Malgré un service parfait, délivré dans les temps, avec un enthousiasme agrémenté d'un sourire Ultrabrite, des passagers mécontents, il y en a toujours à bord. Chaque vol a son lot de chicaneurs qui guettent l'occasion de trouver la faille pour dénigrer et se plaindre. Ce genre de spécimens, on les repère dès le premier pas dans l'avion. Sourire à l'envers, regard fuyant, teint couleur de mégot, muets à nos bonjours, ils sont remontés à bloc pour nous pourrir le vol avec leurs exigences de chien de race. C’est comme cette dame aux allures de gestapo, coiffée comme un caniche croisé avec un lévrier afghan. Dès l'embarquement, elle s'est mise à m’aboyer dessus, exigeant une place à côté de son mari. Mais elle était déjà assise près de lui, séparée uniquement par le couloir. Difficile de faire mieux si le vol était bien rempli. Je lui ai expliqué calmement, avec mon sourire le plus arrangeant, qu'une fois que tout le monde serait à bord, j'allais voir ce que je pouvais faire. Par chance pour elle, la place contigüe à celle de son maître était libre. Je croyais qu'elle allait faire des petits bonds de joie, comme Poupette à qui on vient de donner son Caesar, mais c'est avec un air de chien battu qu'elle m'a grogné un merci en s'asseyant. Elle devait sans doute être gênée d'avoir aboyé inutilement. Que voulez-vous, chers passagers, nous sommes toujours prêts à tenter l'impossible pour vous satisfaire mais quand le vol est plein, il n'y a rien à faire! Sauf peut-être, avoir réservé via internet ses places au préalable et donc éviter toutes ces pirouettes inutiles. Il faut savoir que les compagnies donnent la possibilité de le faire pour un petit supplément sur votre carte de crédit. Et ce blaireau qui avait booké un service VIP. Il avait plongé la truffe dans son champagne et l'avait siroté goulûment, comme s'il avait peur qu'on le lui boive. Puis, il avait appelé ma collègue et, du bout des lèvres, lui avait réclamé un second verre comme un dû. Elle n'a vraiment mais alors vraiment pas apprécié du tout ce ton arrogant et lui a donc expliqué avec beaucoup de patience qu'il n'avait droit qu'à un seul verre de champagne, comme tous les VIP d'ailleurs. Il avait alors montré les dents en hurlant que le client était roi et qu'il allait écrire une plainte. Le roi... des blaireaux, effectivement, espèce d'alcoolo! Tout ce cinéma hargneux pour un verre de champagne! Mais ça devait être sa première sortie hors de son terrier car plus tard, pendant le vol, il s'en est encore pris à nous. Il a déboulé dans le galley et a lancé à la chef : « Pufff! On n’ose rien vous demander, à vous ! - Pardon? - Oui, quelle histoire vous m’avez fait pour un deuxième verre de champagne. Je n’ose même pas vous demander un verre de vin! La prochaine fois, je réserverai en classe économique et payerai mon alcool. "Il avait un fameux toupet, celui-là : on venait justement de lui faire la faveur d'upgrader son ami, avant le décollage. La chef ne s'est pas laisser démonter, elle en avait dressé bien d'autres! Elle lui a répondu calmement :« Mais, monsieur, calmez-vous! Pas besoin de tourner autour du pot. Dites-moi juste que vous voulez du vin et je vous en apporte un verre. » Mais oui, espèce de roquet baveux, tu l'auras ton susucre mais pour ça il va falloir donner la patte!Et, sans l'écouter, il a recommencé à la rabrouer comme un molosse enragé, la menaçant toujours d’écrire au service clientèle. Stoïque, la chef l'avait renvoyée gentiment à sa niche en lui donnant l'impression qu'il avait pris le dessus. C'est une méthode qui marche avec les passagers enragés, leur laisser l'impression qu'ils ont eu le dernier mot avec leurs petites phrases mordantes. Mais n’allez pas croire qu’on cherche des poux aux passagers. Nous faisons de notre mieux pour leur assurer le meilleur des services mais que voulez-vous, nous n'en sommes pas pour autant des chiens! Et même si c'était le cas, les chiens aiment aussi les caresses! Un merci, un bonjour, un sourire, une petite lèche,...quelle friandise cela peut être lorsque vous avez mal aux pieds à rester debout pendant des heures!
