Cette semaine, l'actualité politique a vu le président de la République Française, François Hollande, se rendre en Afrique à la rencontre de dirigeants politiques locaux, notamment au Sénégal et en République Démocratique du Congo. Au programme, la visite notoire du site de l'île de Gorée (au sujet de laquelle je vous renvoie à cet article de Bernard Lugan), lors de laquelle le président a évoqué le sujet de l'esclavage.Quant au Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, il recevait il y a peu le Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) pour aborder, de nouveau, la question de la "réparation" du passé esclavagiste que la France a connu jadis.
L'esclavage consiste dans le fait, pour une personne, d'exercer sur une autre un droit de propriété de sorte à ce que cette dernière soit privée de toute liberté. Elle implique souvent des conditions de vie difficiles, voire inhumaines, par le biais d'une exploitation pour des travaux pénibles et peu/non-rémunérés. Historiquement, l'esclavage remonte à l'antiquité greco-romaine, durant laquelle il existait déjà et de manière tout à fait légal. Tombé en désuétude durant le Moyen-âge au profit du servage (qui était, sommes toutes, une situation plus avantageuse) par une certaine influence chrétienne (même s'il ne fut jamais juridiquement supprimé), il retrouve un certain essor dès le Treccento italien (à Gênes, à Venise), puis durant la Renaissance principalement outre-Atlantique, même si 2 bulles pontificales condamneront l'esclavage des amérindiens. En France tout du moins, le servage sera abolit par Louis XVI en 1779, puis ce sera le tour de l'esclavage en 1848. Quelle est la teneur de ces nouvelles revendications à connotation communautaire et mémorielle ? Comment agir politiquement ?
Ce qui a déjà été fait
Ce n'est pas la première fois qu'une "réparation" est envisagée. En effet, la Loi Taubira du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l'humanité. Cette Loi a notamment déjà permis la reconnaissance officielle de la traite négrière comme étant constitutif d'un crime contre l'humanité (sans plus de précision en termes historiques, nous sommes ici dans le domaine du droit) et comprenant un volet éducatif sur le sujet. Si le volet éducatif n'est pas très contraignant (aucune orientation particulière n'a été prise en terme de programmes), l'aspect juridique est plus critiquable, commet l'expose ce paragraphe d'article.
Ce qui est envisagé
D'après les propos du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, "toutes les pistes sont envisagées", non seulement financières, mais aussi judiciaires ou éducatives.
La piste financière semble évidente : verser une somme d'argent aux victimes reconnues. Mais plus concrètement, qui va payer, et surtout à qui ? Pourquoi une personne morale en particulier, pourquoi les contribuables actuels ? Comment répartir cette somme, sur quel critères ? Par le biais d'une Loi, comme c'est le cas des descendants de victimes de la seconde guerre mondiale ? La chose semble complexe, et incitera probablement à des "frivolous lawsuit" (expression anglaise signifiant procès à but lucratif).La piste judiciaire vise peut-être à la mise en oeuvre d'infractions pénales relatives à la contestation de l'existence de la traite négrière, à l'instar de certains autres crimes contre l'humanité officiellement reconnus (sachant que la mise en oeuvre d'une telle infraction concernant le génocide arménien avait été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel).
Enfin, la piste éducative semble avoir pour but de développer l'enseignement sur la traite négrière, que ce soit par le biais de l'éducation nationale et/ou probablement par des initiatives plus disparates (expositions, documentaires, ...). Il est à souhaité que cette piste ne sera pas par trop politisée et qu'elle laissera aux historiens une certaine latitude pour pouvoir leur garantir l'objectivité qui sied à leur vocation.
Comment réparer ?
La notion de réparation désigne la remise en état de ce qui a été endommagé. Il s'agit donc ici, par diverses mesures prises par l'Etat, de réparer le passé en quelque sorte.
Si l'argent ne semble pas la priorité dans cette affaire, il ne semble ni opportun ni même juste de procéder de la sorte.Tout d'abord, parce qu'il ne faut pas tomber dans l'instrumentalisation, et que Les larmes ne se monnayent pas.
Ensuite, parce que, en dépit du caractère grave de ces évènements, ils sont si anciens que le peuple français actuel ne peut absolument pas être tenu pour responsable, ni même coupable, de tels agissements. Le contribuable n'a pas à verser, plus encore en ces temps de crise, une quelconque réparation d'ordre purement financier.La reconnaissance de ces évènements est tellement évidente qu'elle n'est même pas nécessaire.
Pour réparation, la solution la plus intéressante semble être le biais d'actions culturelles historiques aux fins d'information, prises en charge par l'Etat ou les collectivités dans le cadre de leurs budgets et compétences, et dans la mesure de ce qui leur est possible de mettre en oeuvre.
Il ne faut pas, de plus, tomber dans l'excès mémoriel, souvent sujet à tensions. Le danger est en effet de tomber dans un discours de victimisation propre à entraîner culpabilisation des ancêtres des esclavagistes, ce qui est le danger d'un investissement trop important de l'Etat dans ce domaine, que ce soit par la Loi purement déclarative, mais aussi la communication, voire l'éducation (qui doit conserver son caractère purement historique, objectif).C'est une affaire à suivre dans les choix qui seront adoptés en ce sens, et dont il ne nous faudra pas nous manquer d'en faire le bilan voire la critique.
Sources
Le figaro ;Le Monde ;http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'esclavagehttp://fr.wikipedia.org/wiki/Esclavage#D.C3.A9finitions_juridiques
Rémi Decombe.