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Longue discussion ce matin avec PR qui confirme qu'il est un des meilleurs analystes français du Proche-Orient. Et beaucoup des idées ici développées lui appartiennent. Car le Mali est un bon moyen de passer sous silence la Syrie, où il se passe des choses.
1/ Au fond, le Mali est un bon moyen d'oublier l'autre théâtre. En effet, malgré la pression médiatique racontant les progrès des insurgés et la lente dérive du régime, force est de constater plusieurs choses :
- les insurgés marquent le pas même s'ils ont effectué des gains dans le nord. Toutefois, rien qui pour l'instant n'affecte le centre de gravité des Assadiens ni n'entame une réaction en chaîne d'écroulement du régime.
- il n'y a pas eu d'organisation politique de l'opposition qui ne présente donc pas une alternative crédible.
- le dit régime tient. Certes, il a eu des pertes mais il faut bien constater que ses troupes fidèles ne se débandent pas, et qu'il a su se réorganiser avec des auxiliaires.
- D’ailleurs, il a su reprendre Homs (ou plus exactement, une partie des quartiers de Homs), ce dont les médias n'ont pas parlé. Constatons que l'armée syrienne reprend aujourd'hui "l’offensive" dans la banlieue de Damas (voir ici)
2/ Ceci est le cadre local du conflit. Mais ça ne suffit pas à expliquer la baisse d'intérêt. Celle-ci est due à deux facteurs. D'une part, la guerre au Mali. En effet, elle a cristallisé le danger islamiste et donc attiré l'attention sur les radicaux qui se sont greffés au conflit syrien et mènent la danse. Déjà que les Occidentaux n'étaient pas très chauds pour se mouiller, mais l'absence de solution politique plus la montée en puissance des islamistes expliquent une réticence croissante. Avec un excellent prétexte : nous intervenons au Sahel, on ne peut pas être partout.
3/ D'autre part, la dégradation en Irak. On ne la remarque pas comme si on y était accoutumé, mais il y a vraiment une radicalisation d'une part de Al-Maliki, d'autre part de la rébellion sunnite. Et alors que les Arabes sunnites considéraient l'Irak comme perdu, aux mains des Iraniens, ils se disent qu'il y a peut-être une alternative. Car la Mésopotamie, voici le joyau du Moyen-Orient, bien plus que Damas. Et s'il s'agit de briser l'axe chiite au nord au Moyen-Orient (cf. mon billet où je l'explique), revenir au coin irakien semble à nouveau une option possible. Ceci explique peut-être le moindre soutien (je n'ai aucun signe pour avaliser cette hypothèse) aux insurgés syriens. On constate de même que d'autres acteurs (Turquie, Russie) se sont fait discrets ces derniers temps.
4/ Ceci explique probablement l'initiative du chef de l'opposition syrienne, Ahmed Moaz Al-Khatib, qui a évoqué lundi la possibilité de négociations. Possibilité soutenue par les Etats-Unis, la ligue arabe, la Russie ou M. Brahimi, le médiateur des Nations-Unies. M. Assad n'a pas réagi directement, mais a entrouvert la porte via les Iraniens (selon les subtiles grammaires de négociations pratiquées en Orient).
5/ Rien ne garantit que cela va déboucher, mais nous sommes dans une situation où les armes ne semblent pas donner l'avantage à un camp ou à l'autre. Ce constat est finalement partagé par chacun, même si, bien sûr, ils s'en défendent. Il va donc y avoir des négociations, très probablement en sous-main. Et très probablement, les extrémistes de chaque camp vont pratiquer la politique du pire pour l'empêcher de réussir. Mais le pire n'est jamais sûr....
O. Kempf