La spécialité histoire

Par Gmcp13

J'ai choisi de vous faire profiter du témoignage collectif de cinq khâgneux(ses) ou ex-khâgneux(ses) historiens, issus de trois khâgnes différentes. Chacun a un parcours et un ressenti différent par rapport à cette spécialité que mon âme de philosophe qualifierait d'emblée de chiante et fastidieuse si elle ne craignait pas de se faire quelques ennemis. Nicolas et Marion sont actuellement en khâgne en tant que khârrés historiens. Eugénie et Eddie, après une seule khâgne en spécialité histoire qui leur a bien suffi, sont désormais à la fac d'histoire, en troisième année. Justine khûbe courageusement à mes côtés et a changé de spécialité pour sa troisième année de prépa. Merci à tous les cinq d'avoir bien voulu répondre à mes questions avec autant de spontanéité et de talent... Je trouve que vos témoignages se complètent et se rejoignent de manière assez spectaculaire, donc merci beaucoup et j'espère que cela pourra aider de futurs khâgneux dans le choix de leur spé.

Nicolas
1) Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à choisir la spé histoire ?J'ai choisi la spé histoire de façon instinctive. L'histoire, c'est ce qui me passionne depuis que je suis... en CE1 et j'ai toujours aimé. Malgré des fluctuations avec les lettres au collège et au lycée, l'année d'hypokhâgne a achevé cette envie. La spé histoire c'est bien, mais c'est une spé lourde. En plus du Tronc Commun histoire, j'ai 3 heures d'histoire spé et 4 heures de géo, donc deux programmes en plus. Loin de moi les regrets, je suis bien où je suis.
2) Comment trouves-tu le programme ?
En début d'année, le programme ne m'a pas emballé. Ouais, les Gaules romaines bon... c'est LE truc que tu fais depuis que tu fais du Latin en somme et que tu as vu rapidos en 6e. En définitive, c'est bien ! Non pas que tout est intéressant : savoir qu'il y a tant d'hommes dans une cohorte contre tant dans une manipule ou que tel impôt correspond à X sesterces, ouais bon. Mais en dehors de cela, je (re)découvre la période antique sous un nouvel aspect. Après, c'est compliqué quant à la prise de notes parce que le prof est assez... soporifique. Par conséquent, quelques somnolences par-ci par-là m'ont valu des espaces vierges ou des traces de Bic. Il n'empêche que je suis assez content de ce que je fais. Le problème avec la spé histoire en Ulm, c'est qu'on ne la passe qu'à l'oral... donc difficile d'apprendre régulièrement quand on ne passe l'épreuve que pour les oraux.
3) La spécialité est-elle plus difficile que le tronc commun ?
Non. L'histoire tronc commun est beaucoup plus exigeante. Cela est dû aux profs mais aussi à la forme des DS et de l'épreuve. En tronc commun j'ai des DM régulièrement, des DS tous les deux mois. En spé, j'ai fait un DM et un oral type concours au premier semestre... donc bon, idem. Le prof sait pertinemment que nos chances d'aller à l'oral ne sont pas grandes et qu'on privilégie d'autres matières dans la mesure où elles sont plus chronophages et demandeuses de boulot. En histoire spé, j'ai lu un livre pendant l'été, depuis plus rien, je me contente d'apprendre les cours. Chose que je ne peux me permettre en tronc commun parce qu'on ne peut pas tout voir.

4) Et la géo, plutôt fléau ou plutôt cool ?
En hypokhâgne, j'étais un de ces déchets que la géo n'intéresse pas et qui ne se formalise pas d'un 4 à son croquis de synthèse. Cette année j'adore. Par contre, et là c'est le gros point, la géo demande autant - voire plus - de boulot que l'histoire tronc commun. C'est 4 heures de cours par semaine, les notions et abréviations diverses à apprendre, les cartes de synthèse à faire, les croquis, les schémas, etc. La prof nous fait grâce de DM parce qu'elle sait que sa matière est une GROSSE matière. Mais bon. Après, c'est extrêmement intéressant, L'Aménagement des Territoires. Je ne regrette pas du tout d'avoir gardé ce lien avec la géo et je prends même du plaisir maintenant, qui l'aurait cru ? 

Eugénie
5) Tu avais un programme particulièrement chargé en histoire, comment as-tu vécu ce bourrage de crâne intellectuel ?
En préparant le concours de l'Ecole des Chartes, j'en ai bavé avec l'histoire: tantôt médiévale, tantôt moderne, tantôt contemporaine. J'adorais tout ça pendant les cours pour ma culture G mais moins lorsqu'il fallait réviser les khôlles ou les DS. Jamais assez de temps pour creuser les sujets, l'impression permanente de rendre des travaux bâclés. Je suis une fille sérieuse mais je ne recommencerais pas car il faut quand même être fort mentalement. À la fin de ma khâgne, je pétais vraiment les plombs. Le paradoxe: je ne regrette rien ! Parce qu'a posteriori, je vois que j'ai eu des bases solides qu'aucune autre formation n'aurait pu m'offrir. Des conseils, des remises en question constantes, des petits secrets de fabrication plus que précieux de la part de mes anciens profs que je me répète encore presque tous les jours et qui portent leurs fruits aujourd'hui.
6) Quelles différences par rapport à la fac ?
J'ai compris le bonheur d'avoir été khâgneuse le jour où je suis arrivée à la fac. Non la fac ce n'est pas le Club Med, il faut bosser mais c'est vraiment le pied ! Ça fait du bien à l'ego car on a enfin de bonnes notes, on a le temps pour faire des recherches, lire et surtout on a une méthode de travail en béton. Les profs ne nous demandent pas du "par coeur" mais de la réflexion (sisi en Histoire !). On voit beaucoup d'épistémologie, d'historiographie, on fait de vraies fouilles dans les archives à la bibliothèque du patrimoine, on interprète des images, tout cela à l'aune de la société dans laquelle on vit. Bref, on devient un vrai apprenti historien.

