Luis Francesco Arena - Stars and stones
Tout commença avec un vieux pick up Phillips et des rangements en carton. J’avais neuf-dix ans et je découvrais la caverne d’Ali Baba : la collection pléthorique de 33 et 45 tours de ma mère, remisée progressivement en bas des armoires de notre petit appartement à partir du moment où la musique céda le pas à d’autres urgences.
Il y avait bien quelques vinyles qui trainaient de ci de là, sauvés de l’empaquetage systématique. Mais quand je me décidai un jour à ressortir la valise magique et les caisses d’archive, je découvris un autre monde, fantastique, fait de pochettes, de titres en couleurs et de visages inconnus. Qui était ce Toto Cutugno ? De quelle terre promise parlait Richard Anthony ? Et c’est quoi un mendiant de l’amour ? Je passais des après-midis entiers à comparer les logos des labels Fontana, Polydor, Decca, à corriger une rayure sur un disque des Turtles, à écouter dix fois un Morricone oublié. C’était le paradis, vraiment : un ilot d’innocence où j’ignorais qu’il était mal vu d’enchaîner un Beatles avec un Claude François. J’apprenais, je m’abreuvais à la source d’une génération qui avait connu le twist, le rock, le disco. Je ne connaissais pas encore Reggiani mais j’aimais Daniel Guichard. J’ignorais Ferré mais déjà Gainsbourg me rendait tout chose. Et d’une certaine manière j’entrais dans le monde interdit des adultes, celui des paroles à double sens et des évocations qui me laissaient perplexe et curieux.
Après des mois D’O.M.D, de Michel Delpech, de Rolling Stones, de Verdi, je connus la première sécession : le pick-up s’enflamma diaboliquement alors que j’écoutais Hotel California. De quoi reconsidérer les théories ésotériques sur le tube du groupe californien. La chute. Bye bye l’Eden. J’achetai alors ma première chaine hi-fi et mes premiers disques. Je découvrais une nouvelle ère : le choix, la distinction.
Je regrette parfois cette innocence ignorant le qu’en dira-t-on ? Cette liberté. J’envie secrètement ceux qui aiment parce qu’ils aiment. Aujourd’hui un nouvel artiste émerge toujours déjà accompagné d’une flopée d’avis, de commentaires, de jugements définitifs. Il est de plus en plus difficile d’écouter sans savoir. Et il m’arrive parfois de regretter ce temps où Vangelis et Léonard Cohen m’atteignaient sans a priori.
L’avantage paradoxal d’internet est que parfois on tombe par hasard sur un artiste comme on choisissait autrefois un disque selon sa pochette, ses couleurs, ce que le nom nous évoque. Star and stones de Luis Francesco Arena fait partie de ces exceptions. Beau visuel, nom exotique et trompeur : ce que vous allez entendre ici est une sublime proposition pop. Mais j’en ai déjà trop dit : disons que vous l’avez découvert par vous-même.
Le premier single, Ninety days :