Cool - Don WINSLOW

Par Liliba

Dans ce roman, les lecteurs de Savage retrouveront les trois héros : Ophélia, dite O, Ben et Chon (que ceux qui n’ont pas lu Savage ne s’inquiètent pas, si les trois personnages principaux sont les mêmes, les romans sont par ailleurs indépendants, l’intrigue de Cool se déroulant après celle de Savage). Trois que rien ne sépare et qui décident de se lancer dans une activité plus que lucrative en créant leur propre société de production : une ferme isolée pour la culture du cannabis (un cannabis d’extrêmement bonne qualité cultivé hors sol), et des réseaux de distribution dans toute la région. Ils prospèrent rapidement, ce qui n’est pas vu d’un très bon œil par d’autres dealers bien décidés à maitriser ce marché. Menaces verbales, puis physiques, le petit monde de Laguna Beach se révèle bien plus dangereux que prévu, plein d’embuches, et la violence y rode en maître. Les trois compères ne sont pourtant pas décidés à baisser les bras et usent de leur imagination et de leurs forces combinées : force pure de Chon le bagarreur, séduction et ruse de O et réflexion de Ben pour contrer les « méchants » et tenter de leur résister, et surtout, bien plus que pour sauver leur commerce, tenter de sauver leur peau tout court !

Avec des allers-retours entre le passé et le présent (en 2005), Don Winslow brosse également les relations familiales de plusieurs protagonistes de l’histoire, et notamment les portraits des parents de nos héros, que l’on découvre à leurs débuts, au milieu des années 70. À cette époque et sous les cieux ensoleillés de la Californie du Sud, la mode est aux hippies et à la fumette, sans oublier le sacro-saint surf ! Le cannabis circule partout et certains comprennent que son commerce peut être fructueux, très fructueux… Un business qui va s’agrandissant, mais qui devient avec l’arrivée des drogues dures bien plus dangereux.

En dehors de l’intrigue riche en rebondissements et même effrénée du roman, l’auteur nous fait découvrir cette jeunesse désœuvrée et paumée, délaissant toute construction sérieuse de son avenir pour s’adonner aux plaisirs faciles, à l’argent, au sexe et à la drogue, qui vont souvent de pair. Il dépeint la culture pop des parents, l’amour libre, la vie sans entraves, ainsi que ses maux, comme un écho à ceux de notre société actuelle : violences, addictions, chantages, corruptions, allant jusqu’à l’assassinat de ceux qui dérangent, sous les yeux le plus souvent fermés des autorités locales, quand ce n’est pas avec leur bénédiction. Une peinture de mœurs et de l’Amérique assez passionnante. Cependant, le lecteur peut regretter d’être embarqué dans plusieurs époques et d’aucuns se sentiront sans doute un peu perdus du fait de la multitude des personnages.

De fait, le lecteur n’aura que deux choix face à l’écriture de Don Winslow, vraiment originale et atypique. Soit il détestera et aura du coup du mal à trouver ce roman « cool », à se plonger dans son univers de drogues, de violences, de corruption, d’argent… Soit il adorera et dévorera ce roman, redemandant de l’écriture hachée de l’auteur, des retours à la ligne, des phrases ne comportant qu’un seul mot, des répétitions, des définitions tout droit sorties d’un dictionnaire… Il se délectera de l’humour (souvent noir) des dialogues, de l’action omniprésente et des inventions stylistiques de l’auteur sortant de l’ordinaire.

Alors, cool, ce roman ? Déstabilisant, c’est certain. Et un auteur à découvrir, impérativement.

Lu par Carnet de lectures, que je remercie beaucoup du prêt ! Et également par Sharon, Hannibal le lecteur, Yv...