Automne 2008, en pleine crise financière, la Caisse d’Epargne essuie un fiasco financier redoutable pour son image de banque traditionnellement tranquille et raisonnable. Boris Picano-Nacci alors trader responsable du portefeuille dérivés-actions est à l’origine de prises de positions hautement spéculatives, certes souvent rentables, mais lorsque personne ne sauve le soldat Lehman le 15 septembre et que la Bourse de New York perd 7%, c’est le marasme : 751 millions de pertes, un bouc émissaire et un procès.
Comme beaucoup d’autres établissements, l’Ecureuil possède un service trading pour compte propre où elle place les fonds de la banque. Bien que la banque ait décidé de liquider toutes ses positions en avril 2008, l’avarice pousse le top management à profiter toujours plus des promesses lucratives des marchés en retardant au maximum l’arrêt du jeu. Boris Picano-Nacci a misé gros sur Lehman Brothers, croyant dur comme fer à sa survie et au concept du « Too big to fail ». Mais le 15 septembre 2008 Lehman coule, le 10 octobre le trader jette l’éponge, alerte sa direction et démissionne, le 24 octobre les pertes sont chiffrées à 751 millions d’euros.
C’est au tribunal correctionnel que l’on retrouve le trader. Il est accusé d’abus de confiance et la banque, quant à elle, réclame le recouvrement des 751 millions. Le 28 janvier 2013, le tribunal requiert au trader un remboursement de 315 millions d’euros à la banque, et deux ans d’emprisonnement avec sursis. Boris Picano-Nacci confesse avoir fait de mauvais choix, mais ne jamais avoir dissimulé ses positions auprès de sa direction, car tout comme le démontre un rapport accablant de la Commission bancaire, les outils de contrôles de la Caisse d’Epargne étaient défaillants. Mais ce n’est pas pour autant que le trader ne doit pas répondre de ses fautes professionnelles.
Vraisemblablement, le trader a réalisé 315 millions d’euros de pertes qui lui sont imputables, les 436 restants reviennent donc à l’Ecureuil. Pourquoi donc s’acharner sur une seule personne ? Il est bon de mettre en exergue que les pertes d’une entreprise, lorsqu’elles sont dues aux fraudes de salariés, sont en parties remboursées par le fisc français, on appelle cela le carry-back. En 2008, la Caisse d’Epargne a bénéficié d’un carry back de 130 millions d’euros. Si les pertes sont dues au «comportement délibéré des dirigeants » ou à une «carence manifeste dans la mise en œuvre des dispositifs de contrôles », aucune indemnisation n’est alors envisageable. On comprend mieux l’intérêt pour une banque de concentrer ses efforts sur un bouc émissaire, bien que le bouc en question ait sa part de responsabilité, il est surtout coupable d’avoir sous-estimé la crise.
Somme toute, cette affaire ne devrait pas être confondue avec la saga Kerviel. Ce dernier a engagé des sommes bien plus conséquentes sur une plus longue période et en commettant des faux. Heureusement pour Boris Picano-Nacci, il a scoré des pertes plus de six fois inférieures aux 4,9M, et contrairement à Jérome Kerviel, il a adopté une posture fébrile lors de son procès. Bien qu’il évite la prison ferme, le tribunal exige tout son saint-frusquin, une somme humainement non remboursable pour tout portefeuille normalement constitué : il faudrait plus de 5000 ans au trader afin de rembourser les 315 millions dus sur une base d’un salaire mensuel de 5000€ ! Le voilà pauvre comme Job.
JTDA