Deux vagabonds, Vladimir et Estragon, se retrouvent sur scène, dans un non-lieu ( une route de campagne avec arbre disent les didascalies) à la tombée de la nuit pour attendre Godot . Cet homme — qui ne viendra jamais — leur a promis qu'il viendrait au rendez-vous ; sans que l'on sache précisément ce qu'il est censé leur apporter, il représente un espoir de changement. En l'attendant, les deux amis tentent de trouver des occupations, des distractions, pour que le temps passe.
Voici en gros l'action de la pièce de Samuel Beckett.
Voici ce qui entourait cette fameuse pièce en deux actes.
À l'automne 1948, Sam Beckett vient de terminer l'écriture fastidieuse de la pièce Éleuthéria, une oeuvre jugée très lourde et dont l'action et le nombre de personnages a vite dépassé son auteur.
Épuisé, il reprend des versions plus travaillés de deux personnages déjà décrits dans son roman Mercier et Camier (écrit en 1946 mais qui ne sera publié qu'en 1970 en Français et 4 ans plus tard en anglais) pour créer ses deux vagabonds: Vladimir & Estragon. Mercier et Camier était son tout premier long effort en français (l'anglais étant la langue d'origine de l'auteur). Il choisira l'écriture en français car il trouve qu'il fait usage de moins d'effets de style dans cette langue.
Il commence donc à écrire En Attendant Godot simplement pour se divertir et se changer les idées du lyrisme dans lequel il s'était engouffré. L'écriture durera trois mois et demi. Dès l'année suivante, Beckett propose la pièce à Roger Blin qui acceptera de la monter, amoureux non seulement du texte mais aussi du peu de décor nécéssaire pour la mettre en scène. La pièce est publiée en 1952.
Voulant fuir "la sauvage anarchie des romans", Beckett offre alors une véritable classique du théâtre de l'absurde.
La pièce fait aussitôt scandale. D'abord le titre. Le lien avec Dieu semble évident et on n'accepte pas facilement de mêler absurdité et Dieu. Beckett se défend de faire référence à Dieu dans son titre. "Si j'avais voulu faire référence à Dieu je l'aurais appelé Dieu, dira-t-il, il existe une rue Godot, un coureur cycliste appelé Godot ; comme vous voyez les possibilités sont presque infinies. J'ai plutôt pensé à l'argot des mots godillot et godasses." En effet, les pieds jouent un rôle fort important dans la pièce.
Beckett ne dit rien de ses personnages ou presque, sinon qu'ils portent tous deux des chapeaux melons. La relation entre Vladimir et Estragon semble aussi inspirée de la dynamique des personnages de Laurel et Hardy. Pierre Latour jouera Estragon, Lucien Raimbourg/Vladimir, Jean Martin/Lucky, Roger Blin*/Pozzo et Serge Lecointe (les 2 garçons).
Pendant les premières semaines de représentations, la moitié de la salle sort avant la fin de l'acte I. D'autres spectateurs agacés restaient pour contrarier le jeu des acteurs en huant, et en faisant du bruit. Godot déclenchait chaque soir des batailles rangées entre les défenseurs de la pièce et les mécontents. La situation a dégénéré un soir en une bagarre et le rideau s'est baissé au début de l'acte II. C'est aussi ce qui l'a rendu célèbre : les gens se déplaçaient pour vivre le scandale, plus que pour découvrir un jeune auteur.
L'acteur qui jouait Estragon, Pierre Latour, ne voulait pas baisser son pantalon à la fin de la pièce, car il trouvait cela ridicule. En apprenant cela, Beckett écrivit à Blin pour lui expliquer que la chute du pantalon était une des choses les plus importantes de la pièce. Après de longues négociations, Latour accepta. Le pantalon tomba. L'effet produit fut assez inattendu : ce fut un des rares moments de Godot où personne ne riait.
La pièce est séparée en deux actes, le premier acte étant répété dans le second, avec quelques modifications. Ce qui a fait dire à certains que Beckett réussissait le tour de force de présenter une pièce où il ne se passe rien, et de la présenter deux fois plutôt qu'une.
Beckett a détesté toutes les études sur sa pièce. Mais il était aussi suffisament intelligent pour en dire si peu sur En Attendant Godot que des milliers d'interprétations en ont fait un immense succès.
On a dit que le personnage de Lucky était une allégorie de la guerre froide entre l'Irlande et la Grande-Bretagne. On a trouvé à la fois des manières Freudiennes (L'égo incomplet, le plaisir oppréssé) et des pratiques Jungiennes dans le texte (les 4 aspects de l'âme : l'égo, l'ombre, la persona et l'anima). Il y a aussi des éléments existentialistes qui empruntes à Camus (la fatalité de l'absurde) et à Kierkegaard (les limites phylosophieques mentales et physiques). L'éthique est aussi questionné alors que des personnages sont battus sans que quiconque, outre la victime, ne semble s'en soucier. La mythologie chrétienne est aussi très présente.
Dans les années 80, bien qu'il n'y ait aucune femme dans la pièce, plusieurs actrices ont monté En Attendant Godot ce qui a enragé Beckett "les femmes n'ont pas de prostate!" en effet, Vladimir va ponctuellement pisser pendant la pièce. Ce qui lui a toutefois plu c'était la production de la pièce de la part des détenus d'une prison allemande qui lui avaient écrit " ...que des bandits, des crapules, des vagabonds, des fraudeurs, des durs, des faibles, des homosexuels, des fous et des tueurs se reconnaissaient dans sa pièce".
On raconte finalement que l'inspiration de cette pièce serait venue des errances de Beckett (vladimir) et de sa femme Suzanne (estragon), quand ceux-ci ont longuement marché, fuyant les Nazies, dans le Roussillon et qu'ils couchaient à la belle étoile en se nourrissant de ce qui leur tombait sous la main.
La première de la pièce au Théâtre de Babylone a eu 60 ans, le 4 janvier dernier.