Tout est relatif...
La monnaie unique bénéficie en effet de vents porteurs depuis plusieurs mois. L’euphorie de la parité EUR/USD se justifie évidemment par l’étouffement progressif de la crise de la dette en zone euro et la conviction désormais partagée par tous que l’union monétaire – et donc sa monnaie – est irréversible. À cela s’est ajoutée plus récemment, l’annonce de perspectives économiques un peu moins négatives en Europe : si l’environnement demeure récessif, l’amélioration du sentiment économique en janvier, pour le troisième mois consécutif, est peut-être précurseur d’un redémarrage progressif de l’activité. Conséquence, plus optimistes sur les perspectives de la zone euro, les investisseurs continuent de diversifier leurs réserves de changes en « achetant » la monnaie unique.Mais ce sont surtout les politiques monétaires des banques centrales américaine et japonaise qui, en affaiblissant délibérément leur monnaie pour rendre leurs économies respectives plus compétitives, soutiennent un peu plus l’appréciation de l’euro. Aux États-Unis, la Fed a confirmé cette semaine vouloir maintenir le cap de l’assouplissement quantitatif en maintenant sa politique d’achats d’actifs obligataires souverains, sans limite dans le temps. Chaque mois la Fed continue d’acquérir pour 40 milliards d’actifs immobiliers titrisés et pour 45 milliards de T-Bonds US, afin de continuer à pressuriser la courbe des taux d’intérêt à long terme et impulser une reprise durable du marché du crédit (notamment immobilier, auprès des ménages). Le bilan de la Fed atteint aujourd’hui 3.000 milliards de dollars.
Le Japon s'y met aussi !
De son côté la banque du Japon a appliqué les injonctions du nouveau gouvernement japonais. De retour aux affaires, le premier ministre Shinzo Abe souhaite imposer une politique économique « agressive » permettant au pays de sortir de l’ornière déflationniste. Pour cela, la BoJ (Bank of Japan) compte faire tourner à plein régime sa planche à billet à l’instar de la Fed. Le montant de son programme de rachats d’actifs obligataires a été rehaussé : pour résorber la déflation, qui se caractérise notamment par un déficit de la demande par rapport à l’offre de biens de consommation, et donc par le reflux des prix, des salaires et de l’activité, l’institution compte augmenter de 10 000 milliards de yens ses achats d’obligations japonaises.Son programme global de rachats d’actifs est ainsi porté à plus de 100 000 milliards de yens, soit près de 900 milliards de d’euros (programme intégrant également des obligations corporate ou des titres hypothécaires immobiliers). De plus, la banque centrale maintient un taux directeur quasi nul à 0,1 % et compte revoir à la hausse son objectif d’inflation, jusqu’alors à 1%. Dans ce contexte, la parité EUR/USD (à 1.3650) a gagné +3,45 % en un mois, +11,6 % en six mois, tandis que la parité EUR/JPY (à 125.6) en hausse fulgurante de 10 % depuis un mois, vient d’atteindre un sommet de près de trois ans.
S’il stimule les cambistes, le succès de l’euro pourrait néanmoins jouer des tours aux entreprises européennes. Paradoxalement, un euro fort symbolise le retour de la confiance en l’avenir de la zone… mais il est freine aussi la compétitivité européenne à l’export. De quoi préoccuper les dirigeants de l’Union Monétaire qui considèrent la politique économique japonaise comme trop expansionniste et concurrentielle.
À propos de l’auteur : Fabrice Cousté est directeur général de CMC Markets France, l’un des principaux courtiers dans le monde.