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Le cinoche à Jules-Lincoln

Par Jules

lincoln

Qu’est ce qui différencie un grand metteur en scène d’un autre ? Le point de vue. Steven Spielberg depuis toujours rêve de faire un film sur Abraham Lincoln et, dans une moindre mesure, sur la guerre de sécession. Pour cela il convoque une armée d’historiens. Très vite il réalise qu’il est impossible de traiter de façon exhaustive de la vie du président américain. Impossible également de retracer objectivement ce que fut la guerre civile américaine.  La solution va lui apparaitre après la lecture du  livre de Doris Kearns Goodwin.

En se concentrant sur les quelques mois durant lesquels le 13eme amendement de la constitution des Etats-Unis (celui qui abolit l’esclavage) est voté, Spielberg trouve toute la matière dont il a besoin. Car c’est dans ces brefs instants de lutte politique à Washington que se révèle, entre idéaliste convaincu et stratège revanchard, toute la complexité de la personnalité de Lincoln. De plus le clivage entre démocrates et républicains symbolise à merveille l’état de déchirement que traverse le pays à cette époque. Il ne reste plus qu’à trouver le scénariste capable de rendre captivant un film sur "des vieillards emperruqués qui parle de politique". Tony Kushner semble le choix idéal. Ce dramaturge new yorkais qui collectionne les récompenses a déjà collaboré avec Spielberg sur Munich. Les deux hommes s’entendent à merveille et c’est donc tout naturellement qu’il est choisit comme scénariste sur le « projet Lincoln » qui a connu dix ans de gestation sous d’autres plumes.

« Je suis le président des Etats-Unis disposant d’immenses pouvoirs ! »

Quel acteur endossera la fausse barbe de l’homme d’état ? Après de longues rumeurs portant sur Liam Neeson, c’est finalement Daniel Day Lewis qui hérite du  rôle titre. Spielberg entame un tournage éclair de 55 jours. Ses collaborateurs habituels sont là, Kaminski à la lumière, Michael Kahn au montage, Williams à la musique et l’excellent Rick Carter pour la « production design ». Si Cheval de Guerre son précédent film était avant tout destiné aux enfants, Lincoln sera un film pour adulte. Pour la première fois de sa carrière Spielberg va refreiner ses incroyables capacités visuelles en se focalisant sur les acteurs et les dialogues. Il avouera dans une interview avoir voulu faire un film « à la Sidney Lumet ». (Steven à une admiration sans borne pour lui) Cela dit même si l’incroyable metteur en scène qu’il est s’est un peu "bridé", son film reste d’une beauté plastique sans égal. En effet Spielberg crée une incroyable scénographie entre les multiples personnages et lieux du film, et il le fait avec tellement de subtilité que les 2h30 du film passe à une vitesse incroyable. De plus la lumière de Kaminski fait encore des merveilles, tantôt « biblique » iconisant Day Lewis, tantôt « spectrale » annonçant sa mort prochaine.

« Vous allez non seulement détruire notre culture, mais aussi notre économie. »

Passionnant de bout en bout Lincoln est une vraie réussite, non seulement le spectateur n’est jamais perdu parmi le flot ininterrompus d’informations mais en plus on éprouve une certaine jubilation devant les magouilles politicarde de Lincoln. En ne minimisant absolument pas les contradictions (morales et politiques) dont fait preuve le président, Spielberg nous offre un film d’une grande honnêteté ne prenant jamais son spectateur pour un imbécile.  De plus il fait naitre une vraie émotion dans la description de la vie privé de Lincoln, bien aidé en cela par l’interprétation démente de naturelle de Day Lewis. (À savourer en VO pour apprécier le travail hallucinant fait sur la diction) Il faut le voir accablé après avoir visité un champ de bataille prenant toute la mesure de ses actes, le regard vague et vieillit de cent ans en dix secondes.

C’est en définitive un beau film qui malgré sa terrible lucidité conserve le gout des idéaux, à l’image de ces parlementaires qui, au moment du vote, prennent soudainement conscience qu’au lieu de leurs propres intérêts ou de leurs propres réputations, ils peuvent l’espace d’un « oui » influer sur la marche de l’histoire.


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