Foxygen, We Are The 21st Century Ambassadors of Peace and Magic

Publié le 05 février 2013 par Bertrand Gillet

Faussaires, vrais airs.

On peut être faussaire sans passer pour un fossoyeur. La formule semble aller comme un gant à Foxygen, duo de Los Angeles s’étant fixé comme mission de revitaliser le bon vieux rock’n’roll des familles. Celui précisément qui contribua à faire vibrer toute une génération chevelue. Nos parents, oncles ou tantes – ce sont eux – s’adonnèrent ainsi à l’amour libre dans ce joyeux foutoir de chairs et de chants que furent les années soixante. En 2013, on rigole moins, et pas seulement pour raison de crise et de débandade politique. Là où beaucoup de groupes nouvelle génération pêchent par facilité, Foxygen aligne les atouts, voire même – n’ayons pas peur du mot – les idées. Ainsi quand Sam France et Jonathan Rado décident de resucer les Stones, ils ne s’arrêtent pas à un son ou même une période. Non. Nos jeunes blancs becs ont l’outrecuidance de falsifier l’esprit d’un album entier comme le mythique Exil On Main Street dont on retrouve le style indéfinissable synthétisé dans No Destruction. Idem avec Oh Yeah qui lorgne du côté de Electric Warrior, classique des seventies glam signé T. Rex. Je passe sur le morceau titre qui affiche sans complexe un petit côté Elvis lysergique. Bref, on jubile. Le plus significatif je crois dans cet art consommé de la parodie authentique se mesure ailleurs. En élèves studieux, les deux têtes pensantes de Foxygen perpétuent l’une des plus belles traditions sixties : l’urgence. À l’époque, les groupes enregistraient au minimum un album par an, voire parfois deux. Souvenez-vous des Beatles ou des Kinks. Ces groupes étaient capables d’oublier un disque à peine emballé et de passer ainsi à la révolution d’après. Osons le dire, on expérimentait grave. Certes, dans l’effervescence et l’insouciance de ces années fastes, on produisait aussi du déchet, enfin j’entends par là des œuvres incomplètes, bancales mais l’effort, la générosité constituaient le plus souvent les ingrédients des chefs-d’œuvre en puissance. Même logique avec Foxygen qui en l’espace de quelques mois a publié Take the Kids Off Broadway et We Are the 21st Century Ambassadors of Peace & Magic. Sans prétendre friser chacun la perfection, la somme des deux albums garantit sur facture la présence de tubes. Et après des pépites comme Make It Know on ressent à nouveau le plaisir immédiat, évident à l’écoute de Shuggie et de San Francisco. Et même si chacun à sa manière rappelle une chanson, un groupe, une année, bref, tous les souvenirs qu’une vie bien remplie peut se targuer d’avoir amassé, ces deux chansons-là continuent d’exercer leur pouvoir. Elles finissent par imprimer leurs motifs, leurs paroles comme autant de figures obsédantes appelées à nous posséder à jamais. Et tout cela en six mois, fallait-il le rappeler. Il faut la foi du charbonnier pour y parvenir, rester imperméable à la critique et avancer là où certains auraient déjà abandonné en chemin. Heureusement pour nous, Foxygen n’appartient pas à cette catégorie sans doute parce que nos deux musiciens sont trop jeunes – tous les deux 22 ans au compteur – et surtout trop fier pour se laisser dicter leur conduite. En découle une musique plus qu’honnête, généreuse, déjantée, capable de tutoyer les sommets. En témoignent ces refrains en forme d’hymnes qui parsèment l’album (On Blue Mountain). Une musique plus authentique qu’il n’y paraît, pas suffisamment cynique pour servir de bande son à la production publicitaire actuelle comme c’est malheureusement le cas des Black Keys. On referme alors le disque – pressage vinyle oblige – en attendant la prochaine fournée, des futurs singles écrits, joués et produits avec passion plutôt qu’avec patience. On aime, on en redemande. Boulimie pop, épilepsie rock, la démarche revêt un caractère éminemment addictif. Les concurrents et apprentis rockeurs, déjà à la peine, passeront encore des années à boucler laborieusement quelque improbable album. Même dans le passé, Foxygen conserve un temps d’avance.

http://www.deezer.com/fr/album/6217915



05-02-2013 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 4 fois | Public Ajoutez votre commentaire