« Trahi de toutes parts, accablé d’injustices / Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices / Et chercher sur la terre un endroit écarté / Où d’être homme d’honneur on ait la liberté »... Serge Tanneur, héros du film de Philippe Le Guay, « Alceste à bicyclette », ressemble à cet Alceste-là. A la suite d’une dépression, il a quitté les paillettes et le « show-bizz » et a voulu « tourner la page ». Tout près des grandes plages de sable de Trousse-Chemise, entre les Portes et Ars en Ré, il médite désormais en « promeneur solitaire ». Son repaire est une maison délabrée située au cœur de l’un de ces villages rétais qui, pendant tout l’hiver, fait de son nombril un corridor de volets verts et de façades blanches. « Et la cour et la ville / Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile ». Et pour cause... dans le ventre de sa maison léguée par un vieil oncle, Serge, intraitable Fabrice Lucchini, enrage faceà la fosse sceptique qu’il faut purger, aux tuyaux d’évacuation « qu’il faut raccorder ». Comment ça, « être raccordé », lui qui tient tant à son « indépendance » !...
C’est à ce moment précis que Gauthier Valence, acteur de télévision à la mode, « de passage dans la région », rend visite à son vieil ami qu’il a côtoyé naguère sur les plateaux. A la vérité, il a une idée derrière la tête : celle de lui proposer les rôles d’Alceste et de Philinte. Les deux complices enfin réunis joueraient en alternance les deux personnages du « Misanthrope » : le « romantique chiant », celui qui refuse le genre humain et le diplomate formaté, celui qui joue et s’accommode des masques et des grimaces. « Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé / De voir un homme fourbe, injuste, intéressé / Que de voir des vautours affamés de carnage / Des singes malfaisants et des loups pleins de rage. »