Ton chemin avec nous fut long : tu venais de fêter tes 96 ans. Pendant toutes ces années, tu as passé ton temps à faire tout ce que tu pouvais pour faciliter la vie des autres, particulièrement de ceux qui t’étaient proches.
Je n’étais pas là pour en témoigner, mais je suis convaincu que ta jeunesse fut consacrée à aider tes parents, ton frère et ta sœur. Ce qui ne t’a pas empêché de prendre du bon temps avec tes cousines et tes amies.
Lorsque tu devins une femme adulte, tu rencontras Papa, mais vous fûtes vite séparés : la guerre emmena Papa en captivité durant 5 longues années. Ce ne furent certainement pas des années faciles. Je suis sûr qu’à nouveau tu fis tout ce qui était possible pour surmonter les difficultés quotidiennes et continuer à croire, à faire croire, que tout s’arrangerait.
Ce fut le cas et dès que ce fut possible, vous vous êtes mariés. De cet amour naquirent 5 enfants, dont je fus le dernier. Au début de votre mariage, tu étais professeur et cela te plaisait bien. Mais quand nous arrivâmes, tu fis un choix. Je me souviens que, jeune adolescent, je t’ai demandé pourquoi tu ne travaillais pas. Tu m’avais répondu avec un grand sourire : « Mais parce que j’ai décidé de m’occuper de vous, mes enfants ! Et cela remplit une vie ! ». Ta réponse m’avait fortement impressionné.
D’autant plus qu’éduquer cinq enfants – quatre garçons et une fille – n’était pas une sinécure. Il y eut plusieurs moments difficiles qu’il te fallut surmonter avec courage, nourri par ta Foi. Il y eut évidemment l’accident d’Étienne qui nous a tous tellement touchés au plus profond de nous-mêmes. C’est peut-être pour toi que c’était le plus dur. Pourtant, jamais je ne t’ai vu flancher. C’est toi qui nous soutenais et qui continuais à faire vivre la vie.
Ton énergie n’était jamais prise en défaut. Lorsqu’Étienne disparut, ce fut un nouveau moment difficile que tu vécus toujours avec la même dignité. Lorsque nous vidions son appartement, je me souviens d’un moment où Philippe, Bernard et moi étions tous les trois vidés, fatigués tant nerveusement que physiquement. C’est toi qui nous as relancés, comme si de ton côté tu n’éprouvais aucune lassitude.
Assez logiquement, il y eut des beaux-enfants qui apprécièrent à sa juste valeur l’accueil que vous leur avez donné. Tu as eu ainsi huit petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants. Ils ont tous les douze pu apprécier ta bonne humeur et ton souci permanent de t’intéresser à leur découverte de la vie.
À la suite de ta chute, vous vous êtes retrouvés, Papa et toi, dans une vie un peu retirée du monde. Tu consacras alors toute ton énergie et ton attention à Papa. Nous avions beau te dire qu’il fallait que tu penses un peu à toi, tu continuais à te donner entièrement à celui dont tu partageas la vie durant 67 années, avec toujours la même complicité et la même émotion lorsque vous vous retrouviez après une courte hospitalisation de l’un ou de l’autre !
Pour toute cette énergie, ce dévouement, ce courage, je te dis merci, Maman. Je t’aime.