Tous dans la rue ! Françaises,
Français, votre pouvoir d'achat est menacé et avec lui, votre
liberté de dire merde à la tyrannie de l'orthorexie ! L'heure
est grave, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté
mercredi un amendement visant à augmenter de 300% la taxe sur
l'huile de palme. Ce texte, déjà baptisé "taxe Nutella",
devrait engendrer une augmentation de coût de production de
ladite-pâte cacaotée d'environ 6 cents/kilo pour Ferrero... Et
comme le groupe sait bien que les amateurs de son produit phare ne
renonceront pas à leurs tartines, n'en doutez pas, au bout du
compte, c'est vous (et moi) qui paierons cet excès de zèle de
l'Etat !Pardonnez mon emportement, mais c'est
qu'on touche ici à ce qui est pour beaucoup ce que la madeleine
était à Proust (d'ailleurs, s'il avait connu la pâte à tartiner,
je suis persuadée que Valentin Louis Georges Eugène Marcel - oui,
tout ça – en aurait généreusement enduit son biscuit fétiche et
aurait sans nul doute décrit avec plus de passion l'onctuosité et
la saveur du nappage que la mie spongieuse du support).Entendons-nous bien, je n'ignore pas
les mises en garde concernant l'huile de palme. Ses nombreux dérivés,
dont les chimistes n'ont de cesse de multiplier les dénominations
pour brouiller l'esprit du consommateur vigilant, sont de généreux
pourvoyeurs en graisses saturées, excellentes pour qui rêve de
faire un accident cardio-vasculaire digne de ce nom.Non, ce que je dénonce, ce sont les
prétendues bonnes intentions de nos dirigeants (notez que les
précédents n'étaient pas plus francs que les actuels sur les
questions de santé publique). Car honnêtement, une taxe,
lorsqu'elle est suffisamment modérée comme dans le cas qui nous
préoccupe actuellement, ne change pas les habitudes de consommation.
C'est pour cette même raison que le prix du tabac est augmenté de
façon graduelle et répétitive plutôt que brutalement, une seule
fois, pour que les fumeurs ne se sentent pas indignés au point de
dire : "OK, j'arrête de fumer et mettez-vous votre
augmentation bien profond là où biiiiiip biiiip biiiip !"Si l'huile de palme est nocive, ce dont
je ne doute pas, alors pour éviter de tourner en rond, il
faudrait adopter une stratégie à deux axes.D'une part il faudrait commencer par
interdire purement et simplement la cochonnerie sus-citée, en
laissant aux industriels de l'agroalimentaire un délai pour revoir
leurs formules et les mettre en production. On l'a bien fait pour le
bisphénol A, déjà supprimé des biberons et bientôt, des boîtes
de conserve.D'autre part, il faudrait établir en
fonction des utilisations (principalement cosmétique ou
alimentaire), une liste de produits ne présentant pas de risque pour
la santé ou l'environnement. En effet, si c'est pour remplacer
l'huile de palme des pâtes à tartiner par de l'huile de coprah, au
moins aussi nocive, autant ne rien changer.Avouez, ça tiendrait quand même mieux
la route !Ce principe de taxer tout et n'importe
quoi sous prétexte de faire de la pédagogie est une hypocrisie
totale. Bien sûr, manger de l'huile de palme est nuisible, tout
comme fumer. Mais les gens le savent, grâce aux diverses campagnes
d'information menées par le Ministère de la Santé depuis des
années.Ils le savent, certains en tiennent
même compte. Oui mais voilà, les comptes publics, eux, font
toujours grise mine et on ne peut pas serrer encore la ceinture du
contribuable sans risquer de voir la France entière descendre dans
la rue en réclamant la tête de Normal Ier* au bout d'une pique.
Alors le gouvernement bricole des petites ponctions deci-delà, en
prenant soin de ne pas toucher à certains secteurs.Juste un exemple parmi tant d'autres,
si l'on se calque sur le modèle d'une taxe "pédagogique",
(encore une fois, je ne crois pas une seconde aux vertus de ce genre
de mesure) pourquoi ne taxe-t-on pas les utilisateurs de téléphone
mobile en fonction de leur consommation ? L'augmentation des
cancers du cerveau - qu'on soupçonne d'être liée aux ondes de nos
portables - ne mériterait-elle pas qu'on applique un minimum le
principe de précaution, surtout lorsque l'on voit des enfants de
plus en plus jeunes avoir leur propre forfait ? C'est que vous
comprenez, les télécoms, c'est un secteur tellement concurrentiel
qu'il ne faudrait pas risquer d'affaiblir nos entreprises... Ouais,
en attendant, la santé qui "passe avant tout" pour notre
gouvernement, à bien y regarder, elle passe quand même bien après
la recherche maladroite d'un peu de croissance économique...Vivre tue, voilà la vérité ! On
ne peut pas vivre sans respirer, pourtant à chaque bouffée d'air,
nous nous intoxiquons avec les déchets de nos propres productions
humaines. Ce qui est sûr, c'est qu'à trop pomper l'air des
citoyens, on risque de les pousser à aller voir ailleurs si ça
fleure pas meilleur. Ailleurs, là où on peut boire du Red Bull ou
une boisson sucrée sans se sentir stigmatisé, là où l'énergie
n'est pas en passe de subir un système de bonus/malus méprisant les
disparités de performances énergétiques des logements (eh oui
neu-neu, quand on est pauvre, on vit souvent dans des appartements
dont les fenêtres datant des années soixante laissent
délicieusement passer les courants d'air frisquet de janvier... Du
coup, pour arriver à 16 petits degrés, il faut chauffer plus que
dans une villa passive high tech de bobo !).A dire vrai, la seule chose m'étonne,
c'est que l'idée de dépénalisation du cannabis lancée
dernièrement par Vincent Peillon n'ait pas été mieux accueillie
par Jean-Marc Ayrault. Au lieu que l'économie parallèle soit la
seule à se gaver, l'Etat aurait enfin pu prélever une taxe sur un
produit, reconnaissons-le, bien apprécié par une part non
négligeable des Français. Manque de pragmatisme ? Morale d'un
autre âge ? Pas tout à fait. C'est qu'au delà du mariage
homosexuel, c'est l'adoption par des couples de même sexe qui fait
débat. Alors si jamais il devait être question de confier des
enfants à des "déviants sexuels qui se droguent",
imaginez comment ça les foutrait en pétard, Marine La Teigne
et JFC (C pas pour Fillon)! Bon, si c'est pour que ces deux-là
gardent un peu leur vide-ordures fermé, on peut comprendre la
réserve de Monsieur de Premier Bisounours. Mais tiens, maintenant
que j'y pense, la pâte à tartiner, elle est pas un peu trop
"colorée" pour être en France ? Et le petit noir du
matin, on a vérifié son permis de séjour dans nos tasses
blanches ?*merci à Anne Roumanoff pour cette
géniale dénomination.