L'imagination humaine est sans limite. Les militaires, qui n'échappent pas à cette prodigieuse inventivité, transmettent toujours leurs meilleurs trucs à la police, qui voit rapidement le bénéfice qu'elle pourrait obtenir en termes de renseignement ou de répression. C'est tout cet univers à cheval entre le professeur tournesol et le docteur folamour qui s'expose pour partie au salon milpol (salon mondial de la sécurité intérieure des états). Ce billet suivi se propose de tenir à jour une description des principaux jouets en cours de déploiement, pour votre... sécurité.
Tout d'abord, pour donner le ton, écoutez une présentation du stand de SurveyCopter par son responsable. Interview réalisée pour Là-bas si j'y suis (France Inter).
Des cailloux qui bougent tout seuls ? Encore plus drôle que le coussin péteur ! En effet, depuis plusieurs années la police utilise de faux pavés, capables de se déplacer (ils sont télécommandés) et équipés de caméras invisibles. La portés du caillou est de 2 à 5 km. Cet engin a été utilisé lors des émeutes de 2005 en France.
Le Taser
Impossible de poursuivre cet exposé sans évoquer le désormais célèbre pistolet Taser. Ce charmant jouet lance des électrodes sur sa cible à une vitesse de 50m/s et à une distance maximum de 7 mètres, puis électrocute sa victime en envoyant une décharge de 50.000 V/2 mA pendant au moins 5 secondes. L'arme est présentée comme un gadget, mais elle a déjà fait plus de 200 morts aux Etats-Unis. Ici une liste des victimes recensées en 2006.
Amnesty International, le RAIDH, Le Comité pour la Prévention de la Torture (ONU), la Ligue des Droits de l'Homme protestent et appellent à un moratoire sur ce type d'arme, dans l'attente d'une étude sérieuse et indépendante, qui aujourd'hui fait défaut. Las, plus de 4000 pistolets ont dores et déjà été distribuées aux policier et gendarmes, et d'autres commandes sont prévues.
En décembre 2005, devant le nombre croissant de décès, Taser modifie sa communication et cesse de parler d'arme non létale pour présenter son pistolet comme une arme "moins mortelle". Cela n'a pas perturbé le ministère de l'intérieur français, qui annonce au mois d'octobre 2007 son intention d'autoriser les policiers municipaux à utiliser le Taser. La commission nationale de déontologie de la sécurité est inquiète, devant l'utilisation excessive du taser et la violation des règles élémentaires de déontologie.
Toutes les vidéos qui montraient des abus bien plus graves que celui-ci, aux Etats-Unis et au Canada, ont été effacées de Youtube (qui appartient à Google). La dernière en date montrait un homme tué par un taser dans un aéroport.
Certaines sont apparues sur DailyMotion, comme celle-ci, justement...
En août 2006, une mobilisation de parlementaires alertés pas les associations de défense des droits de l'homme a obtenu le classement du Taser en arme de 4ème catégorie, au même titre que les 357 Magnum, par exemple. Pendant ce temps, la société Taser est très active. D'un côté, elle a attaqué Amnesty International et le RAIDH en justice. Elle a perdu son procès contre Amnesty ; le second est en cours. D'un autre côté elle développe de nouvelles armes et décline l'offre de ses tasers. Il existe une version militaire plus puissante (50000V/2,7mA), et récemment une version grand public est apparue : le Stoper-C2 (image à gauche). Il est moins puissant que son grand frère le X-26, mais tout aussi efficace selon Taser. En effet, les spécifications du C2, trouvées sur le site internet de Taser indiquent une puissance exactement identique à celle du X-26. C'est seulement le nombre d'impulsions envoyées par seconde qui est un peu plus bas. La portée (4,5m au lieu de 6 ou 7m), ainsi que son poids léger et sa compacité (en plus de sa coque rose ou léopard) différencient également ce Taser. Très proche de son grand frère, le Taser X-26, arme de 4ème catégorie, celle-ci est en vente libre en France. Cette information m'a semblé tellement incroyable (une arme de 4ème catégorie en vente libre en France) que j'ai téléphoné au revendeur parisien, SMP Technologies, situé dans le 16ème arrondissement pour en savoir plus. Hé bien, pas de problème, si je veux acheter un Stoper-C2 il m'en coûtera 499€ plus une formation gratuite obligatoire d'une heure et demie. Je pourrai repartir immédiatement avec l'arme en poche. Voilà qui va plaire à tous les délinquants... un Taser c'est tout de même mieux qu'un pit bull... en plus le pistolet fait même lecteur mp3. Ne vous trompez pas de bouton tout de même.
