Bon d'accord, je décide de me laisser porter par la bonne ambiance flottante. On va tous se faire un bon diner, rester à la maison comme on nous le conseille, voila une bonne occasion de festoyer.
Samedi 27. Rien à signaler. On en parle, on en rigole, on spécule avec un fond de suspens.
Dimanche 28. Une copine d'une copine se fait déloger, elle est dans la zone àrisque, près de l'eau donc. Je pars moi aussi dormir chez une copine. On dine tous ensemble, ça ri, ça boit, ça s'amuse du petit vent qui va nous chatouiller les oreilles. On se couche en se marrant de tout ça, voyant la France entière nous sollicitant pour avoir des nouvelles de cette catastrophe. On se couche sans grande inquiétude.
Lundi 29. On se réveille tranquillement. Je reçois des appels de ma famille et de mes amis pour savoir comment ça se passe sur le "terrain". Je deviens envoyée spécial. Je rassure tout le monde. Néanmoins les cours sont annules, les métros sont fermés depuis dimanche soir et on nous conseille vivement de rester en sécurité et à l’abri chez soi. Les collocs de ma copine, pourtant coutumiers du fait, commencent à vider les bouteilles de bière avec pour seul et innocent but de les remplir ensuite d'eau et ainsi faire des réserves. D'ailleurs tous les contenants y passent. Je me prête au jeu et faire cuire 3kg de riz et cuisine un riz cantonais géant dans le doute où comme c'est annoncé on se retrouve sans électricité. Un peu dubitative quand même. On passe la journée a attendre que ça passe, a manger toutes les provisions de survie, a boire du vin, des bières, tout en faisant attention de ne pas être saouls, au cas oùça dégénère. Il faut rester maitre de ses moyens. On tue le temps à jouer au ping-pong et mater des films avec plus ou moins d'intérêt. Finalement, ce sont les collocs qui commencent à s'inquiéter, ce qui commence un tantinet à m’angoisser. Puis, je les vois dévisser toutes les portes de l'appart pour les fixer a coup de perceuse aux fenêtres. Toutes les fenêtres y passent Je fais face a un vrai danger, me dis-je. Je coopère, tenant frileuse la porte pour aider mon prochain à la clouer aux parois des fenêtres et ainsi contribuer a notre survie. Forcément. L'ouragan est finalement annoncé pour la fin de soirée. On fini par ne plus y croire et on fini surtout par ne plus en pouvoir. Qu'il arrive cet ouragan et qu'on en finisse, pensais-je bien fort. Ca commence à bien faire. 23h. En effet, on commence à sentir le vent souffler, les fenêtres tremblent sous la force du vent, on s’écarte des fenêtres et on entend des abrutis qui s'amusent à affronter sur le « rooftop » la Sandy en furie. Nous, nous sommes réunis entre trouillards et nous restons sagement dans notre appart cosy aux fauteuils confortables a mater des films sur projecteurs géants et on se dit : "on n'est pas bien là, hein!?". Bref, on part se coucher en se disant tout de même que ça soufflait mais que ce n'était pas si terrible.
Mardi 30, 9h. Sur mon portable : 6 appels, 4 sms, 1 message vocal et 26 notifications Facebook. J'essaie de jeter un œil par la fenêtre, ah mais non y’a des portes à la place des fenêtres. Mes amis, ma famille mais aussi bien des gens que je n'ai pas vus depuis la maternelle et même mes amis virtuels s'inquiètent et attendent des news. Je me connecte au monde en allumant mon ordinateur.
Bilan des dégâts : on compte déjà des dizaines de décès, Manhattan est dévasté et plongé dans le noir, des dégâts matériels, arbres déracinés, poteaux électriques arrachés, voitures emportées par la montée des eaux, magasins inondés… Sandy sème l’angoisse à New York. J’appelle et je notifie à tout le monde que je vais bien, qu’ici tout va bien. J’appelle aussi mon amie qui vit dans l’East Village. Elle est plongée dans le noir, sans chauffage, sans boulot puisque les deux restos où elle bosse sont submergés, sans réseau aussi donc très difficile de la joindre. Tout un quartier est sou l’eau et des milliers de vie en suspend. New York, une ville qui flotte, une ville au ralenti, une ville blessée par Sandy. Un nom bien cheap pour un des ouragans les plus couteux après Katrina en 2005. On n’a vraiment pas l’impression de vivre la même chose et dire qu’on a une station de métro et un pout qui nous séparent. Le soir même je monte sur le toit de l’immeuble pour voir Manhattan plongé dans le noir. C’est un fossé obscur, éteint et coupé du monde. C’est irréel d’être le témoin d’un New York endormi, forcé de s’assoupir. Pendant les trois jours qui suivent, la vie se fait au ralenti, toujours pas de métro, les bus sont plein àcraquer, les magasins fermés et pour ceux qui bravent l’obscurité, on s’éclaire à la bougie ou à la lampe torche pour faire ses courses. Je reste à Brooklyn, ici où la vie respire la quiétude alors que de l’autre côté du pont de Williamsburg, les habitants se démènent pour trouver des solutions pour se chauffer, manger et aller au boulot coute que coute.
Aujourd’hui, vendredi 2 novembre. Une partie du réseau sous-terrain reste fermé, plus de 600.000 personnes sont toujours sans électricité, on s’organise pour dormir chez des amis, pour être au chaud et on se solidarise entre voisins. Quelques habitants se plaignent du manque de policiers avec la peur d’une recrudescence de la criminalité. New York n’est pas la seule àêtre touchée, il y a le New Jersey qui compte 13 décès. Mais aussi les Etats du Maryland, la Pennsylvanie ainsi que Toronto au Canada. Sans oublier plus de 200.000 sinistrés en Haïti qui attendent toujours de l’aide.
A nu mais pas complètement à poil, New York retrouve ses couleurs, sa frénésie, son énergie et reprend vie, petit àpetit. On nous avait prévenus.
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