Qui a vu Rambo, le premier opus?
Peu de gens en France visiblement - Stallone/Rocky/Rambo est depuis toujours caricaturé en France, cette image de l'impérialisme
américain lui collant à la peau - ont vu ce film, ou n'ont que quelques souvenirs complètement érronés du film.
Pourtant, Rambo est un excellent film anti-politique de guerre américaine. En effet, Rambo est comme Stallone lui même un exclu parmis
les exclus, Stallone fais partie de l'immigration italienne qui a dû se battre et recevoir des coups pour s'imposer, Rambo, lui, est un vétéran de la guerre du Viet Nam d'abord
rejetté par la population américaine anti-guerre puis par le gouvernement lui même qui n'a jamais valorisé ces anciens combattants .
Dans le premier plan, Rambo/Stallone veut revoir le dernier survivant de sa section spéciale dans une ville située dans une
amérique profonde. Cet ami de guerre est un noir (Rambo, exclu parmis les exclus), mais la première personne qu'il voit est la mère de son ami qui ne l'acueillera pas non plus les bras ouverts,
mais plutôt avec méfiance pour finalement lui apprendre que son ami est mort.
Rambo est seul et déambule le bord de la route qui jonche une petite ville bien WASP.
Un flic qui n'aime pas les ennuis, ni les exclus, ni les vagabonds, ni tous ce qui sort de l'ordinaire va le jeter en dehors de la
ville sans aucunes raisons valables que celle de son jugement tout en lui manquant de respect.
John Rambo à juste titre rebrousse chemin, il n'a rien fait à personne, est dans son bon droit.
La grosse partie du film est un survival très bien réalisé ou Rambo, comme une bête ne parle plus, aux aguets et tend des pièges à
ses poursuivants sans ne jamais les tuer ce qui est à souligner (sauf un flic, mais en légitime défense. Il passe de chasseur à chassé.
Le seul homme à pouvoir l'arrêter est son colonel et formateur.
Dans une scène finale déchirante ou Rambo craque et pleure - sa solitude et l'incompréhension du monde face à ses problèmes - dans
les bras du colonnel, toute la dramaturgie Stallonienne est à son paroxysme.
Il décide finalement de sortir sans arme où la Police l'emmène.
Ce que peu savent, c'est qu'il y a une fin alternative tout à fait surprenante et fidèle au livre duquel est tiré le
film:
De la même manière Rambo pleure face au colonnel, mais lui demande de le tuer, ce qu'il fait. Rambo est mort de l'être qui l'a mis
au monde pour combattre. Un constat d'échec terrible pour le gouvernement américain.
Vous m'avez fabriqué vous devez me détruire puisque je ne suis qu'un pion crasseux à vos ordres.
A propos de Rocky/Stallone, un article anonyme trouvé sur le web :
Sylvester Stallone ou le détournement mythologique du concept de résilience
En choisissant de bâtir son héros, double starifié de lui-même, sur le concept même de la revanche d’un raté, d’un exclu, d’un anonyme médiatiquement méprisé, «
Sly » s’aventure avec une perfidie, dont je me dois de reconnaître l’intelligence communicationnelle, sur le terrain glissant et vaseux de la vulgarisation massive, voire du détournement, du
concept de résilience.
« Resiliency » est un terme psychologique né aux États-Unis, et abondamment repris en France par Boris Cyrulnik, qui tente de définir la capacité que possèderait
chaque individu à transformer ses plus profondes souffrances, ses plus douloureux échecs en une force de caractère, une richesse qui lui deviendrait aussi inébranlable que personnelle… A
l’image de l’huître qui transformerait un grain de sable en une perle, Sylvester Stallone se fait le relais de cette conception de l’homme capable de magnifier sa capacité à encaisser les coups
durs et à littéralement transcender chaque uppercut en une forme d’encouragement, d’applaudissement même, voire d’élan qui le ferait progresser un peu plus vers la victoire de son unique combat
: l’estime de soi.
N’ayant foi en personne d’autre qu’en lui-même, contraint à la résilience, l’essence même du héros stallonien réside dans la permanence de sa solitude, la
négation même de toute forme d’altérité. Chaque entraîneur, chaque partenaire et a fortiori chaque adversaire n’a pas d’autre fonction d’exister que celle d’être un « catalyseur » du
combat perdu d’avance qui oppose Rocky contre Rocky, Stallone contre Stallone : « soi contre soi ».
Largement encouragé par une société consumériste qui nie ostensiblement toute forme de solidarité, et qui a tout « intérêt » à ce que chaque citoyen-spectateur
incorpore une idéologie fondée sur la promesse de l’avènement de soi (plutôt que sur la participation active de chacun à une tentative de définition d’un « vivre ensemble » par exemple), toute
la dramaturgie stallonienne est basée sur l’identification des spectateurs avec le personnage principal d’une histoire sans fin : celle de Sisyphe dont le rocher redescend la montagne à chaque
fois que son héros le lâche pour célébrer en levant les bras au ciel le succès de l’avoir gravie !
Caricaturale et propagandiste, la mythologie stallonienne n’en reste pas moins ambiguë ; sans aucune référence cinématographique, aucune interaction avec toute
autre histoire (au sens le plus large possible) qui ne toucherait pas directement celle de son auteur, Sylvester Stallone ne se contente pas de faire l’apologie d’un abruti qui « arrête les
coups avec son visage » pour gagner son quota de reconnaissance personnelle, il fusionne littéralement les héros de sa mythologie avec le continuum vide et médiocre de sa propre
existence.
