Je suis assise dans une loge, à gauche de la scène. C'est étroit, mais on voit parfaitement. Les lumières diminuent, un des ouvreurs (oui, pour une fois, ça n'était pas une femme) demande d'éteindre les téléphones, et qu'il ne suffit pas de les mettre en vibreur, car ça s'entend. Evidemment, pendant la pièce, un téléphone vibrera, et tout le théâtre en profitera.
Le père, c'est Robert Hirsch ; la fille c'est Isabelle Gélinas. Tous les deux sont fantastiques, et en particulier Robert Hirsch. À 87 ans, il tient toute la pièce presque à lui tout seul. C'est incroyable de voir cet homme en scène : une grande majorité du texte est dans son rôle, et il bouge comme s'il avait 20 ans. Il émeut, et là est sa force. Les autres acteurs : Patrick Catalifo, Eric Boucher, Sophie Bouilloux et Elise Diamant sont aussi très bons, mais Robert Hirsch est imposant, on ne voit plus que lui.En ce qui concerne le texte, la structure est très travaillée. Nous sommes du point de vue du père : cet homme qui perd la tête, qui ne reconnaît plus sa fille, qui ne reconnaît plus son gendre. Il nous embarque, et nous fait perdre la tête avec lui. Isabelle Gélinas a un très beau rôle également : celui de la fille qui ne sait plus comment faire avec son père, lui qui ne peut plus vivre seul et qui ne veut pas d'aide-soignante.
En l'espace de deux heures, cette pièce fait rire, entre autres, par quelques répliques du père qui oublie sa montre tout le temps. Puis elle fait pleurer par son côté sombre, son côté réaliste, trop réaliste, qui en est troublant.
On se souvenait de La Vérité et de La Mère. Deux pièces qui avaient eu beaucoup de succès. Le Père, c'est certain en aura tout autant, sinon plus. Si les Molière reviennent — espérons le, car c'est tout de même un bon moyen d'intéresser un peu plus les gens au théâtre —, Le Père rejoindra alors peut-être La Mère...
Paris, le 23 octobre 2012.