Se croire veillé là-haut l’aidait à lacer ses chaussures. Croire aux vols d’oiseaux signifiants, aux arcs-en-ciel sur la route de l’alliance ; se prendre pour un peu plus qu’un spermatozoïde gagnant, plus que de la chair en expansion sur une ossature de hasard ; se croire recommandé, se dire qu’une Instance délibérait à son avantage dans une Salle du Conseil de l’Outre-monde, cela l’aidait à avancer. « Mais dans tant de malheurs des autres, se dit-il un jour, pourquoi moi ? »
Se savoir suivi sur le parcours par des yeux d’indulgence, des lèvres de pardon ; accompagné par une main de douceur, une parole de vigueur, cela l’aidait à repousser chaque jour l’horizon. Mais les yeux se fermaient, les lèvres se taisaient, les mains retombaient ; c’est toute une provision de route qu’on lui volait ; et voilà maintenant qu’il allait sans vivres, comme jeté à bas du carrosse sur un chemin de grande incertitude.
Se croire attendu l’aidait à poursuivre. Croire aux portes s’ouvrant sur les bras des retrouvailles : toute la cohorte des aimés, et l’ascendance du sang jusqu’à Lascaux pour l’accueillir ; une foule innombrable qui le connaissait, l’acclamait, le soulevait comme un coureur classé au grand marathon de l’espèce. «Et s’il n’y avait aucune porte ? rien qu’une halle vide à tous vents, par une nuit sourde où rien ne bouge… »
par Arion