En exposant leur mal-être, deux jeunes Québécois deviennent les porte-paroles d’une génération à la dérive. Anne Emond signe un premier long métrage prometteur.
Dans la pénombre d’une boîte de nuit québécoise, de jeunes gens aux yeux clos se déhanchent, inlassablement, au rythme d’une musique abrutissante. Du moins le suppose-t-on : le spectateur, lui, est bercé par « Les amours perdues » de Serge Gainsbourg, interprété avec douceur par la chanteuse Jennifer Charles du groupe new-yorkais Elysian Fields. Une mélodie déchirante qui fait planer sur cette scène nocturne une brume de mélancolie. Puis le silence s’impose : dans un appartement lugubre, deux inconnus s’embrassent, se déshabillent, font l’amour. « Tu t’appelles comment, déjà ? », murmure l’un. « Clara », répond l’autre. « Moi c’est Nikolaï. »
Cette aventure d’un soir prendra un tournant inattendu. Lorsque Clara veut plier bagages discrètement au beau milieu de la nuit, son amant la rattrape. Il veut lui parler. Ou plutôt, il veut parler. De lui, de son mal de vivre, de ses problèmes d’alcool, de son incapacité à se lever chaque matin pour faire un boulot aliénant, de ses rêves brisés d’étudiant aux Beaux-Arts. Les scènes de sexe filmées sans pudeur laissent place à des monologues interminables, tournés en plans fixes. Dans une chambre déserte aux murs décrépis, triste décor de théâtre, Nikolaï et Clara se confient leurs doutes, leurs humiliations et leurs craintes, remuent la boue de leur existence et tentent de s’en inventer une autre, moins navrante. Une vie à deux. De la même manière que Juliette Binoche et William Shimell recréaient – ou ressuscitaient ? – leur passé dans Copie conforme (Abbas Kiarostami, 2010), Catherine de Léand et Dimitri Storoge se construisent un avenir fantasmatique.
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Camille P.