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Au mois de juillet, sur ce blog, je vous avais parlé de ce recueil de nouvelles à la fois niçoises et fantastiques que j’étais en train d’écrire.
Aujourd’hui, je suis en mesure de présenter deux nouveaux extraits, preuve que l’ouvrage avance avec cinq histoires au compteur.
De ce jour, j’étais à moitié mort. Bien sûr, personne ne s’en rendit compte car j’avais les gestes de la vie. Pendant cinq années, je fus un demi-vivant tout à fait fréquentable. Les qualités relationnelles qu’on m’avait toujours reconnues étaient apparemment intactes. Elles étaient même valorisées, on disait de moi : « Quel courage, quand même, après ce qu’il a vécu… » Parfois, le commentaire était plus fielleux : « Il s’est quand même vite remis… » Mais rien ne pouvait m’atteindre car j’étais devenu indifférent aux choses, aux autres, plus rien n’avait d’importance sans Marlène. Me retrouver dans la boîte n’est pas traumatisant car il y a bien longtemps que j’ai fait la moitié du chemin. (Colomars, l'amour, la mort)
La vie n’avait pas été facile pour Mauricette depuis la mort de son mari, victime d’un accident du travail dès l’ouverture de l’usine de construction de chariots élévateurs construite sur la Prospect Lénine (ex « Promenade des Anglais ») lors du premier plan quinquennal. Il est vrai qu’à l’époque, on s’était moins intéressé aux dispositifs de sécurité de l’usine qu’à la grosse colère des camarades bulgares qui estimaient que, dans le cadre de la division internationale socialiste du travail, ils avaient le monopole de la production de chariots élévateurs. Après quelques réunions houleuses et l’arbitrage du Comecon, la querelle avait été réglée par le jumelage du Mont Vitocha, sur les hauteurs de Sofia, avec la colline du Château de Nice. Cet accord permit chaque année de donner l’occasion à des camarades responsables bulgares de venir reconstituer leur force de travail dans les somptueuses datchas de la Riviera, et chacun fut satisfait de ce gentleman agreement à la sauce internationaliste. (1er mai, Place Maurice Thorez)