Interview : Daniel Joutard, créateur de la marque de cosmétique bio et éthique Aïny

Publié le 29 octobre 2012 par Ecocentric

Fondateur de la marque de cosmétique bio et éthique Aïny et à la tête d'un des laboratoires de formulation bio les plus pointus de France (du Monde ?), Daniel Joutard est un acteur incontournable de la cosmétique bio française.
Il a accepté de répondre à mes questions, bonne lecture !
Pour ceux qui ont le tort de ne pas encore connaître Aïny, peux-tu nous présenter brièvement la marque et sa philosophie ?
Aïny, c'est la marque aux plantes sacrées ... Nous travaillons sur les plantes utilisées par les guérisseurs d'Amazonie et des Andes dans leurs rituels. Il n'y a pas de hasard, ces plantes sont toujours très actives biologiquement (cicatrisation, anti-inflammation ...). Nous en révélons le pouvoir dans notre propre laboratoire situé place de la République. Notre recherche est orientée par Jean Claude Le Joliff, l'ancien directeur de la R&D de Chanel.
Bien sûr, ce travail doit se faire dans le respect des peuples autochtones qui travaillent avec nous. Nous les informons du but de nos recherches, nous demandons leur autorisation de les réaliser et leur reversons 4% de nos ventes pour avoir le droit de valoriser leurs connaissances et leur histoire dans nos produits. Nous ne déposons jamais de brevets liés aux plantes car celles ci doivent rester libres, sans que quelqu'un se les approprie d'une manière ou d'une autre. 




Daniel Joutard, créateur d'Aïny
Ethique, équitable, bio, made in France… Aïny est irréprochable ! Quel est le message qui te semble aujourd’hui résonner davantage chez les consommateurs français ? 
Nous ne sommes pas irréprochables et je pense qu'il faut rester très modeste sur les questions d'éthique. Nous essayons de faire les meilleurs produits possibles en qualité, efficacité, éthique et notre obsession c'est ce que nous pouvons mieux faire encore sur ces trois dimensions.
Le refus des brevets liés aux plantes, la reconnaissance et le respect des savoirs traditionnels des peuples autochtones sont notre combat sur la dimension éthique.
Donner le temps aux plantes de grandir sans artifices chimiques, savoir les ramasser quand leur activité est la plus forte, savoir les préparer pour qu'elles soient le plus efficace ... pour moi c'est ça le luxe authentique. Respecter cela est aussi évident que le respect que l'on doit à un grand chef étoilé où à l'artisanat d'art qui fait le luxe français. On doit payer ce travail un prix juste non pas pour les aider mais parce que cela le vaut (bien!). 



Récolte des Achiotés qui entrent dans la formulation des soins bio apporteurs d'éclat Aïny
Malgré une prise de conscience sur toutes ces problématiques de plus en plus partagée, quelles sont les difficultés rencontrées par une petite marque de beauté bio aujourd’hui ?
Nous avons les mêmes défis que les autres PME de la cosmétique dans un contexte économique compliqué. Sauf que dans notre cas, nous travaillons sur des plantes rares dont nous créons les filières d'approvisionnement. Nous sommes donc très sensibles aux rythmes de la nature. Il y a 3 ans il nous est arrivé que des plantes donnent peu de fleurs et donc peu de fruits dont nous tirons un extrait. Nous sommes tombés en rupture et nous avons du attendre quatre mois une nouvelle récolte. C'est frustrant au début mais cela nous oblige a anticiper et à croître harmonieusement. 


Label entreprises du patrimoine vivant, fonds publics pour accompagner les jeunes styliste dans la création de leur marque... les pouvoirs publics multiplient les initiatives micro-sectorielles mais rien ne semble prévu pour le bio. Est-ce que le gouvernement n’oublie pas un peu un secteur d’avenir, créateur d’emploi et prometteur à l’export ? 
Je ne suis pas sûr ... Le bio est un secteur d'avenir quand il sait innover, se remettre en question. Et il y a différents mécanismes d'appui à l'innovation (le Crédit Impôt Recherche, les subventions d'Oséo ou des régions comme l' Île de France). La tendance est plutôt à leur renforcement. 

Le Sacha Inchi, l'une des plantes sacrées de la cosmétique bio Aïny
Ces difficultés n’empêchent cependant pas d’avancer ! Quels sont les actualités et les projets futurs d’Aïny ? 
Nous lançons un sérum ultra prévention grâce à une double innovation. Nous travaillons depuis longtemps sur une nouvelle plante, la guayusa, qui est non seulement une des plantes connues les plus concentrées en caféine mais qui est également très riche en polyphénols, de puissants actifs anti-âge. Sauf que ces actifs se dégradent à la chaleur, donc nous avons réussi à créer une émulsion, à froid, sans chauffer les ingrédients. C'est inédit en bio à ma connaissance. Cela permet de préserver les actifs (comme en cuisine !) mais aussi de consommer moins d'énergie pour fabriquer les produits et donc d'être écologiquement plus performant. Il nous a fallu plus de 3 ans pour mettre au point ce procédé.
Nous continuons aussi à explorer les traditions de massages des Andes et d'Amazonie que nous commençons à proposer dans des hôtels 5*.


Tous mes remerciements à Daniel Joutard pour son accueil et ses réponses passionnées et passionnantes.La gamme Aïny est à découvrir sans attendre sur notre boutique de cosmétique bio Ecocentric.