Avec le rapport Colin et Collin, hauts fonctionnaires mandatés, le gouvernement entendait créer une nouvelle taxe —une de plus !— à destination des géants du net qui savent optimiser leurs impôts sur toute la planète. La mission d’expertise des Dupont et Dupond est formelle : une taxe « GAFA » (acronyme pour le quartette Google-Amazon-Facebook-Apple visé) est inapplicable d’un point de vue franco-français et aboutirait à monter une énième usine à gaz plus destructrice de valeurs que productrice d’argent frais dans les caisses asséchées du Trésor qui ramasserait de la menue monnaie. La gauche au pouvoir fait suffisamment de dégâts contre le monde de l’entreprise et de l’entreprenariat pour ne pas en rajouter une couche indigeste suggère-t-on en filigrane.
A l’ère de la dématérialisation globalisée, les tartes politicrates dépassés qui nous administrent feraient bien de lire, en complément de ce rapport, le dernier livre de Michel Serres, Petite Poucette aux Editions Le Pommier.
Le philosophe de 83 ans a une énergie des plus contagieuses et une vision réjouissante qui manquent tant aux calamistrés de gauche comme de droite (pas de jaloux) censés piloter l’avenir de notre pays. Dans son essai, Michel Serres invite en effet à ne pas regretter le monde d’hier, à balayer d’un revers les vieilles recettes, à ranger nos conservatismes au placard, et à regarder « la nouvelle humanité » qui émerge d’internet.
Les jeunes générations (les petits poucets et les petites poucettes) vont aborder —abordent déjà !— la connaissance, l’information, l’intelligence au tamis de la dématérialisation, de l’immédiateté et de la vitesse. Il ne sert à rien de se lamenter sur le ton du « c’était mieux avant », il faut tout réinventer s’enthousiasme le philosophe. Il faut remettre à plat nos logiciels de pensées pour trouver des solutions neuves et pertinentes aux multiples problèmes qui nous assaillent et reconstruire le monde sur des bases originales en sauvegardant la liberté de penser et d’agir, en cessant de brandir à tout va le principe de précaution si dévastateur qui nous conduit à la régression.
C’est en substance ce que les Colin et Collin énonçaient en conclusion de leur rapport : en 1954, la France a inventé la TVA devenue un modèle partagé dans le monde entier, elle doit aujourd’hui casser la fiscalité prédatrice qui tue l’envie de faire et inventer les impôts adaptés à ce monde là, un monde sans matière et sans frontières.