Les turpitudes de la vie nous avaient - bien malgré nous - quelque peu éloignés depuis quelques temps. Cette situation ne pouvait qu'être temporaire. Nous avons donc provoqué cette belle soirée, autour de mets raffinés et de vins rares.
Voici donc quelques impressions de la soirée.
En amuse-bouche, un Champagne Pol Roger, cuvée Winston Churchill 1995 : un nez très brioché, frais, droit et tendu, avec une légère pointe oxydative. La bouche est étonnante de jeunesse et de droiture. C'est sur un équilibre de finesse et de fraîcheur, le tout porté par une acidité encore bien présente. Très Bien.
Avec des noix de St Jacques snackées et son flan au parmesan, un Puligny-Montrachet, Premier Cru les Combettes 1995, domaine Jacques Prieur : un premier nez un peu sur la retenue, puis, après aération et évolution dans le verre (sur environ 30 minutes), on retrouve le nez d'un grand chardonnay, légèrement grillé, notes d'amandes (presque d'amertume noble) et une grande fraîcheur mentholée très intense. Servi (comme tous les autres vins de la soirée à l'aveugle), j'évoque dans un premier temps un chenin puis, dès la première gorgée, un bourgogne blanc plutôt typé 'minéral'. La bouche est magnifique de droiture et de tension, étirée par des amers nobles, entre amandes amères, noisettes grillées et toujours ces notes de menthe fraîche. Belle corpulence, fine minéralité qui m'interdit ensuite de penser au Chablis (pas de notes iodées ou de coquilles d'huitres, le fameux syndrome de l'Homme Mort) ou au Charlemagne (pas d'impression de craie divisée). Je penche donc vers un Puligny, sans autre précision supplémentaire. L'aération et une légère remontée en température se conjuguent parfaitement pour simplement définir ici un Grand Vin. Finale proprement fabuleuse, interminable, complexe, entre amers salivant et menthol rafraichissant. Excellent
Avec des magret de canard grillés, sauce au poivre vert, un Volnay, Premier Cru Clos des Ducs 1990, domaine du Marquis d'Angerville : premier nez très atypique (après coup bien sûr !), plutôt sudiste, un peu animal. Devant l'étonnement de mon interlocuteur d'un soir, il m'aiguille vers la patrie du Pinot noir. Je penche alors pour un vin plutôt typé terroir, qui a de la personnalité et un gros fond. Est-ce un Gevrey ? Que nenni, que nenni ! Il ne me sera pas donné une seconde chance puisque l'étiquette est alors découverte. Bref, je laisse le vin tranquillement dans le verre pour y revenir quelques minutes après. Il faut toujours savoir prendre son temps ! Nez toujours puissant, un peu évolué sur des notes de terre chaude, de cuir et de fruits noirs intenses. C'est déjà très profond. La bouche est complexe, et réussit à résoudre la quadrature du cercle, c'est-à-dire être à la fois élégante et terrienne. Un vin qui a du grain, du caractère et de la finesse. C'est encore éminemment jeune. Joli grain en bouche, suavité des tannins toujours bien présents. Finale magnifiquement longue, fraîche, étirée par son acidité et sa richesse. Force et élégance. Excellentissime
Avec le plateau de fromages, un Hermitage 1976, Jean Louis Chave : soit je suis passé à côté de ce vin, soit il n'était pas dans une phase d'ouverture. C'est (brut de fonderie j'en conviens) plutôt strict, de demi-corps, sans grande profondeur. Il n'y a pas de défaut dans le vin, mais pas non plus de vibrations. A revoir
Enfin, avec un crumble aux poires, un Da Silva's Porto, Quinta do Noval, Vintage 1958, Nacional : de la soie en bouche. C'est fabuleux. Un nez sur les fruits rouges, la mure et le cassis, une pointe de prunes/pruneaux. Grosse matière toute polie, qui dégage une impression de douceur. En bouche, c'est complètement en accord. Un vin presque "léger" malgré ses 20°. Tannins complètement fondus, bouche très précise, ciselée sans être mordante, douce sans être doucereuse, charpentée sans être rébarbative. Bref, on atteint ici (presque) la perfection. Suavité et sensualité, sur un registre à mi-chemin entre liqueur et eau de vie de cerise en finale. Notes de pétales de roses fanées, coulis de fruits confits, et j'en passe tellement c'est complexe. Les vignes pré-phylloxériques semblent apporter un supplément de définition, de précision, de transparence dans le vin. J'avoue avoir eu la chance de côtoyer quelques très beaux vins, mais je crois que là, je n'avais jamais ressenti un tel toucher de bouche. Difficile de se défaire de son verre puis de constater que la bouteille est déjà vide ... Le temps s'est arrêté un instant. Elle est où la p'tite soeur ??? Sublime
En conclusion de cette très belle soirée, une photo de famille très avenante : bon amis, grand repas et grands vins.
Vivement la prochaine !
Bruno