La fleur araignée (T'en veux du glauque?)

Publié le 03 novembre 2012 par Alexcessif

Ma dernière araignée, je l'ai connue à Barcelone, dans la bodega de Jacinto.  Pour la huitième fois l'alcool traçait une virgule brûlante dans mon œsophage comme une allumette égratigne de soufre le frottoir. Je retournais mon verre et le déposais à l'envers sur le comptoir. Sept déjà alignés sur le vernis du rade rognés par d'autres tequilas, le cul épais comme une loupe, attendaient, dessinant des zéros pour une addition impossible.
Un peu groggy j'avisais une bimbo fraîchement repeinte décroisant ses jambes au sommet d'un tabouret. Posée sur le skaï, une mygale apparut dévorant le triangle de satin blanc de son slip.
En ce temps je n'étais pas arachnophobe et je suivi dans l'escalier cette sirène tarifée, haletant et la grande aiguille 
de ma boussole de caleçon indiquant le nord . Elle m'a dit : "tu crois au coup de foudre? -   à fond! tac-au-tac ai-je.
- dans ce cas lève la main droite et jure-moi d'aller disperser mes cendres sur Mars.
- le voyage va prendre un peu temps, digressais-je.
- épargne-moi les détails!"
j'ai juré!
Elle n'avait besoin que d'un prétexte pour s'agenouiller, 
religieuse, communiante. « Prends, ceci est mon corps ! Avale, ceci est mon sang ! J'avoue, j'en ai bavé, j'aime une clèome spinosa et les jardins mal fréquentés!
En partant j’ai lâché un billet au chevet de la table entre une bouteille vide et un cendrier plein sans doute ému par un dessin d’enfant-un-week-end-sur-deux épinglé au mur. 

Clè
Clèome spinosa: la fleur araignée.


Il pleuvait! Jachère et décadence suivirent  ma parenthèse tégénaire chez Jacinto et je traçais le coeur en friche dans le bario consentant à me faire dévorer à nouveau par l'amante religieuse sans autre ambition que devenir le mari de la veuve noire. J'avais enfin réussi à la "loger", juste à temps le vingt et un décembre vers minuit de ce putain de calendrier! J’ai garé la Chevrolet  entre une vieille Clio et l'arche de Noé. Malgré le déluge, le goudron fondait avalant un SDF enlisé lentement par le sable mouvant du trottoir sa 8.6 à la main et une fissure gigantesque ouvrait la rue en deux comme si Armageddon hésitait entre deux différents final cut. Des maisons copié/collé d'un lotissement jaillirent des hordes de nains fringués comme Harry Potter. Spiderman chancelait sous les coups de Doc Octopus et Peter Parker prenait des photos pour son blog. Le joker et sa bande de nains se ruèrent à l'assaut d'un magasin Toy's R' us la Kalachnikov à la main tandis que Batman poussait sa mobylette en rade. Catwoman à quatre pattes subissait en miaulant les secousses d'Iron Man accroché à ses hanches. Une meute de chien coursait un loup garou et Dracula faisait la queue pour donner son sang. Allées Gaudi le Mac Do flambait, bien fait pour sa gueule, et quatre cavaliers de l'apocalypse brûlèrent le feu rouge devant la Sagrada Familia.  Le ciel tagué de fumées noires épelait le jour et l’heure de ce putain de calendrier.  En zoomant l’écran de mon GPS  je vis que les rues n’étaient que les fils d’une toile d'une ville en spirale. Un lapin blanc me confirmant en branlant du chef que j’étais dans la matrice. En fond sonore mon taulier me parlait de CA. In petto, je passais en mode tortue tentant d’aller sans dommage du point du jour au crépuscule  qui , de toutes façons, n'en avait plus pour longtemps.  Ne pas bouger, surtout ne pas bouger ! Impossible: La rue collait à mes chaussures.    Mon immobilité ne servit pas  : je représentais une belle aubaine en protéine pour la bête alertée. Je la vis immense, érigée face à moi , fêlure géante, rosée, le bord des grandes lèvres légèrement velues,  juste ce qu'il faut. Les femelles de mes rencontres étaient souvent et sans peine plus grandes que le petit mâle dominant que je suis et le dimorphisme sexuel n'était pour moi qu'un défi augmenté.  Je me préparais au corps à corps, ce fut un bouche à bouche.  Sans langue de bois pour ne pas choper d'échardes nous parlâmes le même langage d'une langue vivante vers le consentement d'un plaisir mutuel. La belle est la bête! Elle est moi! Tandis qu’elle fondait dans ma bouche, j’arrosais généreusement ses amygdales débordées par l’altérité de nos deux désespoirs. Je jetais un coup d'oeil à ma tocante molle de Dali dont les aiguilles ne tournaient plus dans le sens du temps. Dehors, la nuit était noire de monde*, les vents étaient contrariés, la Chevrolet conduite par mon moi alternatif manœuvrait pour un créneau entre une vieille Clio et l'arche de Noé débarquait sa ménagerie. La pluie revenait dans les nuages et la fumée des cigarettes des piétons qui marchaient à reculons faisait des volutes à l'envers retournant dans leurs cylindres de papier. Le lapin blanc, le gilet de travers  et sa montre à gousset explosée, soulevait la jupe d'Alice au pays des merveilles. Quelqu'un, quelque part dans la matrice avait clické sur "Delete"!
Bonne pioche: le temps rebroussais chemin et moi, j'allais rajeunir.
* excellente émission de nuit chez France Musique!