Expo Photo « Adieu la Suisse ! » au Pavillon Populaire de Montpellier

Publié le 05 février 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof

« Adieu la Suisse ! », voilà qui est clair. Il est vrai que les premières photographies auxquelles nous sommes confrontés dans cette exposition sont bien loin de l'image d’Épinal que l'on se fait de ce doux pays. Pas de vaches avec cloches autour du cou, ni d'autochtones se promenant dans la montagne en bretelles et culotte-courte, mais plutôt des autoroutes, des parkings d'aéroports ou encore des bureaux de poste déserts. Alors quoi ? S'agit-il d'une exposition « choc », au titre engagé, où les artistes se seraient mobilisés pour dénoncer une Suisse défigurée par la mondialisation ? Bien heureusement, non. Les choses sont un peu plus subtiles que cela (notons par ailleurs qu'en Suisse « Adieu » est une façon courante de dire « Salut »). Bien que le regard de la plupart des photographes réunis ici ne soit pas dénué d'ironie, il s'agit plutôt de nous donner une nouvelle vision de la Suisse, telle qu'elle est, sans fard, et au delà des fantasmes. Alors oui, adieu la « Suisse Ricola », parce que la Suisse, ce n'est pas que cela.


Nicolas Faure, Satigny Zimeysa (GE), série Alles in Ordnung, mai 1995. Courtesy Nicolas Faure et Museum im Bellpark, Kriens

Au rez-de-chaussée, nous sommes accueillis par les œuvres de Nicolas Faure, qui ne sont pas les plus faciles à appréhender, étant donné leurs sujets plutôt insignifiants comme une grue, ou un morceau d'autoroute. Mais c'est sans compter sur un sens inouïe de la composition. Faisant dialoguer nature et constructions humaines, les éléments de ses images semblent avoir été méticuleusement superposés les uns sur les autres. Le plus souvent dénuée de point de fuite, l'image est très frontale, plate, verticale, et se dévoile couche après couche sur un format qui nous pousse décidément à croire qu'il s'agit plus de toiles abstraites que de photographies.


Nicolas Faure, série Alles in Ordnung. Courtesy Nicolas Faure

Le propos de Christian Schwager est plus ironique. Méfiez-vous de sa série des False Chalets. Si vous êtes charmés par ces jolis chalets fleuris photographiés façon carte postale, vous serez sans doute surpris d'apprendre qu'il s'agit d'ancien bunkers militaires. En revanche, il se peut que vous restiez insensibles face au manque d'intérêt certain d'une partie de la série Snow Management de Jules Spinatsch, dont l'image la plus réussie ne le doit selon moi qu'à son caractère "gaguesque". Si son désir de représenter l'incongruité des infrastructures dont on affuble parfois la montagne lors de manifestations sponsorisées m'a laissé de marbre, l'atmosphère qui émane de ses clichés nocturnes de pistes de ski dont la neige artificielle est présentée comme un produit de consommation comme un autre, est d'une grande force.


Jules Spinatsch, Scene D-13, série Snow Management, 2004. Courtesy Jules Spinatsch

Dans une salle attenante, Eric Busslinger, le Raymond Depardon de l'exposition, nous présente son « Journal de Suisse ». Muni de sa caméra, il s'est rendu au hasard dans différents cantons suisses pour y filmer des événements quotidiens. En résultent 258 petites séquences, projetées aléatoirement dans son installation vidéo Inland-Archiv. Après Raymond Depardon, c'est à Martin Parr que je comparerais le travail de Yann Gross dont les personnages, les scènes et les intérieurs extrêmement kitsch des habitants d'Horizonville nous font découvrir un American Dream...Valaisan. Enfin, avec sa série Poste mon amour, Jean-Luc Cramatte nous offre un inventaire d'offices postaux déserts, symboles de l'ordre et de l'efficacité Suisse.


Albert Steiner, Jour d'été à la montagne, près de St. Moritz, vers 1920. © Gallery Bruno Bischofberger, Meilen

À l'étage, nous effectuons un léger saut dans le temps avec des artistes du début du XXème siècle. Les paysages de montagne et les scènes bucoliques en noir et blanc, séduiront les âmes réfractaires à la photographie trop contemporaine du rez-de-chaussée. Chaque artiste présenté ici nous offre une approche différente de la montagne. Spirituelle, voir mystique chez Albert Steiner qui met en valeur l'aspect grandiose et noble de la nature, ainsi que chez Gotthard Schuh, ou encore Jakob Tuggener. Ethnographique chez Hans Peter Klauser, Hans Baumgartner et Theo Frey, plus inspirés par l'aspect humain, et les conditions de vie du peuple berger. Le fil rouge qui nous conduit d'un bout à l'autre de cet étage est une série du photographe Martin Stollenwerk, qui représente les bâtiments très carrés et austères des gares suisses. Ce procédé n'est pas sans rappeler celui de Bernd et Hilla Becher, connus pour leurs photographies très frontales d'architectures industrielles.


Albert Steiner, Mélèze à la lumière automnale, vers 1927. © Gallery Bruno Bischofberger

Allant du discours le plus cinglant au plus poétique, les artistes réunis ici par Peter Pfrunder – commissaire de cette exposition et directeur de la fondation Suisse pour la photographie - nous offrent une large panoplie de regards sur ce pays qui alimente encore tant d'utopies. Que vous soyez historien de l'art forcené, ou simple amateur, chacun y trouvera son compte dans cette exposition regroupant des genres photographiques très variés. La Suisse sous toutes les coutures, à découvrir jusqu'au 10 février 2013 au Pavillon Populaire de Montpellier.

Infos pratiques :

Entrée gratuite – Ouvert du mardi au dimanche inclus, de 10h à 13h et de 14h à 18h – Visites guidées gratuites les vendredis à 16h et les samedis à 11h, 14h30 et 16h.

Ophélie

Jules Spinatsch, Scene D-13, série Snow Management, 2004, courtesy Jules Spinatsch