Après FX et son American Horror Story, NBC et la série Grimm, c‘est au tour d’ABC de se lancer dans la série qui fait peur avec 666 Park Avenue. Regarder des films d’horreur ferait maigrir. C’est du moins ce que révèle une étude britannique parue sur l’Express.fr, cette semaine[1]. Malheureusement, ce n’est pas la série de David Wilcox qui va nous faire perdre un gramme. En cinq épisodes la série a perdu 38% d’audience et il y a fort à parier qu’elle ne passera pas l’hiver. Dans un paysage télévisuel aussi riche que celui dans lequel nous vivons, un casting prestigieux, un budget phénoménal et un titre alléchant, ne suffisent plus pour faire une bonne série. Sans vous gâcher le plaisir de la déception, portrait d’une série effrayante d’ennui.
Jane (Rachael Taylor – Charlie’s Angels 2011) et Henry (Dave Annable – Brothers & Sisters) charmant petit couple venu de Kokomo, Indiana, sont engagés comme managers du Drake, un immeuble chic de l’Upper West Side, situé au 999 Park Avenue. Elle est passionnée d’architecture, il travaille au bureau du maire, ils sont beaux, ils sont naïfs, ils s’aiment et veulent réussir à New York. 10 minutes qu’on les a rencontré et ils nous saoulent déjà. Le propriétaire de l’immeuble Gavin Doran (Terry O’Quinn – Lost) et sa femme Olivia (Vanessa Williams – Desperate Housewives) vont prendre le petit couple du Midwest sous leurs ailes et les « aider » dans leur nouvelle vie citadine. Mais bon, on sent bien que si l’enfer est pavé de bonnes intentions, les motivations des Doran ne sont pas très catholiques.
N’est pas Kubrick qui veut. Il ne suffit pas de montrer de grands couloirs capitonnés et des enfants livides pour devenir le nouveau Shining. Le manque d’imagination des réalisateurs de la série est effrayant et n’a d’égal que la pauvreté des effets spéciaux. On ne compte plus les plans de dos dans le noir (Bouh, attention, il y a quelqu’un derrière toi !) et les longs plans au ras du sol, façon tiens y’a un truc qui rampe. Le show manque cruellement de subtilité et les grands maîtres du suspens, à qui il tente péniblement de rendre hommage, doivent se retourner dans leur tombe (ce qui remettra Stanley dans le bon sens s’il a vu le remake de Shining avec Rebecca de Mornay). On ne peut pas dire que l’écriture rattrape ces défauts. Cette histoire de maison hantée (parce qu’on ne va pas se mentir, ça ne va pas beaucoup plus loin que ça) aurait de l’intérêt si les personnages étaient plus creusés.
Slow as Hell.[2] Dans toutes les séries, le téléspectateur a besoin d’un substitut (audience surrogate), c’est-à-dire un personnage auquel on s’identifie et qui va nous faire avancer dans l’intrigue. Dans 666 Park Avenue, c’est à travers le regard de Jane que nous sommes supposés découvrir le Drake et ses mystères. Et si elle se pose beaucoup de questions, le problème, c’est qu’elle est particulièrement lente à la détente. A peine installée, dans leur appartement de fonction (un 450m2 sur Park Avenue gratos, rien que ça devrait lui mettre la puce à l’oreille), Jane commence à voir des trucs suspects qui font peur (enfin qui faisaient peur la première fois qu’on les a vus en 1980) mais ne s’affole pas plus que ça (qui n’a jamais eu une fillette fantôme sous son lit !). Elle est aussi adepte de cette étrange manie qui consiste à descendre au sous-sol en plein milieu de la nuit parce qu’elle a rêvé de murs qui saignent. Bref, difficile de s’identifier. Les personnages secondaires sont trop grossiers pour être attachants, on s’ennuie et on se fiche un peu de savoir si ils survivront jusqu’à la pub. D’autant que le show ne repose finalement que sur le temps que Jane et Henry vont mettre à réaliser que les Doran sont quand même des gens très bizarres et que les cauchemars de Jane ne sont sans doute pas uniquement dus au stress ou à l’abus de Pinot Grigio. Et on sent bien qu’ils ne sont prêts de percuter, les tourtereaux.
Ne jetons pas Rosemary’s baby avec l’eau du bain. Cette série a quand même du potentiel. Ne serait-ce que grâce à Terry O’Quinn et Vanessa Williams qui incarne un couple diaboliquement ensorcelant. Regard de glace et sourire trop franc pour être honnête, le John Lock de Lost est parfait dans ce rôle de vilain dont on ne sait pas s’il est le diable lui-même, son instrument ou sa victime. Dans cette série si manichéenne, ça fait du bien d’avoir des personnages un peu nuancés. Plus on apprend à les connaître, plus le mystère s’épaissit autour d’eux et l’on ne sait pas si l’on doit les aimer ou les craindre. Le casting est irréprochable, (la présence en guest d’Enrique Murciano – FBI Portés Disparus – me fait sans doute perdre un poil d’objectivité) et les décors sublimes. Reste à espérer que les chutes constantes d’audiences forcent les scénaristes à redresser la barre et à nous offrir une histoire plus consistante que cette série sans âme avant que la chaine ne l’envoie au Diable.
[1] http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/regarder-des-films-d-horreur-ferait-maigrir_1180826.html
[2] Lent comme l’enfer