Enfin, si le Taser vous fait peur, vous pourrez toujours acheter une combinaison de protection, disponible chez... Taser.
Mais ça n'est pas fini ! Taser innove encore en inventant un projectile compatible avec tous les fusils de calibre 12 : le XREP. Cette "balle" d'un nouveau genre provoquera une décharge électrique identique à celle d'un taser. On pourra taser en snippant : enthousiasmant ! Portée : 30 mètres.
Cette vidéo montre bien comment fonctionne le petit bijou
Voilà qui introduit encore d'autres innovations prometteuses. Taser développe actuellement deux autres types de matériels : un robot télécommandé ou autonome armé d'un taser d'une part, c'est ce que vous avez vu dans la vidéo ; et un système de vidéosurveillance capable de taser les intrus à l'aide de projectiles du genre XREP. Ce système peut aussi fonctionner de façon autonome ou télécommandée. Là où l'on va bien rigoler, c'est quand les gens vont commencer à se faire taser en rentrant chez eux ou au bureau, parce qu'ils auront oublié de couper l'alarme ! Vous pouvez voir d'abord le robot, ensuite le système de vidéosurveillance armé.
Un petit film promotionnel de Taser illustre, entre autres, ces nouveautés.
Pour finir, voyez comment un étudiant américain a été traité, lorsqu'il a posé des questions gênantes à John Kerry lors d'une conférence... C'est édifiant. Cette situation illustre bien les mensonges de l'argumentation de Taser, qui prétend sauver des vies en épargnant des tirs par balles... comme si l'utilisation de cette arme allait seulement remplacer celle des armes à feu.
Le Quadri-France
Taser intéresse vraiment le ministère de l'intérieur. Ce dernier est séduit par un nouvel engin baptisé Quadri-France, développé par Antoine Di Zazzo, ingénieur des arts et métiers et directeur général de Taser France. Il s'agit d'un nouveau drone doté de quatre moteurs, télécommandé et guidé par GPS, équipé d'une caméra infrarouge capable de tout observer à 360° et éventuellement d'un Taser (probablement sur le mode XREP, comme le système de vidéosurveillance), de façon à pouvoir électrocuter un délinquant, un manifestant, un intrus... à partir du ciel. L'engin a déjà été testé dans le ciel de Reims. Il peut voler de 0 (géostationnaire) à 80 km/h, monter jusqu'à 9000 pieds et repérer des différences thermiques au sol d'une précision de 5 degrés. Il sait zoomer automatiquement lorsqu'il repère un suspect (individu ou départ de feu), et transmettre à la police sa position GPS et l'image enregistrée.
Un article dans le Figaro
Voici un film qui présente une version américaine, visiblement bi-moteur, de cet appareil, sans adjonction d'un taser.
Les drones ELSA
En matière de drones, en effet, le Quadri-France n'est pas le premier essai. Depuis octobre dernier, un autre type de drone nommé ELSA (Engin Léger pour la Surveillance Aérienne) est testé par le ministère de l'intérieur, qui vient de décider de l'intégrer à l'arsenal des forces de police. Il pèse 600 grammes pour un mètre d'envergure et offre une autonomie énergétique de 30 minutes. Il est très facile à utiliser : on peut le lancer à la main ou le laisser rouler quelques mètres sur la chaussée. Il transmet ensuite des images en haute définition, que l'on peut recevoir avec un simple ordinateur portable. Il est totalement silencieux, peut voler de 8 à 80 km/h et monter jusqu'à 500 mètres d'altitude. Il en coutera au contribuable entre 15.000 et 20.000 euros par appareil.
Un rapport du Department of Homeland Security tendrait à démontrer que les drones, pour l'heure, connaissent 100 fois plus d'accident que les appareils pilotés. Plusieurs causes sont avancées, dont la défaillance des liaisons entre drones et opérateurs, les pannes mécaniques mais aussi les désorientations spatiales lorsque le pilotage est manuel.
