Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat précise le régime de la notification des décisions d'opposition aux déclarations préalables.
L’arrêt semble également marquer le recul de la théorie de la connaissance acquise.
En fonction de leur ampleur, des travaux de construction peuvent faire l’objet d’un permis de construire ou d’une simple déclaration préalable.
En application des dispositions combinées des articles L.424-1 et R.424-1 du Code de l’urbanisme, l’autorité compétente en matière d’urbanisme doit instruire la déclaration préalable et se prononcer dessus dans un certain délai.
Si l’autorité souhaite s’opposer aux travaux décrits par la déclaration préalable, elle doit notifier sa décision dans le délai prévu.
A défaut, le silence de l’autorité à l’expiration de ce délai vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.
En conséquence, les modalités de la notification et la preuve de celle-ci génèrent un contentieux abondant.
L’affaire était la suivante, un particulier avait déposé une déclaration préalable de travaux.
Par un arrêté, le maire de la commune s’est opposé aux travaux.
Cette décision d’opposition avait été notifiée à l’adresse indiquée par l’auteur de la déclaration préalable où se trouvaient à la fois son domicile et son ancien lieu d’exercice professionnel, un restaurant.
La décision fut remise au nouvel exploitant du restaurant au lieu de l’auteur de la déclaration préalable.
La question était de savoir quelles devraient être les conséquences de cette notification mal effectuée.
Le Conseil d’Etat énonce que la notification dans le délai d’instruction est une condition de légalité de la décision prise à l’égard de la déclaration préalable car elle met en mesure l’auteur de la déclaration préalable de savoir de façon certaine, à l’expiration du délai d’instruction, s’il peut ou non entreprendre les travaux objet de cette déclaration.
En conséquence, constatant que la notification n’avait pas été effectuée de manière régulière à l’auteur de la déclaration préalable avant l’expiration du délai d’instruction, la Haute Juridiction juge que celui-ci était fondé à demander l’annulation de la décision d’opposition à sa déclaration préalable.
L’arrêt semble par ailleurs marquer un peu plus le déclin de la théorie de la connaissance acquise.
En principe, le point de départ du délai de recours du destinataire d’une décision administrative individuelle est la notification régulière de cette décision.
Toutefois, en l’absence de notification, la jurisprudence admet que le délai a pu commencer à courir lorsque il est manifeste que le destinataire a acquis connaissance de la décision.
Tel est notamment le cas s’il effectue un recours gracieux contre la décision. Il est alors réputé connaître la décision à la date à laquelle il a formé ce recours.
Le Conseil d’Etat a progressivement limité les effets de cette théorie en jugeant en particulier que la connaissance acquise d’une décision ne suffisait pas à rendre opposables au requérant les délais de recours, dès lors que la décision attaquée ne contenait pas la mention des voies et délais de recours. (CE, 13 mars 1998, Mme Mauline, n° 120079)
En l’espèce, l’auteur de la déclaration préalable avait effectué un recours gracieux contre l’arrêté rejetant sa demande, lequel mentionnait les voies et délais de recours, bien que notifié à une personne autre que lui.
Cependant, si le Conseil d’Etat énonce que, dans ces circonstances, l’auteur de la déclaration préalable devait être réputé comme ayant acquis la connaissance de l’arrêté d’opposition à sa déclaration, la Haute juridiction relève ensuite que l’accusé de réception de son recours gracieux ne lui a pas été transmis en violation des dispositions de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Or, selon le troisième alinéa de cet article, les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis.
Le Conseil d’Etat écarte en conséquence la connaissance acquise de la décision et juge que le délai de recours n’a recommencé à courir, qu’à compter de la date à laquelle l’intéressé a reçu notification d’un second arrêté confirmant l’opposition de la commune aux travaux.
« 3. Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus que l'auteur d'une déclaration préalable doit être mis en mesure de savoir de façon certaine, au terme du délai d'instruction prévu par le code de l'urbanisme, s'il peut ou non entreprendre les travaux objet de cette déclaration ; que la notification de la décision d'opposition avant l'expiration du délai d'instruction, constitue, dès lors, une condition de la légalité de cette décision ; que, par suite, le tribunal administratif de Grenoble a commis d'une erreur de droit en jugeant que l'absence de notification régulière de la décision d'opposition à travaux ne pouvait emporter de conséquences que sur les délais de recours contentieux et non sur la légalité de la décision attaquée elle-même ; que M. C... est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; »
« Considérant, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment de la signature figurant sur le procès-verbal de notification administrative du 15 janvier 2008, que l’arrêté du 10 janvier 2008 du maire d’Huez, s’il a bien été notifié à l’adresse indiquée par Monsieur C… lors du dépôt de sa déclaration préalable, n’a pas été remis à M. C. mais à M.B…, nouvel exploitant du restaurant Le Génépi, précédemment exploité par Monsieur C…, alors même que le domicile de M. C… était toujours situé dans l’immeuble du même nom ; que cette notification ne peut, par suite, avoir fait courir le délai de recours contre l’arrêté du 10 janvier 2008 ; »
« 6. Considérant que si M. C... a formé, le 25 février 2008, un recours gracieux contre cet arrêté, lequel comportait la mention des voies et délais de recours, et s'il doit, dès lors, être regardé comme ayant acquis la connaissance de cet arrêté et de ses mentions au plus tard à cette date, il est constant que ce recours n'a pas fait l'objet de l'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; qu'il ne peut par ailleurs être regardé comme ayant été rejeté par le courrier du 18 mars 2008, notifié à M. C... le 20 mars 2008, qui lui indique que son dossier sera à nouveau présenté à la commission d'urbanisme lors de sa prochaine séance ; que, par suite, le délai du recours contentieux contre l'arrêté du 10 janvier 2008 n'a recommencé à courir qu'à compter du 13 mai 2008, date à laquelle M. C... a reçu notification de l'arrêté du même jour confirmant l'opposition de la commune aux travaux objet de la déclaration préalable, avec l'indication des voies et délais de recours, et n'était pas expiré le 15 juillet 2008, lendemain d'un jour férié, date à laquelle la demande de M. C... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif ; que, par suite, la commune d'Huez n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. C... seraient tardives et, par suite, irrecevables ; »
(CE, 30 janvier 2013, M. C…, n° 340652)