De temps en temps on tombe sur un passage dans un article qui semble fait pour nous, alors qu'en fait ce n'est pas le cas. Ça m'est arrivé il y a quelques temps avec une publication sur le système de santé américain. L'auteur, Peter J. Neumann, y parle des discussions de coûts de la santé. L'article complet est disponible en accès libre ici. Mais je vous traduis un passage:
"Le débat reflète une difficulté plus profonde aux Etats-Unis autour de comment gérer - et discuter - les coûts des soins de santé. Les leaders politiques américains se donnent en général du mal pour assurer les citoyens que les réformes proposées dans la santé ne vont pas réduire leurs prestations ni limiter leurs choix. Les coûts des soins de santé sont un problème important, admettent-ils, mais la manière de sortir du dilemme est de fournir des soins plus efficients, plus efficaces, plus sûrs, et de limiter le gaspillage.
Il y a une solide logique dans ces arguments, même au delà de leur avantage politique évident. La recherche montre de la non adhérence aux guidelines cliniques, les variations dans les pratiques de soins, les erreurs évitables, et des hospitalisations non nécessaires. Il y a de très bonnes raisons d'être plus intelligents dans la manière dont nous fournissons et payons les soins de santé.
Le problème est que personne dans une position de responsabilité ne semble prêt à admettre que contrôler l'augmentation des coûts va aussi signifier des choix difficiles. Comme société, nous ne pouvons pas fournir un accès illimité et des choix illimités aux patients. Une meilleure qualité, même si elle est vitale, ne va pas changer cette réalité."
Ce débat, on l'a de temps en temps en Suisse aussi, bien sûr. Et encore plus souvent, on évite de l'avoir. Du coup, j'en profite pour vous signaler un très bon article dans Le Temps, qui tente d'en aborder quelques points. Francesca Sacco y décline les difficultés, et les variations, que nous avons en Suisse pour l'évaluation de combien peut coûter une thérapie. Elle y pointe comment nos incertitudes et les méchanismes que nous avons mis en place dans notre pays comportent des risques réels pour la justice de notre système de santé. Un bon article, qui pointe des problèmes qui devraient nous importer beaucoup.
Elle m'y cite de manière un peu inexacte, au passage. Cela peut arriver, mais ici c'est d'une manière qui mérite correction. La phrase est la suivante:
"Les études scientifiques manquent certainement, mais elles ne nous dispenseront jamais de nous interroger sur cette question éminemment citoyenne, qui est de savoir ce que nous sommes prêts à payer pour la santé ou la vie d’une personne. Il semble plus facile de se retrancher derrière des arguments rationnels que d’admettre qu’on n’est pas disposé à payer ceci ou cela."
Plutôt que 'rationnel', il faut ici dire 'techniques'. C'est derrière des arguments techniques, que trop souvent on se retranche. Des arguments rationnels, ce serait bien...c'est trop souvent ce qui manque dans ce débat justement. Car malheureusement, les arguments techniques ne sont pas toujours rationnels. Les anglophones utilisent une image pour illustrer cette différence. Lorsque l'on discute chez eux de détails techniques sans voir l'enjeu, ils appellent cela "réarranger les chaises longues sur le Titanic". On peut faire cela de manière techniquement parfaite, cela n'en fait pas un enjeu ni une action rationnelle. Si l'on revient aux coûts de la santé, c'est un débat qui en nécessitera justement beaucoup, de la raison. Reste à savoir si nous y parviendrons...