Nous avons rencontré Lindi Ortega le mardi 29 janvier quelques heures avant son spectacle au Divan Orange à Montréal. Elle vient nous accueillir avec une voix douce avant de nous entraîner dans le sous-sol improbable de cette intime salle de concert. Ambiance studieuse avec Dustin Bentall et un membre des Smokes en train de jouer. On s’enfonce dans un canapé qui a un peu perdu de sa vigueur, tandis que les deux gratteux s’esquivent discrètement.
Lindi Ortega est plus grande que je ne le pensais, très classe, rouge à lèvre, béret et lunettes posées sur l’extrême bout de son nez. Ambiance studieuse.
Pour retrouver la version originale de l’entrevue en anglais cliquez ici/ To read Lindi Ortega’s interview in English click here.
Comment va la Lindi Ortega de 2012 ? Euh de 2013 pardon.
L.O. : 2012 c’est l’année de mon album Cigarettes & Truckstops qui est sorti en octobre (ndlr. Last Gang Records). Un album qui a évolué par rapport au précédent Little Red Boots, plus blues. Et en ce qui me concerne, je fais toujours ce que je faisais l’année dernière : je suis en tournée, j’écris, et je me tiens occupée notamment avec une tournée en Europe en février. Et puis il y aura peut-être un nouvel album cette année. En gros c’est assez similaire que l’année précédente, les mêmes occupations, juste plus nombreuses.
Ton père t’a offert ta première guitare ….
L.O. : En fait il l’a achetée pour ma mère, et il lui a appris comment en jouer. Mais elle n’était pas intéressée. Donc elle s’est retrouvée accrochée sur le mur, un peu comme une œuvre d’art. Et je pense que c’est sans doute pour cela que j’ai été attirée. Je lui ai demandé s’il pouvait la décrocher, et de me montrer quelques accords. Ce qu’il a fait. Ensuite j’ai appris le reste par moi-même.
Est-ce que tu peux nous parler de ta décision d’entrer dans le monde de la musique. Pourquoi est-ce qu’un jour tu t’es dit « je veux faire de la musique » ?
L.O. : Je crois que j’ai tout simplement adoré ça. Je n’ai jamais songé aux difficultés que je rencontrerai. Je pensais juste à la façon dont ça m’a touchée, combien je me suis sentie passionnée. Quand je suis sur scène, je ressens de l’euphorie, et c’est beaucoup mieux que n’importe quelle drogue. C’est une sensation incroyable, j’en ai vraiment besoin. Je crois que je suis devenue accro à la scène et au chant. Et c’est une bonne chose que je n’ai pas songé à combien ça serait difficile, car je ne me serais sans doute pas lancée.
Ce n’est pas facile de gagner sa vie dans ce monde là. Toi tu as commencé par auto-produire tes deux premiers albums comme première solution.
L. O. : Non ce n’est pas facile, et je ne gagnais pas grand-chose. Cela m’a pris pas mal de temps, et actuellement je ne tire pas beaucoup d’argent de ce que je fais. Mais désormais je peux payer mon loyer, ce qui n’est pas mal ! C’est devenu mon seul métier. Pendant un moment je devais cumuler trois boulots et la musique en même temps. C’est un secteur difficile, il faut vraiment aimer pour le faire, ça ne peut pas être pour l’argent.
Ton dernier album s’appelle Cigarettes & Truckstops. Est-ce que tu pourrais essayer de nous le décrire en un seul mot ?
L.O. : Woh ! (elle réfléchit). Juxtaposé. Cela veut dire qu’il y a deux côtés qui fonctionnent ensemble. Par exemple Johnny Cash a une chanson très sombre qui s’appelle Folsom Prison Blues. Il avait tué un homme à Reno et l’avait vu mourir. Quand tu écoutes cette musique sans les paroles, elle est très optimiste, joviale. Mais si t’intéresses aux paroles, il y a bien deux aspects à travers cette dualité. Cet album est juxtaposé car il y a de l’ombre et de la lumière dans chaque titre.
