Et voilà, je me bats

Publié le 18 novembre 2012 par Réverbères
Un nouveau CD de Michel Bühler est toujours un événement en soi, malheureusement trop peu médiatisé ! Son nouvel opus est un petit joyau et je ne résiste pas au plaisir d’en parler. Et surtout de mettre en évidence ce gars qui vieillit – il a 67 ans quand même ! – mais qui le fait avec humour et qui – plus fondamentalement – continue à se battre contre toutes les injustices et les imbécillités.
Musicalement, l’album est dans la veine Bühler avec une guitare acoustique omniprésente, comme je l’aime. D’autres instruments créent un accompagnement tout en douceur et de finesse. Jamais une note de trop, toujours celle qui émeut. C’est d’autant plus admirable que Michel est le seul et unique instrumentiste et preneur de son de cet orchestre subtil fondé sur l’univers midi !
Les textes sont tous admirables, remplis de vérités, qu’ils soient tendres (Petite berceuse, Les Ardéchois), engagés (À la manif, Actualités 2012, Tunis 2011, Le Polonais), humoristiques (Et voilà !, Zoologie), amoureux (Avignon), nostalgico-philisophico-spirituels (Est-ce écrit…).
Parmi toutes ces petites merveilles, une chanson qui me touche particulièrement tant elle éveille en moi de frissons essentiels, d’échos d’une vie, de rêves à construire, de besoins vitaux : Je me bats. Et j’ai bien envie de me battre avec lui, « encore et toujours et sans cesse pour saluer la vie qui palpite et qui bat ». Alors, je ne résiste pas à l’envie de vous partager cette chanson (en espérant que Michel Bühler me le pardonnera) parce que la vie, notre vie, elle est là ! Et voilà !
Je me bats – Michel Bühler

Même si l’heure est parfois à la désespérance
Attendu que la frime gouverne et fait sa loi
Même si les années dans lesquelles on s’avance
Ont la couleur du triste et du chacun pour soi
Même si le bonheur n’est plus une évidence
Mais semble s’éloigner à chacun de nos pas
Même si l’on me dit que c’est perdu d’avance
Que le monde est ainsi et qu’on n’a pas le choix
Je me bats
Même si maintenant c’est être en résistance
C’est risquer d’être seul que d’élever la voix
Pour dire sans relâche l’incroyable arrogance
Des plus riches que tous, des maîtres d’ici-bas
Même si le normal, c’est l’infinie souffrance
Des enfants décharnés aux yeux vidés sans joie
Même si le correct se nomme indifférence
Même s’ils parlent fort ceux qui baissent les bras
Je me bats
Je suis d’un temps d’espoir d’un temps de délivrance
Où l’on osait rêver, et les peuples là-bas
Faisaient tomber leurs chaînes et brisaient le silence
Ô les jolis printemps au parfum de lilas
Devant nous se levaient des matins d’innocence
Plus jamais il n’y aurait d’humiliés, de parias
Plus jamais l’esclavage et plus de violence
N’était-ce pas simplement raison, dites-moi ?
Je me bats
Aujourd’hui les passants sous les néons sinistres
Vont chacun dans leur bulle et pressent un peu le pas
Les voyous brassent l’or, les bornés sont ministres
Et l’on met chapeau bas devant les renégats
L’époque est au commerce, l’époque est aux combines
L’homme n’est plus qu’un objet que la finance broie
Le futile et l’idiot remplissent des vitrines
Cependant qu’au lointain ricane l’argent roi
Je me bats
Avec mes pauvres mots qui sont mes seules armes
Avec les sacrifiés les vaincus d’autrefois
Tous ceux qui n’avaient rien que leur sang et leurs larmes
Les mineurs les canules les pioupious les sans-droit
Avec les femmes usées, petites sœurs de misère
Des bas quartiers de boue où se terrent les rats
Avec tous ceux d’ici qu’habite la colère
Avec les méprisés et ceux qui n’oublient pas
Je me bats
Si longtemps que j’aurai la force, qu’on le sache
De me tenir debout, de chanter, d’être là
Tant qu’il me restera une once de panache
Tant que dans mes veines un sang rouge coulera
Je me battrai encore et toujours et sans cesse
Pour saluer la vie qui palpite et qui bat
Et quand je m’en irai, ce sera sans tristesse
Puisque d’autres viendront qui diront après moi
Je me bats, je me bats
Michel Bühler © 2012