Il est difficile d'avoir un
véritable débat sur la question de l'ouverture du mariage aux couples
homosexuels. Tout simplement parce que chacun en fait une question de principe
souvent maquillée par des arguments qui se veulent rationnels.
Même si ce n'est pas son objectif, la
tribune intitulée " les opposants au mariage gay sont à court d'arguments
rationnels " le montre bien.
Il est en effet difficile de justifier son opposition au mariage gay par des
arguments rationnels. Notamment parce que les partisans du mariage gay ont
imposés leur manière de poser la question. Celle-ci est prise à l'envers, elle
ne devrait pas être: " quels sont les arguments pour refuser de faire évoluer
le mariage afin de l'autoriser aux homosexuels " mais plutôt : " quels
sont les arguments pour accepter de faire évoluer assez radicalement cette
institution ancestrale ".
En effet, le mariage entre 2 hommes ou entre 2 femmes ne répond pas à la
définition du mariage puisque depuis le départ (et ça fait longtemps), celui-ci
est défini tant par les églises que par la République comme l'engagement d'un
homme et d'une femme l'un envers l'autre.
Et si on prend la question de ce côté-là, on tombe sur les mêmes difficultés
à mettre en avant des arguments rationnels.
Démonstration :
L'argument du droit à l'amour
J'écarte d'entrée le message véhiculé par tous les témoignages d'homosexuels
consistant à dire : voyez comme on s'aime, voyez comme c'est beau,
pourquoi ne pourrions-nous pas affirmer et vivre pleinement notre amour à
travers le mariage ?
Je l'écarte pour 2 raisons, tout d'abord parce qu'historiquement le mariage
n'est pas fait pour affirmer son amour, c'est avant tout un engagement
contractuel dans la durée. Pendant très longtemps, cet engagement été
uniquement guidé par l'intérêt et si, de nos jours, on ne le conçoit pas sans
amour, tant mieux, mais nul part on trouve l'amour comme critère d'admission au
mariage.
La seconde raison, c'est qu'il y a bien d'autres manières d'affirmer son
amour pour quelqu'un que de se marier. D'ailleurs personne ne se hasarderait à
affirmer que les couples non mariés, et il y en a de plus en plus, sont moins
amoureux que les autres.
L'argument de l'égalité des droits devant le
mariage
C'est celui-ci que l'on nous assène le plus souvent, de manière plus ou
moins explicite.
Or de quels droits parle t'on ?
Chacun a le droit, s'il respecte les conditions requises notamment de ne pas
déjà l'être (polygamie) et d'avoir l'âge minimum, de se marier avec une
personne de l'autre sexe. Le droit dit expressément que " Le mariage n'est pas
possible entre personnes de même sexe ". Vis-à-vis du mariage, chacun pris
individuellement a bien les mêmes droits.
C'est donc d'un pseudo droit du couple dont on parle. Un couple homosexuel
devrait avoir les mêmes droits qu'un couple hétérosexuel. Or, ce droit n'existe
pas en tant que tel. D'ailleurs on voit bien que tout reposerait alors sur la
définition du couple. Si 2 personnes qui vivent " en couple " peuvent être
considérées comme un couple et en conséquence doivent pouvoir bénéficier des
mêmes droits que les autres couples, on peut aller très loin. Qu'est-ce qui
m'empêche de me déclarer en couple avec ma grand-mère voire mon grand père et
demander au nom de l'égalité des droits à pouvoir me marier avec pour
bénéficier d'avantages fiscaux ou autres ?
L'argument du droit à l'enfant
Le droit à l'enfant n'existe pas et tant mieux.
Le droit à l'adoption existe, et il est actuellement ouvert, sous certaines
conditions, aux couples hétérosexuels et aux célibataires. En ce qui concerne
les célibataires, mon point de vue est que c'est pour le moins discutable.
Rappelons quand même que la possibilité de l'adoption par des célibataires est
liée aux circonstances historiques exceptionnelles d'après guerre, à un moment
ou les hommes étaient moins nombreux que les femmes, et le nombre d'orphelins
très important.
Pour autant, de nos jours, il y a largement plus de postulants à l'adoption
que d'enfants à adopter. En conséquence, de deux choses l'une.
Soit les couples hétérosexuels seront systématiquement privilégiés et dans
ce cas, ce ne pourra que créer une immense frustration pour les couples
homosexuels et constituerait de fait une réelle discrimination.
Soit, les couples homosexuels seraient en concurrence avec les couples
hétérosexuels et pourraient adopter au détriment des premiers. Et là, je crains
que ça ne crée des tensions d'autant que les psychologues sont très partagés
sur le sujet de l'adoption par 2 personnes du même sexe.
La question de " l'adoption " des enfants de l'autre membre du couple se
pose différemment.
L'argument de la sécurisation de l'enfant
Permettre à la compagne d'une mère ou au compagnon d'un père qui, dans les
faits, co-assure déjà d'éducation d'un enfant d'en assumer à égalité l'autorité
parentale, a effectivement beaucoup de sens.
