Rêves de Japon à la Pinacothèque de Paris avec Van Gogh et Hiroshige (1/ 2)

Par Kaeru @Kaeru

Jusqu'au 17 mars 2013, le musée parisien de la Pinacothèque accueille deux expositions jumelées : la première présente une trentaine de tableau de Van Gogh avec une lecture novatrice qui explique et l'influence des estampes dans l’œuvre du peintre. La seconde, consacrée exclusivement à Hiroshige propose ses trois séries d'estampes les plus emblématiques montrant les paysages d'Edo et des deux routes reliant la capitale de l'est à Kyôto.
Voici mon compte rendu d'une visite qui m'a ébloui !
L'exposition du Van Gogh : une visite à haute valeur ajouté !
Van Gogh est un peintre mondialement célèbre, on pourra croire que tout a été dit et écrit sur cet homme tourmenté, autodidacte, au style très reconnaissable. Pourtant, j'ignorais que Van Gogh était un collectionneur averti d'estampes et surtout, qu'au cours de sa vie, sa passion et sa fascination pour le Japon grandirent au point d'en faire une source d'inspiration indéniable. Cette exposition ne se contente pas de juxtaposer des toiles et des photos d'estampes pour montrer l'influence de ces dernières.
Elle dissèque l'oeuvre du hollandais, l'analyse avec finesse sans tomber dans des considérations intellectuelles suffisantes. La pédagogie est partout : les tableaux ont été ré-encadré tous de manière uniforme, ainsi l'attention sur la toile n'est pas déviée par un cadre rococo. À coté de chaque tableau on trouve un panneau avec une ou plusieurs reproductions d'estampe avec. L'élément principal que l'on retrouve en écho dans la peinture de Van Gogh est mise en avant, clairement identifié. Des extraits de correspondances, souvent avec Théo, montrent à quel point Van Gogh a intériorisé le Japon. Il s'est approprié ses paysages mais aussi les techniques picturales tant par la gamme de couleurs, le trait que la composition (en général inversée car les estampes se lisent à la japonaise, de droite à gauche).

Oliveraie (Van Gogh, juin 1889) et Plage des Danseuses (Hiroshige 1853)


L'exposition se divise en plusieurs thèmes avec, dans chaque espace, un fond de couleur différent qui se marrie avec la gamme des tableau et l'ambiance. Comme il y a peu de peintures, réparties sur une grande surface, on circule bien. Les textes explicatifs sont condensés en quelques panneaux clairs et concis. Je regrette juste que les éléments biographiques soit éparpillés. Un rappel sur la vie de Van Gogh dès l'entrée aurait pu aider à se remettre dans le contexte. Cependant, j'insiste vraiment, cette exposition n'a rien d'élitiste, au contraire. Sa pédagogie m'a séduite. Je pense qu'elle présente aussi une belle initiation à la peinture pour les plus jeune.
Van Gogh : le Japon intérieur !
Pour Van Gogh, le Midi de la France est devenu un autre Japon, son « Japon ». Il a extrapolé les paysages des estampes et intégré ses lectures sur le pays du Soleil levant comme autant de preuves tangibles d'un lieu merveilleux, subtil et où l'art est un élément central. Son Japon intérieur est touchant de naïveté, d'une fraîcheur enfantine. À noter que Van Gogh considérait que l'art Japonais était en décadence depuis l'ouverture du pays à l'occident et que c'était, en Europe, par le mouvement du Japonisme que la tradition japonaise se poursuivait. Van Gogh ignorait - par méconnaissance ou déni - que le mouvement même de l'ukiyo-e venait de l'intérêt des artistes japonais pour les maîtres hollandais.
On retrouve ainsi ce mouvement perpétuel d'inspiration entre Europe et Japon, cette attirance réciproque qui nourrit l'Art et fait qu'il s'inspire, tout en oubliant souvent les sources même de ce qui le fascine au départ.
Si à ses débuts Van Gogh s'est ouvertement inspiré de ses paires pour apprendre la peinture, copiant même des tableaux célèbres, j'ai l'impression que son goût pour le Japon est plus profond, plus intérieur que de la simple influence. Je ne suis pas certaine que l'artiste lui même avait conscience de la modification de sa peinture mais aussi de son œil.
 Il écrit à son frère qu'il installe des estampes dans son atelier. Il a toujours à porté du regard les paysages du Japon qui se transforme avec le temps en paysage familier, alors qu'il ne voyagera jamais là-bas. Il parle de la capacité du peintre japonais à saisir en quelques trait rapide l'essence même d'une scène, alors que lui même travaille à l'huile - une technique qui prend du temps, notamment avec les durées incompressible de séchage entre les couches. Quand on observe les toiles de Van Gogh on voit que la peinture ne recouvre pas tout, la trame apparaît encore. Et les traits sont vifs. Je me demande, dans quelle mesure, outre l'aspect esthétique des estampes, il a aussi essayé d'intégrer la méthode de réalisation.

Jardin de l'asile de Saint-Rémy (Van Gogh, mai 1889)


L'évolution dans la présence fantomatique du Japon dans l’œuvre de Van Gogh est flagrante. Plus son état mental se détériore, plus ce pays porteur de fantasme, intériorisé jusqu'à devenir une part créative de lui-même, prend de l'ampleur et s'émancipe jusqu'à devenir un reflet poétique et déformée d'une réalité distante.
Tout les amoureux du Japon, qu'ils aient eu le plaisir ou non de visiter l'archipel, accompliront ainsi un double voyage dans cette exposition. D'abord une visite esthétique et très didactique, mais aussi un parcours plus initiatique qui révèle le poids de la subjectivité sur la perception que l'on peut avoir d'un pays, d'une culture, d'un peuple.
À suivre, pour la seconde partie du compte-rendu sur Hiroshige.
Les infos pratiques c'est ici :
http://www.pinacotheque.com/no_cache/fr/accueil/expositions/aujourdhui/van-gogh.html
La chronique de la visite sur France info :
http://www.franceinfo.fr/culture-medias/sortir-ecouter-voir/van-gogh-et-hiroshige-une-double-exposition-a-la-pinacotheque-de-paris-786409-2012-11Copyright : Marianne Ciaudo