un travail, et d’un bonhomme. 
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Dans ces moments, je ne sais où va ma vie, elle flotte. Le présent n’a plus d’épaisseur, il s’agit seulement de passer la journée et de se mettre en route pour demain. Cet écrasement du présent par la fatigue aboutit à une impression de non-sens global, de perte. D’autant plus troublant que l’on sait le temps compté à rebours. 
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Message à Antonio Rodriguez pour ses poèmes Papy dans RBL. Bien aimé sa prose déliée tout autant que bancale entre pathétique et grotesque. Il en ressort une émotion vraie et une volonté de mettre à distance cette mort programmée, pour arriver à la manier en mots. 
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Lu la préface de B. Noël pour Le nu, en photo-poche. Capacité de Bernard à toujours mener une analyse intelligente tout en restant clair. Réflexion nourrie de culture, sans pédantisme. Et des intuitions fortes : par exemple, l’idée que la photo vêt le nu. Cela me semble très juste. De même pour la différence entre peintre et photographe : « le peintre atteint l’intensité par la lenteur, le photographe par la vitesse ». Juste. De même pour l’artistique venant voiler l’érotique, composition et cadrage, pose et posture… Cela ne me donne guère envie de reprendre l’appareil photo. Mais j’aime vraiment chez Bernard qu’il ne sente pas obligé d’étaler un savoir technique : il est d’abord regard. Et il laisse parler son œil. 
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Reçu le tome II des Œuvres complètes de Reverdy. Un peu déçu : pas de préface, E.A. Hubert semble réduit à portion congrue, aucun inédit côté notes. Une simple promesse du comité Reverdy de faire une édition à part et exhaustive des Carnets. Dommage. Mais ce n’est pas rien d’avoir en main toute la deuxième moitié de l’œuvre, ou presque. Question de budget ? Je ne crois pas. Plutôt l’idée d’un feu d’artifice dans le tome I, qui tirerait l’achat d’un II plus terne. Mais c’est encore un superbe boulot de 1600 pages qui redonne accès à l’ensemble de cette œuvre qui demeure pour moi décisive. 
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Coup de fil de la librairie Contact : les carnets sont arrivés. Marie-Paule était encore à la librairie et accepte de me les apporter ce soir à la lecture de Yoshimasu, le poète japonais. Impeccable. Si, par bonheur, ils conviennent, j’aurai mon approvisionnement régulier, ici, direct. Et trouvé le relais de la librairie parisienne de Jean-Patrice. Il a vraiment été sympa de me ravitailler ces dernières années, et la fin de sa papeterie est triste : devenir un magasin de fringues, un de plus. Comme la fin du Divan… 
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Envie d’y voir de plus près pour le livre numérique : l’ipad sera un parfait cadeau de noël. Mais défiance forcenée côté Facebook et portable. On doit pouvoir faire des choix technologiques, et dire oui ou non à chaque proposition d’objet sensé faciliter la vie. Pour ma part, je n’ai pas envie de ce qui lie davantage. 
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Jacques Morin m’envoie trois questions autour des notes de lecture, de la critique, de mon refus d’écrire des préfaces. Je vais lui répondre. Depuis vingt ans, il couvre l’actualité de la poésie, il a un œil critique exercé et une façon personnelle d’écrire une note. Lui rendre hommage là-dessus. De plus, c’est un type généreux et qui m’a aidé depuis Mur, paroi, ce qui ne date pas d’hier.  
Mais intervenir tout seul dans la revue en tant que « noteur » n’a guère de sens. Je vais proposer à Jacques l’idée d’un petit dossier sur ce sujet. Je réponds à ses trois questions, je lui en pose trois autres, et il contacte cinq ou six autres poètes noteurs. Ce pourrait être intéressant et mettrait en valeur pour une fois ce boulot assez humble de critique au jour le jour. 
  
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suite lundi 11 février 2013  
©Antoine_Emaz