Au moment où, une fois de plus en France, certains stigmatisent l’autre, l’étranger, je voudrais partager avec vous une histoire peu connue en Europe qui montre que chaque race, chaque peuple a une richesse, une culture, un savoir qu’il peut apporter aux autres…
Mes amis Navajos l’ont fait (et de quelle manière!) à l’occasion de la Seconde Guerre mondiale. Agissant ainsi, ils ont choisi l’intégration par le haut, c’est-à-dire par le don: ils sont devenus des messagers au service des Etats-Unis d’Amérique!
Dessin « Sylvie 2003″
Tout commence le 7 décembre 1941, lorsque les Japonais bombardent Pearl Harbor. La bataille du Pacifique commence. Un certain Philipp Johnston émet l’idée d’utiliser la langue navajo à des fins militaires… Il avait vécu 24 ans parmi eux et pratique leur langue à la perfection. La raison est que la langue navajo est extrêmement complexe. Ni les autres tribus indiennes, ni personne d’autre, d’ailleurs, n’est capable de la comprendre à moins d’avoir été éduqué parmi les Navajos.
L’idée d’enrôler les Navajos afin de crypter les échanges entre Américains dans le cadre des communications militaires est très vite jugée excellente. Car, à ce moment-là, les Japonais réussissaient à décoder les messages américains, voire même à en produire des faux.
Au total, 420 Navajos sont mis au service de l’armée américaine en promettant de ne jamais dévoiler l’existence du code qu’ils avaient eux-même inventé.
Mais la schizophrénie tourne à plein régime: d’un côté, les Navajos doivent garder le silence, règle qui leur interdit toute forme de reconnaissance, alors que, mis souvent en première ligne, beaucoup de Navajos meurent et qu’on assiste même à de nombreuses bavures: des soldats américains confondent des Navajos avec des soldats japonais…
C’est seulement en 1969 que l’existence du code (Code Talkers) fut révélé aux civils américains. Chester NEZ, après la guerre de Corée et du Vietnam, expliqua ceci : » tout ce que nous utilisions dans le code était ce avec quoi nous vivions tous les jours dans la réserve… Ainsi le terme pour un tank était une tortue, un bazooka était un tueur de tortue. Un cuirassé devenait une baleine, une grenade, une patate… »
Pourtant les militaires américains le savaient bien dès le lendemain de la guerre : les Navajos ont réellement contribué à la rédition du Japon… Mais comme les préjugés ont la vie dure, il faut attendre 1982 pour que les hommages affluent. Et ce n’est qu’en 2001, soit 56 ans après la fin de la guerre, que le président Bush donne aux survivants (!) la plus haute distinction du gouvernement américain (la Médaille d’or du Congrès). En disant ces mots, auxquels j’adhère bien sûr : « …ils se sont levés, malgré toutes les injustices dont ils avaient été victimes dans l’histoire américaine ».
Cette histoire m’a touchée d’autant plus que j’ai rencontré un survivant des Code Talkers, un survivant de la guerre du Japon. C’était à Red Rock Park. Il a defilé le lendemain dans Gallup (photo) et, comme pour effacer ces décennies d’ingratitude, il a bénéficié de toutes les attentions de plus jeunes Native Americans et des policiers en charge de la sécurité…qui étaient des Navajos! Pour finir, regardez bien ce qui figure sur son calot rouge…
Sylvie Uderzo
survivant code talker