Hollande: la chasse aux sorcières a-t-elle enfin commencé ?

Publié le 05 février 2013 par Juan
A côté de ses outrances verbales contre le mariage pour tous, la droite s'est trouvé un autre cheval de bataille, le retour de l'Etat PS. C'était drôle, sans surprise, et critiquable.
 L'hôpital avait décidé de se moquer de la charité.
1. C'est une charge récurrente du parti d'opposition, un vrai jeu qui nous régale. On apprend toujours des choses. Quand Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy présidèrent aux destinées de la France, les accusations inverses furent portées par l'opposition. Mais au-delà de cette charge traditionnelle, il faut savoir être précis. Ce qui ne fut pas le cas.
2. Le Figaro Magazine a ainsi dédié une jolie troupe de ses journalistes pour rassembler les preuves: Carl Meeus, Jean-Christophe Buisson, Laurence De Charette, Jean-Marc Leclerc, Marie-Estelle Pech, Marie Visot. Fichtre! Il nous manquait l'édito de Dassault ! Couverture sur l'évènement, avec ce titre sans surprise "Hollande: les copains d'abord". Le magazine de la droite pure, forte et anciennement sarkozyste ne cherche pas à critiquer les prétendus faits qu'il dénonce - quelques nominations de personnalités jugées proches de François Hollande - mais à pointer l'hypocrisie dudit Hollande.
Ce qui nourrit ce sentiment de malaise, ce n'est pas tant les nominations de proches aux postes clés de la République. Privilège de la fonction, chaque Président a le droit de nommer qui il veut et aucun d'entre eux ne s'est privé de le faire. La différence vient du décalage flagrant entre des propos de campagne de François Hollande virulents contre Nicolas Sarkozy et une pratique du pouvoir somme toute assez similaire dans ce domaine.
Car le Figaro, en cinq années de présidence des Riches, n'avait rien à redire aux scandales petits et grands du népotisme sarkozyste: la tentative de placer le prince Jean à l'Epad; enquêtes personnelles menées par Bernard Squarcini; nomination de proches en tous genres et surtout dans l'appareil policier et préfectoral; etc.
3. Le Parisien poursuit le feuilleton. Notre confrère Nicolas, sans rapport avec l'ancien monarque, reprend un à un l'infortune liste de noms déchus et de noms promus jetés en pature à la lecture du client-lecteur. Le Parisien, au moins, fait mieux son travail. La liste commence à ressembler à quelque chose d'intelligible. Parmi les déchus, il était trois qui d'évidence devaient partir, le trio de tête de nos forces de police: Péchenard, Squarcini et Gaudin. Que dire aussi d'Arno Klarsfeld, l'avocat auto-érigé en icône du sarkozysme bobo et qui fut remercié par son mentor d'un poste à la tête de l'Office de l'Immigration.
4. Lundi s'ajoute un autre faux micro-scandale: le gouvernement aurait décidé de doubler la rémunération du président du CSA, le fraîchement nommé Olivier Schrameck, déjà accusé de pis que pendre depuis sa nomination à ce poste sur choix du président de la République. Le dit Schrameck, ancien proche de Jospin, remplaçait Boyon, ancien proche de Raffarin... Les internautes, aiguisés par quelques "ragoteurs" du Web, se référaient à un décret du Journal Officiel daté du 1er février 2013. Il fallut attendre quelques précises explications pour comprendre que tout cela n'était que du flan, un mensonge, une grossière manipulation. Schrameck serait rémunéré, presque à l'euro près, comme son prédécesseur Michel Boyon.
5. C'est un procès très curieux. Primo, tout se fait sans cachoterie. C'est assumé et c'est l'une des vertues du système français que de passer les nominations publiques par le biais du Journal Officiel. On cite régulièrement l'exemple américain du "spoil system" comme l'illustration inverse. A chaque alternance politique, des milliers de fonctionnaires et patrons d'agences publiques sont remplacés. Cela ne gêne personne.
