Après plusieurs semaines de silence (et peu de lectures malheureusement), voici un compte-rendu du roman La Dame n°13 écrit par un auteur cubain que j’apprécie beaucoup, José Carlos Somoza.
» Nous travaillons avec la mort chaque fois que nous faisons de la poésie. »
Ce roman, sorte de thriller fantastique, présente un monde où la poésie est reine. Plutôt intéressant, non ? Mais qui dit souveraine dit parfois despote… La poésie, et plus exactement les dames qui lui sont associées, est synonyme de pouvoir, parfois même de cruauté et de torture.
Tout commence lorsqu’un professeur de lettres un peu perdu, Rulfo Salomon, et une prostituée hongroise, Raquel, se rendent compte qu’ils font le même cauchemar et se retrouve devant le perron de la maison qui hante leurs nuits. C’est alors qu’ils tombent dans les filets de « la secte des dames » lesquelles sont prêtes à tout pour remettre la main sur une figurine leur permettant d’annuler définitivement le lien qui les attache à une compagne qui les a trahies. Le lecteur croise des créatures merveilleuses, ces fameuses « dames », mi muses mi sorcières, qui n’ont de cesse de chercher le vers qui fera leur permettra de contrôler à nouveau l’ordre du monde.
Les dames sont donc des être capables d’inspirer les poètes. Mais toutes les muses aimées par les apprentis Orphée ne sont pas toutes des sorcières… Il en existe seulement treize et justement la dernière qu’il s’agit de retrouver dans ce roman.
La poésie est un art qui ne pardonne pas. Elle est sans limites, peut consacrer mais peut aussi détruire instantanément celui qu’elle touche. Bien sûr, seuls quelques grands auteurs ont écrit des vers assez puissants pour faire régner le chaos. Méfiez-vous de Shakespeare, il paraît que c’est l’un des poètes les plus dangereux… Dans son genre, Emily Dickinson, bien qu’elle soit nettement moins connue du grand public, possède un verbe tout particulier… La question de la poésie comme chant, en tout cas comme parole prononcée, est centrale dans ce roman. Un vers ne peut réellement devenir dangereux que s’il est dit avec suffisamment d’intensité, par les dames qui n’ont de cesse de s’entraîner à retenir le pouvoir incantatoire des mots.
« Un poème est une forêt pleine de pièges. On parcourt les strophes en ignorant qu’un seul vers , un seul mais c’est suffisant, se fait les griffes en vous attendant. Peu importe qu’il soit beau ou non, qu’il possède une valeur littéraire ou en soit totalement dépourvu : il vous attend là, gorgé de venin, scintillant et mortel, avec ses écailles de béryl. »
Un livre original, qui place la poésie au dessus de toutes les valeurs, et qui fait frissonner son lecteur plus d’une fois !
José Carlos SOMOZA, La dame n°13, éditions Actes sud