Un autre, juste au moment du service, se plaignait à gorge déployée des repas chaud servis à bord : « Mais c’est dégueulasse, votre bouffe ! Même mon chien n’en voudrait pas ! " Ton clebar a sans doute plus de jugeote que toi, il aurait emporté un os à ronger, lui!« Monsieur, si vous voulez manger du menu de chef étoilé, il faut aller au restaurant, pas dans un avion ! », lui a aussitôt lancé mon collègue qui lui avait servi le plat. Ceci dit, il faut avouer que les repas servis à bord ne sont pas toujours du meilleur goût : sur certaines destinations, lorsqu'on sortait les plats du four, une odeur de Royal Canin s'échappait parfois jusqu'au fond de la cabine...Lorsqu'il y a le choix entre viande et poisson, les dernières rangées sont obligée de se contenter de ce qui reste... ce qui provoque fréquemment des tollés, certains s'inventant des allergies encore non répertoriées dans le dictionnaire des maladies. Ainsi, très chers passagers, pas la peine de nous gronder comme des chiots : nous n’avons pas de stock de repas spéciaux, déclinés à l'infini, dans nos trolley. Nous ne bénéficions pas d'une cuisine équipée dans le galley pour vous concocter le moindre de vos caprices. Si vous avez des convictions religieuses ou des raisons médicales réelles d'éviter certains mets, sachez que lors de la réservation, vous avez toujours la possibilité de commander un repas particulier. Certaines compagnies l’offrent même gratuitement. Et cette louve hollandaise avec ses trois rejetons... Entre deux appels de passagers, elle m’a arrêté d'un geste martial et m'a dit : « Vous pourriez donner quand même plus d'attention aux passagers qui ont des enfants! - Désolé, madame, je ne suis pas une baby-sitter , je n'ai aucun truc de Supernany à vous donner si vous ne savez pas gérer vos enfants. Et puis, vous n’êtes pas toute seule à bord, il y a une centaine de passagers qui réclament de l'attention ! » Non mais...elle a pris la cabine pour un nurserie? Voyage en jet privé , si tu as les moyens de transformer les hôtesses en gouvernantes anglaises! Madame espérait que je divertirais ses Gremlins pendant qu'elle lirait son magazine people... Je passerai sur tous ceux qui nous demandent d'arbitrer leurs différends de siège incliné leur écrasant les genoux. Un autre pax, niché dans son siège, les jambes ballantes dépassant largement vers le couloir, soupirait théâtralement à chaque passage du trolley. Finalement, après un énième soupir, il m'a lancé un :
« Pfffffffffff Y'a pas d’espace dans vos avions; c’est vraiment de la merde! - De nos jours, monsieur, les compagnies configurent leur avions avec un maximum de sièges pour réduire le coût des billets ! Le plaisir de votre carte de crédit doit se faire au détriment de votre confort bien sûr ! - Pffffffffffff c’est des conneries! »
Pfhhhhh, pfhhhh continue à souffler jusqu'à demain, ça n'éloignera pas le dossier du siège qui est devant toi. Et après? je ne suis pas responsable de la configuration des sièges; ce n'est pas moi qui ai étalonné l’espace entre les jambes et les dossiers. La prochaine fois, réserve les sortie de secours! Ces problèmes de place font de toute façon toujours polémique : quand le vol n’est pas plein, ils veulent TOUS deux sièges par personne ou même carrément une rangée entière pour s’allonger. Ils m’inventent je ne sais quel maladie pour que j’ai pitié d'eux et que je leur donne 3 sièges en enfilade.
Ce ne serait pas du luxe d'ajouter une option supplémentaire entre le repas végétarien et l'assurance rapatriement : l'assistance psychiatrique avec Temesta à volonté pour qu'on ait tous la paix pendant le voyage...