Il y a deux façons d’assortir une cravate avec une chemise, dit-on. La première consiste à trouver une cravate dont le coloris dominant, ou les motifs, seront en accord avec la chemise. L’autre méthode consiste à choisir une couleur à l’opposé chromatique de la couleur de la chemise, pour jouer sur le contraste. Cela fait ressortir la cravate, et permet parfois de camoufler la banalité de la chemise. La politique, en France, est composée comme cette opposition chromatique cravate – chemise…
Et dans le rôle de la cravate, rutilante, chatoyante des mille feux que lui permet un train de vie très au-dessus de celui de la chemise (élimée, fadasse et camouflée derrière la débauche de moyens et de paillettes de l’accessoire vestimentaire), on trouve bien sûr les abonnés à la gamelle. Ces tendres mammifères se regroupent à l’Assemblée, au Sénat, dans tout un tas de Commissions Théodule lucratives et pléthoriques, ainsi que dans certaines associations où on se sent bien au chaud, protégé de la conjoncture économique par d’épaisses couvertures (sociales, financières, médiatiques, …)
Ainsi, à l’assemblée, les députés travaillent, furieusement, avec « Branleur » sur Lettre Compte Double, au moins.
Au passage, il faut savoir que les débats de nuit, à l’Assemblée, sont notoirement plus chers que les débats pendant les heures normales ; eh oui, les huissiers (par exemple) sont alors payés au tarif de nuit, ce qui finit par faire une facture supplémentaire de 50.000€ par heure. L’amendement débile revient vite cher, et le temps perdu (l’argent perdu ?) ne se rattrape jamais.
De son côté, le Président Hollande, lui, n’en perd pas et il n’oublie pas les amis. Il donne même des petits coups de pouce au pouvoir d’achat de certains. Il ne sera pas dit qu’un socialiste arrivé à la magistrature suprême, même sur un malentendu, ne fera pas preuve de générosité avec l’argent des autres !
Et toujours dans le « ton sur ton » concernant la cravate, nous avons bien sûr les nombreuses associations en prise directe avec les fonds de la République. Le Cri du Contribuable nous fait régulièrement un petit détail de ces subventions et de la foire complète qui les accompagne, et consacre même ce mois-ci un intéressant dossier à la question. Une mention spéciale sera dédicacée aux associations de fonctionnaires, et notamment celles du Ministère des Finances. Illustrant de façon limpide qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, surtout lorsqu’il s’agit d’argent et encore plus lorsqu’il s’agit d’argent des autres, ces associations bénéficient de largesses du Ministère qu’on pourra trouver fort généreuses en ces temps de disette et d’austérité (qui ne touche décidément pas tout le monde).
Bien sûr, il resterait plein d’autres domaines à évoquer pour bien détailler les parures chamarrées de la cravate. Mais celles que j’ai évoquées ici donnent déjà le ton, une bonne idée générale de la forme, de la couleur et de la richesse du tissu.
Regardons à présent la chemise, celle qui fait tant contraste avec cette si jolie parure. Et quand je parle de contraste, il est effectivement violent. C’est bien d’opposé, chromatique et économique, dont on parle ici.
De loin, de l’étranger, on le sait déjà, la chemise « France » paraît bien dépenaillée, terne, tristoune, et dont l’avenir semble surtout chargé de trous, de petites déchirures et de boutons partis ou mal recousus. Vue d’Angleterre, certain magazine avait déjà bien expliqué la situation, le ressenti général. La réaction devant ces provocations avait été cinglante de la part de la cravate, seule pièce vestimentaire qu’on entend dans ces cas-là : « Nous n’avons de leçons à recevoir de personne, messieurs les Anglais, tirez-vous les premiers. »
La réalité est un peu plus subtile.
Et pour d’autres méchants réalistes qui refusent obstinément de se focaliser sur les colifichets rutilants, la situation française n’apparaît pas meilleure :
What this tells you is that France has not one, but two problems: finance and energy. And that prior to July 1, we can expect a bunch of real nasty announcements on both. Plus also, that François Hollande is not so sure he’ll last that long. That’s why he’s pushing it forward, hoping for a miracle.
On ne peut pas dire que ce soit un véritable souffle d’optimisme concernant ce pays. L’opinion des étrangers est d’ailleurs corroborée par quelques chiffres, parus récemment, et dont la presse française, les parlementaires, les associations, les élus divers et variés n’ont pas vraiment fait grand cas (le mariage homosexuel et le scrabble, mes amis, occupent déjà les esprits).
Pourtant, le secteur économique des services vient de subir sa plus forte contraction depuis mars 2009. On voit mal, à la suite de cette contraction, ce dernier accoucher d’autre chose qu’une série de problèmes épineux que l’équipe hollandiste ne semble pas tout à fait en mesure d’affronter ; Montebourg a été laminé, et Moscovici a déjà les mains moites à l’idée de devoir gérer un euro fort (méchant, méchant euro fort).
De la même façon, la France qui pleure discrètement, cette chemise terne et élimée, a appris il y a quelques jours que l’industrie manufacturière a perdu plus de 120.000 emplois depuis 2009 (dont plus de 20.000 en 2012). Montebourg est déjà dans les starting-blocks … de la résignation ce qui est finalement l’étape juste avant l’acceptation fataliste qu’il ne sert absolument à rien (Audrey elle-même ayant renoncé à lui trouver une quelconque utilité). Notons toutefois qu’il n’a pas renoncé à gober les indemnités de son épuisant travail. La cravate se porte bien, merci.
Pas de doute : la situation est, littéralement, catastrophique. Petit-à-petit, les Français se rendent compte que les caisses sont vides, que les promesses de Hollande le sont aussi, que la situation économique se dégrade encore plus vite que tout ce que les nigauds socialistes pouvaient imaginer, et que l’équipe en place accélère le mouvement d’ensemble dans une improvisation brouillonne et pathétique. Mais alors que ces vérités parviennent enfin à une proportion grandissante de Français et que la grogne commence à monter, que cette France là commence à pleurer, l’autre France, elle, ne l’écoute pas. Elle ne l’écoute plus d’ailleurs depuis un bon moment. Les pleurs de la France-chemise sont couverts par les rires de la France-cravate.
Une question mérite d’être posée : ces rires, sont-ils insouciants, joyeux, ou … moqueurs ? Mine de rien, la cravate ne se foutrait-elle pas un peu de la gueule de la chemise ?