Comment est-ce que tu arrives à trouver de l’inspiration sur la route ? Est-ce que ce n’est pas trop répétitif, les mêmes habitudes … ?
L.O. : Tu ne trouves pas ce sous-sol inspirant ? (elle rigole). Certaines choses restent constantes c’est vrai. Il y a une routine qui s’installe, mais il y a toujours des choses imprévues qui se passent. Par exemple les gens avec qui je tourne changent à chaque fois. C’est donc différentes personnalités, des blagues, des équipes, des intérêts variés. Ma dernière tournée était avec un groupe de punk (ndlr. Social Distorsion) et avant cela, c’était avec K.D. Lang. Donc finalement chaque tour est vraiment différent, même s’il y a des aspects répétitifs : les soundchecks, les répétitions, les concerts … Je trouve qu’il y a de quoi s’inspirer dans tout ça, d’autant plus qu’il y a des villes, des bars, des restaurants où je ne suis pas encore allée. Tu n’as jamais deux fois la même expérience, c’est impossible. Il va toujours y avoir un détail qui va rendre ton expérience dissemblable d’une autre.
Donc c’est une inspiration indéfinie ?
L.O. : J’écris sur plein de sujets différents. Ma vie a bien changé ces dernières années, depuis que mon album Little Red Boots est sorti. Depuis ça, partir en tournée, avoir un planning de dingue, est devenu ma vie. Mais avant, j’ai eu une vie bien remplie avec des expériences normales, et je continue à en profiter, car il y a encore plein d’éléments à en tirer. Ce que je veux dire c’est que je n’ai pas encore écrit sur la moitié des expériences que j’ai vécu, en plus des rêves, des livres, des films… donc j’ai encore beaucoup de matériel !
Comment est-ce que tu choisis et réunis tes chansons pour former un album – notamment pour Cigarettes & Truckstops ?
L.O. : J’avais déjà quelques chansons d’écrites. Je les ai jouées à mon producteur qui est venu chez moi, on en a discuté pour voir comment les rassembler, voir quels instruments utilisés. C’était plus pour voir ce qui sonnait bien, et ce qui avait du sens avec l’esprit de l’album, commencer à percevoir une visions générale. Certaines chansons n’allaient pas avec cette vision, on les mettra peut-être sur le prochain.
Tu vis actuellement à Nashville, Tennessee. Est-ce que tu penses que c’était inévitable de quitter le Canada pour faire ta musique ?
L.O. : Je ne sais pas si c’était vraiment nécessaire. C’est différent pour chacun. En ce qui me concerne, c’était logique dans la mesure où à Toronto il n’y a que quelques scènes, dont une pour le genre de musique que je joue. Quand tu t’es produit dans cette salle plusieurs fois, et que tu réalises qu’il n’y a pas suffisamment d’espace pour t’épanouir, tu dois trouver quel est l’endroit logique où tu pourrais jouer plus de concerts, et avoir plus d’inspiration. Nashville est une ville musicale, et c’était l’endroit pour moi, puisque beaucoup de mes héros de country favoris sont connectés avec cette ville. J’avais besoin d’y aller, d’avoir ma leçon d’histoire, et de trouver comment déployer mes ailes.
Donc tu ne te vois pas du tout revenir à Toronto ?
L.O. : Pas pour le moment non. Ce n’est pas définitif, mais ce n’est pas prévu dans un futur immédiat. Je n’exclus rien, je ne suis pas une personne absolutiste car je suis persuadée que toute situation peut changer. J’ai passé la plupart de ma vie à Toronto, je connais vraiment bien. Je sens juste qu’il n’y a plus rien pour moi à explorer là-bas. J’y retourne tout le temps pour des concerts, et je suis contente d’y revenir. Si je venais à me réinstaller au Canada, je pense que j’essayerais de m’installer à Vancouver parce que c’est vraiment une ville magnifique. J’aime tester différentes choses, surtout que je sais que je peux le faire maintenant que j’ai fait le grand saut. Je me dis que je peux vivre n’importe où, je peux tout essayer.
