Éveils et Mises-en-Scène

Publié le 03 février 2013 par Hunterjones
Cette (dernière et finale) session, j'ai des cours en soirée les lundis et jeudis.
C'est bête, j'étais intéressé par trois propositions télévisuelles cet hiver: Et Si? sur V où j'ai un ami qui y a apporté sa plume et certaines de ses idées, L'Amour est Dans le Pré toujours sur V dont j'avais beaucoup aimé la première saison et 19-2 dont j'avais vu au moins la moitié de la première saison et dont on parlait beaucoup de la première cette semaine.
Ces émissions sont les lundis et jeudis soirs.

J'ai essayé de regarder Et Si? sur le net mais l'idée de me rentrer dans la gorge une pub de 30 secondes entre chaque sketch de deux minutes (parfois moins) est si infecte qu'elle est venue à bout de ma tolérance. La seconde émission commence le 14 février et la série 19-2 commençait lundi dernier.
On avait fait plusieurs mises en garde au préalable en révélant à l'avance que l'épisode offrirait une tuerie dans une école. On sentait qu'on marchait sur des oeufs. Avant l'épisode on répète que certaines images pourraient être insupportables à regarder. Les tueries de Dawson, Newton, Norvège, Denver sont encore si fraîches, sans même voir l'épisode, on peut imaginer bien des scènes d'horreur. Lundi, à Radio-Canada, on la mettait en images.
En revenant de mon cours (le plus plate de l'histoire du monde entier) à la radio, à la place de l'émission habituelle de 22h00, l'animateur avait un ton funèbre. J'étais certain qu'il allait m'annoncer un drame national. C'était plutôt pour annoncer que l'émission allait exceptionnellement faire place à une ligne ouverte en compagnie du co-idéateur de la série 19-2 et comédien Claude Legault, de l'auteure Danièle Danserault, de la directrice de la programmation Louise Lantagne et plus tard de Réal Bossé co-idéateur et comédien aussi, ainsi que du surdoué réalisateur de la série, Podz.
Bon.
Le retour à la maison avec cette ligne ouverte était une expérience de lichette, d'auto-congratulations, de flattage dans le sens du poil, je me suis pensé à TVA quelques instants. Tous les intervenants étaient unanimement bouleversés et si ils avaient pu, ils se seraient tous touchés partout. Justement, à la maison, l'amoureuse m'a conseillé en tirant sur la couverte du lit de regarder l'épisode aussi quand j'en aurai la chance.
Ce que j'ai fait mardi.
C'est con, mais je n'ai pas été séduit. Et je me sens coupable de quelque chose. Trop d'attentes j'imagine. Très peu touché, j'ai été. Le premier cadavre m'a secoué mais dans l'ensemble je ne semblait voir que ce qui clochait dans la mise-en-scène. Julie Perreault, jolie mais mauvaise, qui a beaucoup de difficultés à me faire croire à ses propositions. Le dialogue entre collègues avant le drame, pas aussi naturel qu'écrit. La très naturelle confusion quand on croit qu'il y a deux tireurs mais l'assurance par la suite, quand on l'a tiré qu'il serait maintenant seul. Je comprends que certains choix devaient être faits pour des fins dramatiques et/ou budgétaire mais je voyais plus l'effet qu'on voulait nous faire sentir que ce que je devais sentir.
Surtout quand les pubs de voiture et de station de ski sont venues briser le tempo de mon écoute.
Attention, je ne dis pas que c'était mauvais, c'était même très très réussi par moments et je ne ferais probablement jamais mieux. Le choix de certains silences entre autre, était merveilleux. Et quelques lignes étaient tout simplement parfaites ("à la fin du meeting je dis tout le temps faites attention à vous autres..." ou "T'en as pas tué un, t'en as sauvé plein") Je dis simplement que je n'ai pas beaucouop vu autre chose que mon fils ne me montrait pas déjà quand il me fait monter à sa chambre pour une prouesse personnelle sur Call of Duty.
Je me suis aussi demandé ce que ce récit voulait éveiller en nous. Que mon fils serait le prochain tireur fou?
J'y ai pensé, je l'avoue. J'y ai jasé de l'attrait de Call of Duty sur sa personne. J'ai même joué avec lui.
On a parlé d'une bataille qui avait eut lieue à son école. Je n'ai pas souhaité qu'il me l'écrive. Ni qu'il me la mime.
L'une des fonctions principales de l'art est d'éveiller quelque chose. J'ai cru comprendre qu'il fallait tenter de voir tout ça de l'angle de ce métier parfois mal aimé qu'est celui de policier. D'accord. Est-ce que ça changera ma vision de ce regroupement professionnel? très peu. On parle d'un exercice de fiction inspiré de la réalité. D'une création émotive. Je n'étais pas bon public pour ça, ce mardi soir-là je suppose. Je ne comprenais pas l'objectif de tout ça. Sinon d'émouvoir.
En revanche, en écoutant le lendemain le documentaire d'Hugo Latulippe Ce Qu'il Reste de Nousj'ai versé des larmes en harmonie avec le déluge qui sévissait dehors ce jour-là. Dans ce touchant film, Latulippe, accompagné de François Prévost et d'une femme, dont les parents sont tibétains (mais qui fût elle, née en Inde et élevée à Montréal) se rendent au Tibet en trainant illégalement un dvd qui présente un court film de 5 minutes où le Dalaï-Lama indique aux Tibétains, la marche à suivre afin de survivre à la répréssion chinoise. La jeune femme leur montre clandestinement le film et les réactions sont diverses chez des Tibétains de tous âges. Certains sont agacés et souhaiteraient qu'il revienne à la place au lieu de rester en exil en Inde, tandis que d'autres pleurent, envahis par la foi, troublés de bonheur et d'espoir.

Le film est bouleversant. Il nous fait prendre conscience d'un peuple dont on ne se rappellera peut-être que de la soumission un jour.
En voyant coup sur coup 19-2 et Ce Qu'il Reste De Nous, deux joyaux québécois tout de même, je n'ai pu m'empêcher de penser à ce drôle de parrallèle.
Dans la première série (de fiction) on effleurait la réalité avec un rappel très réèl dans notre psyché collective.
Dans le film de Latullipe, tourné clandestinement entre 1996 et 2004, on offrait de la réalité avec des messages qui pourraient au bout du compte verser dans la fiction à moyen terme. Le courage docile des Tibétains pourraient un jour les effacer à jamais. Le Tibet n'existe déjà plus sur les cartes typographiques d'Asie.
Des Hommes courageux malgré tout, de part et d'autres dans la série comme dans le film. Homme avec un grand H sans égards au sexe.
Le même jour, Gabrielle Giffords me rejoignait davantage là où 19-2 aurait pu le faire, avec du vrai.
C'est peut-être ça qui rendait pour moi les mises-en-scène moins intéressantes.