Eddie
7) Un jour tu m’as dit que la spé histoire, tu l’avais choisie car c’était la « solution de facilité », ce qui, sur le moment, m’a semblé aberrant. Pourrais-tu développer en quoi être en spé histoire a été pour toi une bonne planque ?
Si j’avais des doutes quant à l’image que je renvoyais à mes camarades khâgneux, me voilà fixé : je passe pour un glandeur. Il faut dire que cela est assez justement fondé : quand je suis arrivé en khâgne, les enjeux étaient pour moi assez limités, étant donné que je n’aspirais qu’à l’obtention de mes équivalences. Alors oui, je t’ai dit que la spé histoire était pour moi une bonne planque. Cela tient à plusieurs choses : tout d’abord l’indulgence sans limites à mon égard de notre cher prof de géographie, qui acceptait que je lui rende mes devoirs (presque) toujours en retard, y compris quand j’avais été absent au DS du samedi matin (je crois qu’il n’était cela dit pas dupe de mes excuses loufoques à ce propos). En cours d’histoire spé, je réussissais à avoir la moyenne avec peu de travail, mon absence d’esprit de sérieux et d’assiduité m’interdisant de préparer les textes d’une fois sur l’autre. En fait, j’ai très largement profité, voire parfois abusé de la pitié de mes camarades et de leurs âmes charitables, lesquels me passaient leurs fiches quand il s’agissait de réviser pour les petites interros régulières de Mr D. sur nos connaissances historiques ou partageaient avec moi leurs recherches bibliographiques. Je tiens à préciser que je leur en suis éternellement reconnaissant. Bref, les raisons pour lesquelles la spé histoire a pour moi été une « bonne planque » ne tiennent pas tant à la matière qu’au cadre spécifique dans lequel s’est déroulée ma khâgne.

Marion
8) Comment t’es tu adaptée à un deuxième programme dans une matière aussi lourde ?
Il est vrai que le choix de cette option était délicat car le fait de ne pas pouvoir faire seulement une matière en option mais deux (histoire spé + une autre comme pour ma part géographie). Mon emploi du temps est donc bien rempli avec les 7 heures d'options, qui demandent un travail personnel considérable mais je ne regrette pas mon choix car j'ai toujours été intéressée par l'histoire et la géographie. La question d'histoire spé est aussi très différente de la question d'histoire contemporaine, l'option exige un réel apprentissage des cours et du contexte avec des lectures supplémentaires obligatoires, suivies d'interrogations écrites fréquentes. L'histoire spé amène une autre épreuve : le commentaire de document historique, loin de la longue dissertation, qui demande une précision et une analyse pertinentes. Mais cela reste très enrichissant d'un point de vue des méthodes ainsi que dans les connaissances historiques.

Justine
9) Pourquoi avoir choisi de laisser tomber la spé histoire ?
J'ai choisi d'arrêter la spé histoire, en khûbe, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'énorme masse de travail que demande cette option. Alors oui, certes, en khâgne il semble assez logique d'avoir beaucoup de travail quelle que soit la matière; le problème c'est que les différentes options ne sont pas égales à ce niveau-là. La spé histoire demande un lourd investissement par rapport à d'autres matières. Trois heures, avec un programme chargé et contraignant, des DS à répétitions, des livres à lire et à ficher, des commentaires à préparer etc. C'est absolument chronophage, alors qu'on ne passe pas cette matière à l'écrit (mais seulement à l'oral). Parallèlement, les géographes doivent donc se payer quatre heures supplémentaire, deux programmes et tout ce qui va avec. C'est, en somme, vraiment une option "deux-en-un", donc quasiment deux fois plus de travail. Bref, c'est assez démotivant de bosser énormément une matière qui ne s'avère d'aucune utilité dans la perspective du concours (sachant qu'il est possible de choisir géographie à l'oral). Mon choix était donc vraiment stratégique, j'ai pu libérer trois heures précieuses dans mon emploi du temps, sans compter tout le temps en-dehors des cours que je peux consacrer à la philo ou la littérature -ce que je ne faisais pas vraiment l'année dernière. Je trouve étrange que cette option soit en somme aussi lourde, par rapport à certaines.

10) Pas de regrets ? Comment s’organise ton emploi du temps maintenant ?
Aucun regret. Comme je l'ai dit, j'ai vraiment plus de temps à consacrer aux matières principales, que j'estime être vraiment plus importantes pour le concours. Maintenant, mon vendredi après-midi est entièrement libéré, ce qui est très utile pour réviser le DS du samedi. Alors oui, je n'aurai pas d'équivalence en histoire à la fin de l'année, mais ça ne fait rien ; j'ai l'impression que ça n'en vaut pas franchement la peine. Et il me reste toujours mon autre option !