Indéniable précurseur d’une forme de « cinéma-réalité », Sylvester Stallone incarne à la vie comme à l’écran le « Sisyphe way of life » : fusion identitaire et
mise en abîme simplistes qui poussées à l’extrême (« ce n’est pas moi qui ai créé Rocky, c’est lui qui m’a créé » Sylvester Stallone – Télé Star – n° 489 – 10 février 1986) recontextualise
inévitablement la place de l’artiste engagé dans un processus obsessionnel de célébration de sa propre personne tributaire de la célébrité du héros qu’il a créé à son image, double starifié de
lui-même.
En faisant de la virtualisation de l’auteur-acteur une condition nécessaire à la crédibilité de la réalité du héros auquel « tout le monde » peut s’identifier,
Stallone établit une incontestable relation sadomasochiste avec sa propre création ; pour ne pas se dissoudre au fur et à mesure que son personnage prend corps, l’artiste stallonnien est
contraint de combattre l’œuvre elle-même.
Sylvester Stallone, en spectacularisant dans la saga Rocky elle-même, le combat entre l’artiste et son œuvre, propose une double mise en abîme de cet autre forme
de combat perdu d’avance qui oppose Rocky contre Stallone, Stallone contre Rocky, créateur contre créature, créateur contre création : « soi contre image de soi ».
« Rocky combat Rocky qui combat Stallone qui combat Stallone qui combat Rocky qui combat Stallone qui combat Stallone qui combat Rocky… ». L’un des deux est
toujours debout, victorieux, prêt à se battre. L’un des deux est toujours en train de se relever d’un K.O., d’une défaite et prépare sa revanche.
D’autant que l’échec de l’un est la condition nécessaire du succès de l’autre : Rocky perd la crédibilité de sa rage aux yeux du public quand Stallone gagne trop
sa vie (Rocky III « l’œil du tigre ») et Rocky gagne en vraisemblance à l’écran et en chiffre au box office quand Stallone est en train de perdre le combat de sa carrière personnelle (Rocky et
Rocky VI, « Rocky Balboa »). Parodie annoncée d’Icare, la mythologie Stallonienne, par la mise en abîme de son seul et unique auteur-acteur-personnage, encourage son héros à coup de poing et le
détruit à coup d’applaudissement : les feux de la rampe sont à entendre au sens le plus simpliste du terme (cf Image finale du spectacle Satan’s Alley célébrant la réussite du danseur Tony
Manero dans le film Staying Alive, réalisé par S. Stallone en 1983).
Sylvester Stallone, « Boxing-Choreographer » de ses créations, compose son ballet de cycles morbides de combats vains (« soi contre soi » et « soi contre image de
soi »), perdus d’avance par leurs uniques challengers, véritables héros masochistes condamnés à la résilience à perpétuité, non sans une certaine ironie dans le maniement du flou : en rendant
quasiment indiscernable les chutes des ascensions et les victoires des défaites, l’auteur s’amuse à brouiller les seuls points de références rythmiques dans l’enchaînement des
cycles.
Le combat pour l’avènement et l’estime de soi semble, chez Sylvester Stallone, ne prendre d’autre forme que celle d’une inertie vaseuse où champions et « loosers
», victoires et défaites seraient des conditions d’être et des statuts permanents, immuables et fusionnels.
Sisyphe fait du sur place, Icare brûle en continue. Point mort. Comme si un culturiste, qui voulait juste prendre un peu de volume rentrait en contraction
statique et isotonique. Du volume, de l’air, du vide. Pas de Mouvement. Par ce processus, Stallone n’atteste pas uniquement de l’absence totale de cycle dans son oeuvre, mais de toute forme de
mouvement en général, c’est-à-dire de vie. Incarnation de la négation même de toute forme de vie, d’altérité et de mouvement, le héros stallonien ne s’engage pas moins, dans un autre combat
inéluctablement perdu d’avance qui l’oppose à sa propre mort.
Pastiche Prométhéen, à la vie comme à l’écran, « rocky-stallone » est inlassablement remis sur pieds par des produits dopant et des médecins pour prolonger encore
un peu plus son combat morbide, contre sa propre mort.
Le combattant stallonien pensait s’engager avec bravoure dans une tentative de re-naissance, il s’enfonce aveuglément dans une action suicidaire : à l’image de la
corde autour du coup du pendu qui se resserre un peu plus à chacune des tentatives de s’en libérer.
Paradoxe caustique, le héros stallonien se pensait résilient, re-naissant, il se découvre figé, continuellement mourant, spectateur de sa propre décomposition,
qui progresse un peu plus à chaque entraînement, à chaque combat, processus de négation de sa condition mortelle, de son humanitude.
A l’image des cadavres de taureaux, exécutés à la chaîne, que boxe Rocky pour s’entraîner, comme si, en proposant une nouvelle utilisation de leur carcasse, il
pouvait leur donner une seconde « vie », l’auteur tente inlassablement de réanimer sa créature, de relancer sa carrière, de vendre sa carcasse sous différents packagings. Le combattant
pour la re-naissance, n’a pas seulement perdu d’avance, il est déjà mort.