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Long afloat on shipless oceansI did all my best to smile 'til your singing eyes and fingers Drew me loving to your isle And you sang "Sail to me Sail to me Let me enfold you Here I am Here I am Waiting to hold you"
Did I dream you dreamed about me? Were you hare when I was fox? Now my foolish boat is leaning Broken lovelorn on your rocks, For you sing,"Touch me not, Touch me not, Come back tomorrow"O my heart, o myheart Shies from the sorrow
I am as puzzled as the oysterI am as troubled as the tide: Should I stand amid the breakers? Should I lie with death my bride? Hear me sing, "Swim to me, Swim to me, Let me enfold you.Here I am, here Iam, Waiting to hold you"
Au grand mât ligoté par ses compagnons sourds,Ulysse fasciné observe les sirènesEt, charmé par leur chant, s’étonne et s’interroge :Où regardent ces yeux qui chantent, et rient, et dansent ? Et que voit ce regard chaud comme un grand soleil ? A qui va ce sourire qui désarme et soumet ? Et que dit cette voix si proche, si douce, si pure ?Sourit-elle à l’amour que mon cœur lui proclame ?Ne voit-elle pas comment son seul regard m’enflamme ?Peut-elle ne pas savoir qu’il n’y a plus qu’elle et moi ?Et peut-elle ignorer qu’elle me promet tout Par ses yeux, par sa voix, par ses cheveux dorés ?Mais mon âme embrasée par sa beauté donnéeNe sait plus qu’admirer et je reste muetImmobileInvisibleEffacéRêvant d’être un miroir reflétant sa beautéRêvant d’être le vent qui caresse sa joueRêvant d’être lumière pour plonger dans ses yeuxEt rêvant d’exister, un peu, pour être deux.
Plutôt que de rêver, fallait-il écouterCircé ?Faut-il cesser de croire qu’une si belle voixNe pourrait s’adresser à nul autre que moi ?Faut-il admettre enfin que vieux, triste, et briséMédiocre et suranné, terne et désabusé,Je ne peux refléter que les derniers rayonsEt n’être vu que par Hadès et par Charon ?
“Song To The Siren” est la plus célèbre chanson de Tim Buckley. Cet emprunt à la mythologie grecque lui permet d’exprimer avec pudeur pourquoi des regards peuvent se croiser sans se rencontrer, et comment un cœur avide concentre la chaleur d’une voix pour s’enflammer comme la loupe concentre les rayons du soleil.Mais, le soleil, lui, ça ne lui fait ni chaud ni froid !
Au passage, Tim Buckley nous gratifie d’une métaphore aussi géniale que triviale, démontrant que l’humour échappe à toute convention : ‟As puzzled as the oyster”. Cette expression, restée célèbre, a cependant disparu des versions ultérieures de cette chanson, où elle a été remplacée par “As puzzled as a newborn child”.Quant à savoir pourquoi l’huitre est ébaudie, certains pensent que son étonnement fait suite à la découverte d’une perle, quand d’autres imaginent sa rétraction stupéfaite sous l’effet de la goutte de citron, avant d’être dévorée vivante, ce qui nous ramène au mythe des sirènes qui attiraient les marins sur les récifs pour les dévorer !
PS: Merci à PB pour ses suggestions, et longue vie à Charleville Action Jazz !
Chanson pour la SirèneSur des mers désertes, j’errais longtempsEn m’efforçant de sourireJusqu’à ce que tes yeux chantantsD’amour, vers ton ile, m’attirentTu chantais :« Vogue vers moi,Vogue vers moiEt viens me rejoindreMe voilàMe voilàBrûlante de t’étreindre »Rêvais-je que tu rêvais de moi ?Etais-je loup et toi chevreuil ?Mon bateau d’amour gît làFracassé sur tes écueilsCar tu chantes : « Non, ne me touche pas ; on verra demain »Oh, mon cœur, Oh, mon cœur, tu fuis le chagrinComme une huitre, je suis sidéréEt troublé comme la maréeDois-je me dresser sur les rochersOù, la mort, dois-je épouser ?Et je chante :« Nage vers moi,Nage vers moiEt viens me rejoindreMe voilàMe voilàBrûlant de t’étreindre »(Traduction – Adaptation : Polyphrène)