Un plan d’ouverture sur les lettres d’Hollywood. Pas loin, deux gangsters papotent tuerie et globes oculaires avant de se faire liquider par un mystérieux tueur masqué. Il n’en faudra pas plus à Martin McDonagh, déjà auteur de l’audacieux Bons baisers de Bruges, pour installer un ton décalé et une atmosphère sous influence, à situer quelque part entre l’humour noir des Coen, les pauses verbeuses à la Richie, et la démesure de Tarantino. Ses héros seront des pieds nickelés un peu barges, les psychopathes du titre donc. Marty (Colin Farrell), lui, scénariste d’origine irlandaise en panne d’inspiration, s’impose clairement en alter égo du cinéaste : il tire les ficelles du long-métrage à mesure qu’il écrit l’intrigue de son scénario, intitulé, logiquement, Seven Psychopaths. Une mise en abyme comme ressort narratif d’un film qui se veut barré, drôle et atypique. McDonagh ne souhaite avant tout qu’une chose : surprendre son auditoire, s’éloigner des sentiers battus, livrer diverses options comme l’on rature une phrase pour en écrire une autre. D’où cette impression générale de brouillon, et de work in progress dont il abuse parfois. Au final, il parle surtout de l’acte créatif, de la façon dont la réalité inspire la fiction, et dont la fiction s’insinue au sein du réel. Une idée de base franchement réjouissante… les deux tiers du film.
Ensuite, l’entreprise s’essouffle malheureusement quelque peu, tournant en rond, en manque d’idées, trop confortablement assise sur ses acquis. C’est bien dommage au regard de l’énergie et du casting déployé : d’un Farrell alcoolo à un Rockwell déjanté, sa galerie de personnages et d’acteurs a tout bon. Au milieu, il y a de belles saynètes, et de quoi offrir aux divers comédiens (on pense à Woody Harrelson ou Christopher Walken) et caméos (Tom Waits, Michael Pitt, Gabourey Precious Sidibe, Harry Dean Stanton) leurs minutes de gloire. On y croise joyeusement, dans un foutoir décomplexé, des kidnappeurs de chiens, un vietnamien en colère, des serial killers de serial killers… Des folies balancées dans un scénario en cours d’écriture qui se joue du mélange des genres (un mix de comédie, de polar, de drame et de violence) et des possibles créatifs. Il y a moins de beauté que dans le précédent long métrage du réalisateur qui suivait les déboires d’un même Colin Farrell (à l’époque tueur à gages dépressif), mais certains plans magnifiques (le final osé, mais à rallonge, dans l’Ouest américain) permettent à ces 7 Psychopathes de garder la tête hors de l’eau.