L'ADS
D'autres idées germent dans les cerveaux prolifiques des militaires, et nombreux sont les élus qui partagent leur hobbie... L'une de leurs dernières inventions nommée Active Denial System, consiste à employer des micro-ondes à 95Ghz et à les projeter sur une zone donnée. La portée de l'antenne que vous pouvez observer sur la photo, en l'occurrence montée sur un véhicule, est de 650 mètres environ, l'onde pénètrerait le corps de seulement 0,3mm. En deux secondes la surface de la peau atteint 55°C, ce qui déclenche un réflexe de fuite. Il faudrait, selon les concepteurs du système, environ 4 minutes pour que la peau commence à bruler. Les individus qui reçoivent ces ondes ressentent une intense sensation de brulure et doivent reculer et se disperser. On ne constate aucun effet secondaire, mais on ne sait rien sur ce que cette arme pourrait provoquer à long terme, d'autant que les seules tests disponibles sont ceux des constructeurs. Il apparait dans ces expérimentations que la cornée est beaucoup plus vulnérable que la peau et qu'elle risquerait d'être endommagée par ce type d'arme. Donc le conseil à retenir, puisque ce genre d'arme finira tôt ou tard par se déployer en France dans un arsenal anti-émeute : protégez vos yeux.
Source : global security.org
Ci-dessous un reportage du magazine américain 60 minutes, suivi d'une vidéo qui montre le système en action...
Le point sur lequel insiste ce reportage, et qui est édifiant, c'est qu'il existe vraiment deux niveaux de développement de ces nouvelles armes : celles, non létales, qui sont réservées aux populations des pays en paix, notamment des pays occidentaux et celles, mortelles, que les Etats-Unis utilisent sur leurs théâtres d'opérations, au premier rang desquels se trouve l'Irak. Il n'est pas question pour le Pentagone d'utiliser des armes à micro-ondes en Irak, malgré les vies humaines qui pourraient être épargnées (cette fois-ci, véritablement ; à l'inverse de la propagande de Taser auprès des polices). On voit bien que cette technologie, mis à part le risque élevé pour les yeux, ne semble pas présenter de danger majeur ; elle apparait plus inoffensive que le taser, par exemple. Le risque le plus élevé serait son détournement pour en faire un instrument de torture - mais les GI's ont prouvé qu'ils ne manquaient pas d'idées en matière de torture. Il existe comme une culture militaire qui consisterait à vouloir tuer absolument, et à ne pas faire confiance à des armes intermédiaires, non mortelles. La guerre, dans son aspect traditionnel a toujours consisté à "tuer ou être tué", ce qui explique peut-être cet atavisme. Cependant les conflits d'un genre nouveau, comme l'occupation américaine en Irak, marquent un nouveau type de confrontation qui ressemble beaucoup aux dynamiques de répression ou de maintien de l'ordre. Les militaires ignorent sans cesse s'ils sont confrontés à des civils inoffensifs ou à des terroristes, et cela les amène à commettre d'innombrables bavures. Dans ce cas de figure, des armes non létales seraient d'une aide considérable. Mais elles ne sont pas employées. Elles le sont par les polices occidentales contre leurs populations, là où cette utilisation marque une dégradation des rapports police/population, en augmentant les abus et les violences.
Les lasers
Pourtant, ce n'est pas l'idée d'expérimenter des armes sur des populations civiles qui rebute l'armée américaine, contrairement à ce qu'elle prétend. Car en plus des terribles bombes à sous-munitions et des armes à uranium appauvri radioactives, qui oblitèrent le futur des populations civiles pour des décennies (ces techniques sont au Kosovo et à l'Irak ce que l'agent orange fut au Vietnam), les américains ont semble-t-il testé un système laser en Irak. La situation n'est pas claire, faute d'information publique.
Les seuls systèmes laser connus sont du type THEL : Tactical High Energy Laser.Elaboré conjointement par Israël et les Etats-Unis depuis plusieurs décennies, et de façon beaucoup plus intense depuis 1995 dans l'objectif de créer un système antimissile capable de protéger l'état hébreu des missiles envoyés par le Hezbollah, ce système, dont le diamètre n'est que de quelques centimètres, peut chauffer intensément l'acier à plus de 200 mètres de distance. Il se compose d'un centre de commande, d'un radar, d'un pointeur infrarouge et du laser lui-même. Une version mobile nommée M-THEL a été développée pour offrir la couverture d'une zone plus large, en l'occurrence la frontière Israël/Liban. Plus d'infos.
