Les syndicats ont ils raison de vouloir dicter l'utilisation de l'argent que les entreprises n'investissent pas ?
Par David Descôteaux, depuis le Québec.
Entre 2001 et 2011, les liquidités des entreprises canadiennes sont passées de 187 à 575 milliards $. Pire, selon le CTC : cet argent « dort », pendant que les entreprises ont vu leur taux d’imposition baisser de presque la moitié depuis dix ans!
Et puis?
Peut-être qu’en effet, les entreprises pourraient investir plus. Mais je fais plus confiance au jugement de chefs d’entreprises et d’actionnaires qui mettent en jeu leur propre argent, qu’à celui d’un groupe de syndicalistes, ou de politiciens dont le métier est de dépenser l’argent des autres.
D’autre part, si nos entreprises (et nos travailleurs) ont moins souffert pendant cette récession que celles d’autres pays, notamment des États-Unis, c’est justement en partie parce qu’elles ont été plus prudentes. Et là, on veut les blâmer parce qu’elles hésitent à investir dans certains projets alors que l’économie vacille toujours? Est-ce qu’on préférerait qu’elles dépensent sans compter, et gèrent leur budget comme le font nos gouvernements?
Ultimement, les entreprises sont redevables d’abord et avant tout envers leurs actionnaires. Et non envers des groupes de pression et des politiciens qui croient savoir mieux qu’elles combien investir, et où le faire pour « stimuler » l’économie.
Les humains payent
Pour ce qui est des baisses d’impôt, répétons-le encore une fois : seuls les humains payent des impôts. Une entreprise n’est qu’un bout de papier classé au ministère des Finances. Ce sont les actionnaires, les patrons, les travailleurs et les clients qui finissent par payer les impôts corporatifs.
Et selon plusieurs études, notamment de l’OCDE, ce sont les salariés qui payent la plus grande part de ces impôts à moyen et long terme. Par un nombre moins élevé d’emplois, et des salaires plus faibles. Les travailleurs ont le petit bout du bâton parce qu’ils sont moins mobiles que les entreprises — qui peuvent déménager sous des cieux plus cléments. Et moins mobiles et que leurs investisseurs. C’est peut-être triste, mais c’est ainsi.
Et si on trouve que les PDG ou les actionnaires s’en mettent trop dans les poches, on peut toujours les taxer davantage, eux, au lieu de l’entreprise. (Quoique ce n’est pas si simple, comme on l’a vu au Québec il y a quelques mois.)
Rappelons finalement que diminuer les impôts peut parfois amener PLUS de revenus à l’État, en attirant ici des entreprises et des investissements. Les revenus provenant des impôts sur les entreprises ont été de 32,4 milliards lors du dernier budget fédéral. En légère baisse par rapport à 2008, mais grosso modo équivalents (en tenant compte de l’inflation) aux recettes corporatives de 2005, juste avant l’arrivée des conservateurs. Alors que le taux d’imposition était pourtant plus élevé.
Non aux subventions
Si on trouve que les grandes entreprises profitent de privilèges, il existe un endroit où couper. Qui serait moins dommageable pour l’économie dans son ensemble : les subventions.
Le gouvernement fédéral verse des milliards en subventions aux entreprises chaque année. Des sommes versées en échange de promesses d’emplois qui ne se réalisent pas toujours. Et où les récipiendaires sont choisis sur la base de calculs souvent plus politiques qu’économiques.
D’ailleurs les PME québécoises seraient les premières à préférer des baisses d’impôt à des subventions. Elles reçoivent très peu ou pas du tout de ces dernières, alors qu’elles croulent sous les taxes, notamment celles sur la masse salariale. Et la plupart n’ont pas le temps d’aller faire du lobbying dans les corridors de Québec ou d’Ottawa.
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