Rien ne s'oppose à la nuit

Publié le 21 octobre 2012 par Sebulon
Rien ne s’oppose à la nuitDelphine de ViganÉditions Jean-Claude Lattès (2011)

Dans ce roman, Delphine de Vigan rend hommage à sa mère, qu’elle a découverte chez elle, morte depuis quelques jours, suicidée. Les mois passent, le malaise persiste. L’auteur peine à terminer son livre en cours, elle n’a que sa mère en tête et se décide finalement à écrire sur elle. Elle interroge les frères et les sœurs de Lucile, consulte des archives familiales, visionne des films et des photos et se lance : elle raconte l’enfance de Lucile, troisième enfant de Georges et Liane, qui en élèveront neuf, dans la période de l’après-guerre. Une famille en apparence unie et aimante, joyeuse et bruyante mais qui comme toutes les familles, cache des failles et vit ses propres drames.


Lucile se marie avec Gabriel, ils ont deux filles. Puis ils se séparent. Le comportement de Lucile devient inquiétant, elle met ses filles en danger et doit être internée, en raison de troubles bipolaires.


Autant la romancière s’est effacée dans la première partie de son roman lorsqu’elle raconte l’enfance de sa mère, autant elle reprend sa place de fille dans l’histoire de Lucille dès qu’elle y apparait elle-même et en devient l’un des personnages principaux. Elle raconte son enfance chaotique, ballottée entre ses parents, déconcertée par le comportement de sa mère. Son évocation de la maladie maniaco-dépressive fait froid dans le dos mais c’est aussi un des intérêts de ce livre : raconter de l’intérieur les effets de ce trouble dans la cellule familiale, ou du moins dans ce qu’il en reste. Un autre intérêt de ce récit, c’est le point de vue de l’écrivain : Delphine de Vigan raconte ses difficultés à écrire dans la période qui suit la mort de sa mère, elle dit ses scrupules à se lancer dans l’aventure de ce roman, elle relate l’enquête minutieuse qu’elle doit mener pour extirper du passé des souvenirs que certains voudraient occulter. Elle prend le risque de déplaire à ses oncles et tantes. Mais l’écriture de ce livre est un besoin impérieux, comme un exorcisme.
Pour de nombreuses raisons, ce livre a été un coup de cœur, et en même temps, une épreuve, tant les sujets abordés sont poignants et sensibles. J’ai trouvé que Delphine de Vigan avait un sacré courage de s’attaquer à son histoire familiale et de revivre à travers l’écriture les moments douloureux de son enfance et de son adolescence.
Ecoutez Delphine de Vigan parler de son livre sur France-Info dans la chronique de Philippe Vallet.
Consultez les avis de Sylire,  Clara et l'Irrégulière.
Extrait page 84 :
L’homme que j’aime, dont l’amour se heurte parfois à mes absences, s’est inquiété, il y a quelque temps, de me voir entreprendre ce travail. C’est ainsi en tout cas que j’ai interprété sa question, posée avec une certaine prudence : avais-je besoin d’écrire ça ? Ce à quoi, sans hésitation, j’ai répondu que non. J’avais besoin d’écrire et ne pouvais écrire rien d’autre, rien d’autre que ça. La nuance est de taille !
  Extrait page 298 : 
Approcher Lucile, avec toutes les précautions du monde ou à bras raccourcis, c’est aussi approcher les autres, les vivants, au risque d’ailleurs de m’en écarter. À ma sœur, j’ai demandé comme aux autres de me parler de Lucile, de me prêter ses souvenirs.