Il y a, dans Bréviaire de cinéphilie dissidente et Les Images secondent, tout le paradoxe du cinéphile. Le cinéphile aime simplement le cinéma parce qu'il lui plait de voir des films - mais dans le même temps, les films qu'il aime voir sont autant de contributions à l'idée de plus en plus précise qu'il se fait du cinéma. Les deux livres de Ludovic Maubreuil sont à la fois ceux d'un collectionneur assoiffé et ceux d'un juge implacable. Il semble avoir tout vu, littéralement, mais il ne se défile pas quand il s'agit de choisir, de discriminer, de définir ce qu'est un film qui va jusqu'au bout de ses ambitions. La structure des deux livres, en forme d'abécédaire, est à l'image de cette apparente opposition : c'est à la fois une agglomération plus ou moins aléatoire et le déploiement d'une logique invisible, où certains motifs reviennent comme une obsession - l'altérité, le cinéma témoin de la singularité des choses, la mise en scène comme articulation de ces choses dans un univers que l'on connaît ou que l'on découvre, ou encore l'impossibilité même de cet univers au profit de ce que John Cowper Powys appelle "un multivers pluraliste aux horizons infinis". Autant d'idées qu'on ne peut que partager, tout en étant ravi de les voir surgir d'analyses toujours surprenantes et judicieuses.
PS : L'avantage avec Ludovic Maubreuil, c'est qu'il a aussi un blog.