Pourquoi est-ce que tu n’es pas allée t’installer à Nashville avant ?
L.O. : Cela m’a pris du temps d’arriver à ce constat. Il m’a fallu quelques expériences et d’ évolutions pour parvenir à ce stade. Je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, ce que je voulais devenir. J’ai commencé à me rendre compte ces dernières années que l’épicentre de mes intérêts était Nashville, Memphis, toutes ces villes du sud. Avant ça, j’aimais la musique country, mais je n’avais pas les moyens ni les ressources nécessaires. Je ne savais pas si je pouvais faire en sorte que ça marche. Et ce jusqu’à l’année dernière où je me suis dit : « je suis prête à faire ce plongeon, je vais le faire, c’est maintenant ou jamais ». Donc je me suis dit que c’était maintenant.
Qu’est-ce que tu espères du reste de ta carrière ?
L.O. : Mon seul but musical pourrait sembler merdique pour tout le monde, mais c’est en vrai c’est super honnête : j’aime ce que je fais, j’aime être en tournée, j’adore écrire et me produire. Je m’en fous de ne jamais jouer dans un stade ou une arène, ce n’est pas ce que je recherche. Je n’en ai rien à faire si je ne gagne pas un million de dollars. Tout ce dont je me soucis c’est d’être capable de poursuivre ma vie et de faire ce que je fais. J’aime ça, et j’espère pouvoir continuer à faire des albums et jouer pour des gens tant que je le peux, tant que ma voix tiendra.
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- QUIZZ -
But ? Choisir sa chanson préférée (par extension groupe) à partir de titres de son album. Chaque proposition possède un mot en commun avec les titres de base.
- Cigarettes & Truckstops / Cigarette & Alcohol – Oasis vs Last Cigarette – Bon Jovi
Je vais dire Oasis, juste parce que je suis plus fan de ce groupe.
- Use me / Use Somebody – Kings of Leon vs Somebody that I Used To Know – Gotye
» Somebody that I Used To Know ». Nous avons entendu cette chanson quand j’étais en Europe. On n’arrêtait pas de l’écouter, et du coup ça me rappelle ma tournée européenne. C’est un bon souvenir. Je suis sans doute nostalgique.
- High / High & Dry - Radiohead vs High Hopes – Pink Floyd
C’est difficile ! Je vais choisir Radiohead, High & Dry parce que j’adore la mélodie de cette chanson, et aussi la voix. J’adore Thom Yorke, il est incroyable.
- Don’t wanna hear it / Can’t you hear me – The Rolling Stones vs Hear me Lord – George Harrisson
Oh non ! Les Rolling Stones. Je suis une grande fan, c’est un groupe fantastique.
- Every Mile of the Ride / Ride On – AC/DC vs Ride the Wild Wind – Queen
Je ne peux pas me décider. C’est une égalité ! Est-ce que je peux dire égalité ? J’aime tellement les deux. La voix de Freddy Mercury n’a pas de pareil, il est extraordinaire, mais j’adore aussi AC/DC. Je ne peux vraiment pas choisir.
Il faut que je te pose une dernière question. Où est-ce que tu as trouvé tes superbes lunettes de soleil ?
L.O. : Celles en yeux-de-chat ? Je les ai trouvé dans un magasin à Toronto. Je n’en ai pas retrouvé d’autres. Je les ai achetées, et je les ai tellement portées qu’elles se sont cassées. Je suis donc retournée au même magasin, mais ils n’en n’ont plus. Je les adorais, c’était mes préférées. Mais oui, elles sont décédées. (cf. Image ci-dessus)
Merci beaucoup Lindi de nous avoir accordé ton temps !
L.O. : Merci.
Lindi sera en tournée en Europe dès le 26 février 2013 avec un arrêt à la Flèche d’Or le 21 mars !