Mais de quelles situations parle-t-on ?
Si on fait fi des enfants obtenus illégalement par la PMA à l’étranger ou ou
pire encore par la GPA à l'étranger également, cet argument ne vaut pleinement
que dans le cas, qui n'est pas spécifique aux homosexuels, de familles
recomposées. 2 hommes ou 2 femmes se mettent en couple alors que l'un(e)et/ou
l'autre a déjà des enfants.
Or, assez généralement me semble t'il, un enfant a un père et une mère
biologique. Même quand ceux-ci sont séparés, ils sont sensés assumer
conjointement l'autorité parentale. En conséquence, ce n'est pas parce que l'un
des parents se remet en couple, que son nouveau " conjoint " pourra se
substituer pleinement à l'autre parent. Le mariage de son père ou de sa mère
avec un autre homme ou une autre femme ne changera rien du tout à sa situation
juridique. En conséquence on peut très bien rétorquer à cet argument que si on
ne permet pas à un couple homosexuel d'adopter (ou PMA), il n'y a pas de
problème et que de toute façon, la question se pose exactement de la même
manière pour les couples hétérosexuels (re)mariés ou non.
A priori, les cas d'adoption par un conjoint au détriment de l'autorité
parentale d'un des parents biologique devraient être extrêmement
rares.
Et à ces situations que connaissent beaucoup de familles dites recomposées,
il y a déjà des réponses d'apportées ou d'imaginées qui doivent s'appliquer que
le couple soit marié ou non.
Notamment le statut dit du " beau parent " défini par la Loi de 2002 sur
l'autorité parentale. Dans certaines conditions, dont celle notamment d'avoir
reçu l'accord des parents biologiques, une délégation, totale ou partielle, de
l'autorité parentale peut déjà être attribuée au tiers "qui réside avec
l'enfant et l'un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec
lui".
En 2009 un avant-projet de Loi " relatif à l'autorité parentale et aux
droits des tiers " destiné notamment à simplifier et compléter cette loi a fait
l'objet d'une large concertation ...et de vives polémiques.
A ma connaissance, le sujet n'est pas clôt mais ce que j'en retiens, c'est
qu'il y a d'autres moyens que le mariage qui doivent permettre de reconnaitre
et de faciliter le rôle de co-éducateur du compagnon ou de la compagne d'un
parent.
L'argument de la sécurisation des membres du
couple
C'est peut-être l'argument le plus fort. Permettre à 2 personnes qui
décident de s'engager ensemble de sécuriser juridiquement leur couple surtout
en cas de décès d'un des deux membres, est important.
A cela je répondrais pourtant comme sur le point précédent, ce besoin il est
le même pour les couples mariés que pour les couples non mariés qu'ils soient
hétérosexuels ou homosexuels. Il existe donc des solutions et si elles ne sont
pas satisfaisantes, au nom de l'égalité également, on doit en trouver qui
n'imposent pas le mariage aux deux membres du couple.
L'argument ça existe ailleurs pourquoi pas chez
nous
Pas grand-chose à dire la dessus sinon que le fait qu'il y ait un précédent
ailleurs ne justifie absolument pas que l'on en fasse autant.
L'argument c'est un progrès pour la société ou de toute façon ce
n'est qu'adapter le droit à l'évolution de la société
La notion de progrès est évidemment tout à fait subjective. En cela, elle ne
peut constituer un argument recevable. Et contrairement à ce que veulent
laisser croire certains partisans du mariage pour tous, il n'y a pas d'un côté
les gentils progressistes qui le demandent et de l'autre les affreux
conservateurs voire réactionnaires qui le refusent.
En conclusion, l'institution du mariage existe depuis des siècles (220 ans
en France pour le mariage civil) et telle qu'elle est définie elle suppose
obligatoirement la participation d'un homme et d'une femme c'est-à-dire d'un
couple hétérosexuel. Les homosexuels demandent à vouloir être intégrés à cette
institution, la question est donc, faut-il ou non répondre positivement à leur
demande...et non l'inverse.
Je ne vois pas d'argument absolument irréfutable qui rendrait la réponse
évidente, ni au regard du droit, ni de la justice, ni de la morale.
A partir de là, c'est à chacun de la considérer sur la base de ses propres
considérations, religieuses ou autres.
Pour ma part, je comprends que les homosexuels tiennent à avoir la possibilité de se marier car cela constitue une reconnaissance claire de la société vis-à-vis de leur forme de couple. Même s'ils ne font pas le choix de se marier, ils auront le sentiment d'être traités comme n'importe quel couple, sans différenciation. Ce sera également une manière pour la société d'affirmer haut et fort que l'homosexualité n'a rien " d'anormale " ce qui peut sembler une évidence pour beaucoup mais malheureusement pas pour tous. J'aurais eu à voter, j'aurais voté pour, avec quelques réticences en ce qui concerne l'adoption, mais qu'on arrête de culpabiliser ceux qui font un autre choix, sur un tel sujet toute opinion mérite respect.