Mais ce type d'arme cache une autre utilisation du laser, beaucoup moins propre. Les modèles militaires de type offensif sont développés à partir d'une technologie de laser à solide, qui permet d'atteindre des puissances et des niveaux de miniaturisation jusqu'alors inimaginables, avec les technolgies de laser à liquide ou à gaz. La société Northrop Grumman Corporation a été choisie par l’armée américaine pour développer la phase 3 de son projet de laser solide haute puissance. Disposant un budget de 56.68 millions de dollars sur 36 mois, l’objectif visé est d’équiper les navires, les véhicules et les avions américains de dispositifs lasers anti-missiles pour la fin 2010. Après la mise au point d'un laser de 67kW, record absolu, il s'agit d'atteindre les 100kW. Le dernier modèle est déjà capable de perforer 2,5 cm d'acier en 10 secondes (photo ci-contre ou ci-dessus). Comme dit Randy Buff, chargé du programme laser à état solide pour le U.S. Army's Space and Missile Defense Command,
« Nous avons franchi une étape considérable (...) Nous avons hâte d'aller dans le terrain et de faire quelque chose. »Dont acte ? Telle est la question que l'on peut se poser en visionnant ce documentaire de 26 minutes (ci-dessous en deux parties), qui commence par décrire des situations qui ressemblent fort à des essais grandeur nature de l'arme laser. Les armes en cours de développement produisent des rayons lasers invisibles, ce qui correspond bien à ce qu'on vécus ces irakiens...
C'est un changement total de paradigme qui est en train de s'opérer avec ce type d'armement. Les armes laser agissent à la vitesse de la lumière, ce qui leur permet d'abattre un nombre considérable de cibles en très peu de temps. Les systèmes déjà opérationnels sont entièrement automatisés, et il est à craindre que cette option demeure une possibilité pour les applications futures, embarquées dans un avion ou sur un véhicule de terrain. Les armes à énergie dirigée se développent et elles inaugurent une nouvelle ère. Le saut est du même ordre que celui qui a suivi l'apparition de la poudre et la généralisation des armes à feu. Cette fois-ci nous allons vivre dans un monde où le vecteur de l'aggression sera invisible, posté à des kilomètres, potentiellement automatisé (pas d'intervention humaine), et agissant à la vitesse de la lumière. Il y aura évidemment des parades : pour les lasers, la fumée, la poussière, la brume ; pour les micro-ondes une combinaison protectrice.
Les armes sonores
Les israéliens, craignant une invasion de pacifistes palestiniens et israéliens rassemblés sous des banderoles et dépourvus d'armes, ont mis au point une arme capable de les repousser sans les blesser. Il s'agit de "The scream", "Le cri" un son émis par un véhicule spécialement équipé. Le son se propage par les os du crâne (aucune protection auditive n'est efficace), atteint l'oreille interne et provoque nausées, vomissements et désorientations. Si l'on en croit des victimes, ce n'est pas très efficace, "seulement très bruyant".
Il existe aussi des armes à ULF (Ultra Low Frequency, <20Hz) qui seraient capables d'entrainer des troubles de la vision, des désorientations, des nausées et des lésions internes. Certaines fréquences seraient en mesure de détruire des infrastructures par résonnance. Nous disposons de peu d'informations à ce sujet.
Enfin, dernier développement en date de ce type d'arme, le Mosquito, créé par Compound Security, et en vente libre en France depuis mai 2006 est pour l'instant disponible uniquement par correspondance (chez nous on le nomme "Beethoven"). Ce nouveau jouet interdit aux enfants émet un son situé entre 17.000 et 18.000 décibels à une puissance de 95dB maximum. La particularité de ces fréquences très élevées est de n'être entendues que par les moins de 25 ans, et comme le son est extrêmement désagréable, cette arme chasse les adolescents d'un secteur déterminé sans incomoder les adultes. Le dispositif est utilisé en Grande-Bretagne, en Suisse et aux Pays-Bas, où il provoque systématiquement la polémique, surtout qu'il peut être installé par des particuliers, sur leur seule initiative.
Voyez ci-dessous, un reportage réalisé par France 2
Les armes odorantes
Georges Mothron (UMP), maire d'Argenteuil, probablement lassé de prendre chaque année un arrêté municipal interdisant le centre-ville aux SDF a décidé d'utiliser un produit nommé Malodore, développé par la société Firchim. Ce produit irritant et toxique laisse une odeur nauséabonde pendant plusieurs semaines là où il a été épandu. Il s'agissait selon le maire de "sécuriser" un accès au centre commercial de la ville en en chassant les sans-abris qui avaient l'habitude de se retouver là. Les employés municipaux ayant refusé de l'employer, c'est la galerie commerçante qui s'est chargée elle-même de répandre le produit. Le maire a démenti avoir voulu chasser les SDF, il a parlé de diffamation, mais il n'avait aucun argument. L'indignation générale a stoppé net ce genre d'expérimentation. Ce qui est le plus amusant, c'est que le maire avait pris un arrêté municipal en 2005 pour chasser les SDF en arguant de leur mauvaise odeur... décision annulée par la préfecture.