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- Raison 1 : Les jeunes n’ont plus confiance en l’Europe
Pour beaucoup de jeunes européens, notamment dans les pays qui subissent le plus la crise, l’Europe est un cauchemar. Les jeunes espagnols, grecs, italiens, et de plus en plus les français, n’ont plus l’air de faire confiance à l’Europe. Elle ne porte plus les espoirs d’il y a 30 ans, de prospérité et de sécurité. Son instabilité est devenue anxiogène.
- Raison 2 : Les jeunes subissent la crise en premier alors qu’ils ne l’ont pas causée
Cette crise a été causée, non pas par les États, mais par les banques. Ces mêmes banques qui sont réfractaires à toute régulation, qui ont fauté lourdement, qui ont créé des bulles et les ont laissé s’éclater. Face à quoi, les États les ont aidées sans même demander de contreparties. Les récents documentaires d’Arte sur Goldman Sachs et la finance folle le montrent très bien. Ils ont d’ailleurs enregistré des taux d’audience records. Dans cette histoire, les jeunes et les séniors ont été laissés sur le bas côté, car jugés insignifiants. Ils représentent plus de 50% du chômage en Espagne et en Grèce, 22,7% en France — qui est aussi la moyenne européenne —, et ces chiffres continuent d’augmenter. La pauvreté chez les jeunes elle aussi atteint des sommets, rendant difficile l’accès à la santé, à une alimentation saine, à un logement décent, etc. Les jeunes sont, depuis 30 ans, la variable d’ajustement des crises.
- Raison 3 : L’Europe est diverse et divisée
J’ai participé à l’émission « Let’s talk Europe » sur Arte il y a quelques semaines et j’ai eu la chance d’écouter les jeunes des 26 autres pays. A les entendre, l’espoir et l’optimisme sont fragiles. Tout comme dans les réunions au sommet, l’unité se fait rare. Les opinions sont contradictoires. Certains d’entre eux, habitant des pays récemment entrés en Europe, comme les pays Baltes, paraissent plutôt satisfaits. Alors qu’à contrario, les jeunes des pays fondateurs de l’Europe se sentent mis de côtés, délaissés ou incompris.
- Raison 4 : La stratégie de l’Europe est incomprise
L’Europe n’arrive plus à faire adhérer à son projet. Les jeunes ont l’impression de ne pas avoir la main sur leur destin, que l’Europe les laissent de côté. Aucun filet de sécurité contre le chômage n’existe vraiment, peu de sécurité sociale, des programmes comme Erasmus qui risquent de s’arrêter pour des raisons budgétaires et par manque de volonté politique, alors qu’ils favorisent les échanges interculturels. L’Europe est devenue une institution de comptables, juste prête à gérer les crises sans les avoir vu venir, et sans vision d’avenir ni véritable stratégie de relance de l’économie.
Faut-il pour autant être résigné ?
La réponse est bien évidemment non.
Je fais partie d’un collectif de jeunes citoyens, Génération Précaire, qui essaie de lutter contre la précarité des jeunes en France sur le terrain de l’insertion professionnelle, notamment à travers la question des stages. Des stages qui participent à détruire des emplois et favorisent la précarité plutôt que l’obtention d’un CDI, Saint Graal des jeunes. Dans d’autres pays d’Europe, les jeunes se prennent en main à défaut d’une Europe qui les soutienne. Des groupes, des collectifs, des associations de jeunes comme Génération Précaire réfléchissent et agissent. Le rêve de l’Europe, les jeunes se le construisent eux-mêmes en parallèle des institutions. Nous sommes incompris et ignorés par les décideurs alors nous prenons collectivement notre avenir en main. Les indignés en Espagne mettent en place des systèmes locaux de solidarité. La solidarité familiale fait son retour. Beaucoup de jeunes espagnols rentrent au pays et chez leurs parents. Moi même j’ai dû attendre d’avoir 25 ans et une situation plus stable pour être locataire et quitter le foyer familial.
Mon rêve européen
Mais alors ? Quel est mon rêve européen en tant que jeune ? Ce serait une Europe qui me protège en cas de crise, qui me permette de vivre décemment, d’avoir un boulot stable [1] . Une vraie Europe sociale. Une Europe qui favorise la création d’emplois réellement d’avenir, qui soutienne les secteurs d’avenir que sont le numérique et la transition écologique. Une Europe qui voie le long terme au lieu de simplement gérer le présent en favorisant les banques au détriment de ses citoyens.
Cette Europe, je souhaiterais qu’elle se fasse avec nous et pas contre nous. Pourquoi l’Europe ne pourrait-elle pas faire une grande consultation auprès des jeunes ? La plus large possible. Elle en sortirait grandie. Les institutions européennes pourraient lancer un appel à propositions aux jeunes et mettre en place des mesures pour nous écouter. Pourquoi ne pas faire comme en Islande et demander aux jeunes, à travers les réseaux sociaux, leurs propositions pour une Europe qui leur convienne ?
L’Europe que je rêve de voir c’est celle-ci. Une Europe qui nous écoute et qui nous demande notre avis, nos idées, nous accompagne pour que l’on puisse vivre décemment, pour que l’on puisse s’épanouir. Que notre futur ne soit pas hypothéqué. On en est loin mais je suis un européen convaincu et j’y crois. Un jour cela arrivera.
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Texte tiré d’une intervention prononcée aux Rencontres européennes de Luxembourg, le 20 octobre 2012.