Chokri Belaïd, un des leaders historiques de l'opposition tunisienne, a été tué par balles. Ses proches accusent les islamistes au pouvoir du crime, alors que le Premier ministre a dénoncé « un acte de terrorisme ». Les Tunisiens sont dans la rue, le pays au bord du chaos.
Tunisie de l'après Printemps est sous le choc après le premier assassinat politique. Des manifestants ont saccagé les locaux du parti islamiste tunisien au pouvoir Ennahda à Mezzouna près de Sidi Bouzid et à Gafsa pour dénoncer le meurtre de l'opposant Chokri Belaïd, un opposant de gauche historique au régime de Ben Ali et aux forces islamistes. Des manifestations se déroulent par ailleurs dans plusieurs villes. A Sidi Bouzid, Kasserine, Béja, Bizerte et Tunis des foules manifestaient leur colère dans les rues pour dénoncer le meurtre de Chokri Belaïd et le parti islamiste qui dirige le gouvernement.
« Mon frère a été assassiné »
« Mon frère a été assassiné, je suis plus que désespéré », a indiqué le frère du défunt, Abdelmajid Belaïd. Selon l’épouse de l’opposant et secrétaire général du parti des Patriotes démocrates, s’exprimant sur la radio Mosaïque, il a été touché par plusieurs balles alors qu’il sortait de chez lui. Son frère a immédiatement accusé le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement tunisien, d’être responsable du meurtre: " J’accuse (le chef d’Ennhada) Rached Ghannouchi d’avoir fait assassiner mon frère "
« Un acte terroriste »
Le Premier ministre islamiste pour se dédouanner, Hamadi Jebali, a immédiatement dénoncé le meurtre y voyant un « acte de terrorisme ». « C’est un acte criminel, un acte de terrorisme pas seulement contre Belaïd mais contre toute la Tunisie », a-t-il en promettant de tout faire pour que le tueur soit arrêté rapidement. « Le peuple tunisien n’est pas habitué à ce genre de choses, c’est un tournant grave (…) notre devoir à tous, en tant que gouvernement, en tant que peuple c’est de faire preuve de sagesse et de ne pas tomber dans le piège du criminel qui vise à plonger le pays dans le désordre », a-t-il déclaré.
Trois balles dans la tête
Selon les autorités tunisiennes, Belaïd a été tué de trois balles tirées à bout portant par un homme portant un vêtement de type burnous, sorte de long manteau traditionnel en laine avec une capuche pointue. Le parti islamiste, montré du doigt dans cette sale affaire comme instigateur du crime, Ennahda, a de son côté dénoncé « un crime odieux visant à déstabiliser le pays ». Devant l’hôpital du quartier Ennasr de Tunis, où la dépouille de Belaïd se trouve, une foule s’est aussi réunie hurlant sa colère et accusant Ennahda scandant : « Le peuple veut une nouvelle révolution », selon une journaliste de l’AFP. « Ghannouchi sale chien », criait notamment le père de la victime, en larmes. Hamma Hammami, le chef du Front populaire et proche de Belaïd, a dénoncé un « crime politique ». « Il a été commis par des partis politiques qui veulent enfoncer le pays dans le meurtre et l’anarchie. Tout le gouvernement, et tout le pouvoir assument la responsabilité de ce crime odieux car les menaces contre Chokri et d’autres ne datent pas d’aujourd’hui », a-t-il dit.
Un contexte d’instabilité croissante en Tunisie
La Tunisie a vu se multiplier les violences sociales et politiques ces derniers mois. Le pays est au bord du chaos, mêlant crise économique, politique et sociale. Les caisses sont vides, le parti Ennahda ne parvient pas à s'entendre avec les autres partis da la coalition au pouvoir et a des difficultés à maintenir les forces salafistes silencieuses. Plusieurs partis d’opposition et des syndicalistes ont accusé des milices pro-islamistes, la Ligue de protection de la révolution, d’orchestrer des heurts ou des attaques contre les opposants ou leurs bureaux. Les partisans de ce mouvement sont accusés notamment d’avoir tué en octobre un dirigeant régional du parti d’opposition Nidaa Tounès à Tataouine.
Par ailleurs, la Tunisie est plongée dans une impasse politique, faute d’un compromis sur la future Constitution qui bloque l’organisation de nouvelles élections. Le Printemps se prolonge en un hiver terrible et l'islamisme prouve encore sa soif de violence et d'intolérance.