6. On oublie facilement le passé. Sous Sarkozy, le copinage était aller-retour. Le plus choquant - pour l'auteur de Sarkofrance, était cet autre copinage, cette confusion publique/privée; ces pantouflages au plus haut sommet de quelques banques ou autres établissements privés, cette confusion de notre intérêt national avec celui d'une autre caste. On appelait cela la Présidence des Riches, la Ruche des Riches. Le favoritisme de Sarkozy visait aussi autre chose, comme la nomination à ses côtés du proche Patrick Buisson (normal) puis la commande pour 1,5 million d'euros annuels de sondages d'opinion au même Buisson. Avouez qu'on parle plus sérieux.
Faire le tri
Ces critiques des nominations mélangent parfois tout, telle une vraie salade niçoise de l'argumentation politique. Pourrions nous éclaircir le sujet ?
Il est des nominations qui exigent des proches.
Il est des nominations où le poste est pris pour des mérites que le promu n'a pas - telle la proximité partisane ou familiale.
Exemples. 

1. La nomination de proches parce qu'ils ont des liens est délicate. On cite ainsi quelques cas de conjoints, par ailleurs hauts fonctionnaires et/ou militants au coeur de l'équipe victorieuse. Cette critique est faiblarde. En ces temps de disette budgétaire, le plafonnement du nombre de conseillers par ministres - respecté par le nouveau gouvernement - créé une contrainte telle qu'il serait crétin de s'embarrasser d'un inefficace.
2. La nomination quand elle est partisane ne devrait pas poser question quand elle est légitime ou assumée. Prenez le cas de Claude Sérillon: le gars va s'occuper de la communication de François Hollande à l'Elysée, une fonction éminament politique. Qui irait y nommer un opposant politique ?
3. La nomination ne serait pas irréprochable si le promu a frayé dans le secteur privé avant de rejoindre le poste public. Ce fut l'accusation servie par Mediapart contre David Kessler (à l'Elysée) ou Pierre Lescure (à la tête de la mission éponyme et temporaire). Mais quand Olivier Schrameck, juriste n'ayant jamais travaillé dans les médias, est nommé à la tête du CSA, on lui reproche (aussi)... son inexpérience. L'inexpérience dans les médias de Schrameck fut utilisée pour "prouver" combien sa nomination était politique. Si son expérience médiatique avait été irréprochable, aurait-il dû être un opposant de droite assumé ?
4. La nomination reste irréprochable quand la compétence l'est. Prenez Anne Lauvergeon. Atomic Anne a dirigé Areva pendant une décennie chiraquo-sarkozyste. Sous prétexte qu'elle a été dégagée par l'ancien monarque quelques mois avant la présidentielle de 2012, voici sa nouvelle nomination qualifiée de copinage... On sourit... En Sarkofrance, nous enragions de sa "Sarko-compatibilité"... Prenez cet autre cas, plus litigieux encore, Jean-Pierre Jouyet. En juillet dernier, nous nous moquions. Certes, Jean-Pierre Jouyet était compétent pour filer de l'AMF à la tête de la Caisse des Dépôts. Mais que n'avait-il de la chance que son ami Hollande lui pardonne sa compromission sarkozyste ! Le FigMag préfère sans doute un autre pantouflage, celui de Xavier Musca, ancien secrétaire général de l'Elysée de Nicolas Sarkozy qui lui avait promis le poste...
5. La nomination honorifique est sans odeur et sans gloire. Nul plaisir sur ce blog de lire que Jack Lang va se reposer à la tête de l'Instut du Monde Arabe. Mais il est difficile ou malhonnête de mettre ces nominations sur le même plan que la direction des forces de sécurité du pays ou du renseignement.
Au final, nous regrettions une chose, cette purge qui n'eut pas lieu. Il y avait des exemples, des cibles, des compromis encore en poste et toujours tranquille.
A suivre...